Sur ce point, on veut bien suivre les gestionnaires du système, à condition qu'ils disent les choses plus clairement. On regrettera cependant qu'ils laissent entendre subrepticement qu'il faut aussi préparer les Français à une opération cocotier contre les vieillards qui mettent trop longtemps à mourir.
Mais d'une manière générale le recul de la confiance risque de caractériser les années à venir. On doit se demander, en effet, si toute réduction de la voilure des engagements publics n'incite pas à se méfier des hommes de l'État. Et les procédés de camouflage de ces reculs ne feront qu'alourdir le climat de suspicion, aggravant le fossé entre le bon peuple, la classe politique et les médiats menteurs.
Consultant le Grand Larousse Encyclopédique, édition 1960, je trouve par exemple cette annotation historique rassurante : "la loi du 24 frimaire an VI n'a pas réalisé une banqueroute publique à proprement parler mais une répudiation de dette."
J'avoue respirer. Ainsi donc le 14 décembre 1797 de l'ère vulgaire, en application de la décision du Directoire du 30 septembre instituant le "tiers consolidé", l'État républicain a bel et bien garanti la dette publique. Officiel.
Cette conquête juridique fait en quelque sorte partie de notre patrimoine national sacré et tout bon républicain doit comprendre le mécanisme mis en place au nom du peuple souverain.
Les créances sur l'État et les rentes ont été techniquement remboursées à concurrence des deux tiers de leur capital en bons de Trésorerie. Ceux-ci furent admis en paiement des impôts ou de ce qui restait des biens nationaux. Le fameux reste "consolidé", inscrit au grand-livre de la Dette publique donnerait même lieu à des intérêts, promis, juré. Payés à leur tour en bons de Trésorerie ils allaient cependant ne pas rapporter grand-chose.
Cette glorieuse opération financière éclipsait presque à vrai dire les victoires militaires remportées en Italie en 1796 à Lodi (10 mai), Arcole (17 novembre) puis à Rivoli le 17 janvier 1797. Le général Bonaparte allait obtenir le traité triomphal de Campoformio. Signé le 17 octobre, il liquidait après cinq années de guerre la première coalition apparue contre la France révolutionnaire en 1792. On allait instituer pour quelques années un régime jacobin en Italie, en Belgique, dans les îles grecques de l'Adriatique et en Rhénanie. Le tour de la Suisse allait suivre bientôt. Toutes ces conquêtes s'autofinançaient largement. Cela va de soi.
Aujourd'hui les dépenses incompressibles portent sur bien autre chose. On n'enrichit plus des munitionnaires, on ne pille plus les œuvres d'art, on ne brade plus à quelques ruffians les abbayes volées à l'Église, on ne brûle plus les châteaux. On subventionne tout. On redistribue en direction des plus démunis. On aide les gens. Les caisses anonymes, les collectivités locales, les autorités les plus diverses permettent de vivre aux permanents des associations, aux intermittents du spectacle, aux migrants : qui donc accepterait de voir réduire, rogner ou recalculer cette manne tombée du ciel ?
Aussi vaut-il mieux relire cet article "banqueroute" du dictionnaire d'un œil plus serein.
Quand le même Larousse écrit "simple état de fait, la banqueroute publique résulte de la cessation de paiement des arrérages", il ne prévoit certes pas la diminution, le tassement, la mise sous condition de toutes ces générosités de la société. Les minima sociaux gérés par les départements, les allocations versées aux chômeurs, aux adultes handicapés, toutes ces dettes que nos énarques jugent implicites, par le fait même qu'on ne les écrit pas comme explicites, ne sauraient faire l'objet des procédures terrifiantes décrites plus haut.
Certes les auteurs de l'article apportaient-ils, il y a donc un demi-siècle quelques utiles nuances. Personne n'y verra la moindre ironie. On se situait alors, je crois nécessaire de le préciser, dans une époque d'inflation régulière, supposée indolore :
"La dépréciation monétaire qui allège régulièrement la charge de l'État évite aux États modernes de recourir à une pratique préjudiciable à leur crédit. Il faut cependant noter que la conversion avec réduction du taux de l'intérêt constitue – lorsqu'elle est obligatoire – une forme déguisée de la banqueroute publique".On n'arrête pas le progrès. Tout évolue.
Aujourd'hui, par exemple, les armées de la France n'envahissent plus les royaumes voisins.
Le cours forcé de la monnaie unique pose beaucoup de problèmes à divers pays de la communauté européenne, depuis qu'il a été institué. Une des solutions consisterait alors, a-t-on pu penser à payer un certain nombre d'engagements en monnaies nationales susceptibles d'évolutions douces. Le réajustement de l'euro vers une parité de change plus favorable au dollar, au yuan, au yen ou à l'increvable franc suisse permet de voir l'avenir un peu différemment. Les anciens bénéficiaires du deutsche mark ou du florin néerlandais ne l'entendent certes pas de cette oreille. Il faut les tenir pour des grincheux, de sinistres bosseurs, de tristes rabat-joie.
Les formes modernes de la banqueroute permettent de la dissimuler. Qui pourrait, qui oserait s'en plaindre ?
JG Malliarakis
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
Face au chantage de l'empire financier :
Crise des « subprimes », crise bancaire, accélération de la destruction de l'agriculture, de l’industrie et des emplois. Puis aujourd’hui crise de l’euro, crise de la dette publique des États, destruction du service public, chantage sur les retraites. Sans oublier les divers plans injustes pour sauver les banques !
Nous devons nous organiser et nous mobiliser massivement pour demander à faire la lumière sur la crise financière en convoquant immédiatement une commission d'enquête parlementaire !
Face à ce chantage, ne choisissons pas le choix de la défaite!
Rédigé par : David CABAS | samedi 05 juin 2010 à 14:22
Encore les intermittents!
Pour un fils d'artiste, quel ressentiment! Pour ma part, j'y suis point, interminable, dont la vie de beaucoup n'est pas des plus simples. Il existe une réalité depuis longtemps entérinée, c'est celle des obligations des employeurs vis à vis des concerts et autres prestations spectaculaires. Il y a 15 ans j'avais apprécié à 1,5 milliards de francs annuels le manque à gagner pour le seul département des Yvelines en charges salariales non acquittées dans le domaine des concerts des fins de semaines. Qui connait le député capable de lever ce lièvre? Pas moi, malheureusement... mais il existe aussi du gâchis dans ces finances publiques. Mais...
Rédigé par : minivelle | lundi 07 juin 2010 à 12:31