Comme tout cela semble fugace.
On gagnerait donc à réfléchir sur le texte fondateur de ce qu'on appelle l'Europe communautaire. Il a été prononcé le 9 mai 1950 dans un salon du ministère français des Affaires étrangères, au Quai d'Orsay, à Paris. En souvenir de cette date, les fonctionnaires des institutions nées de cette démarche bénéficient d'un jour de congé. On a cherché à en faire une fête de l'Europe. Dommage que cet anniversaire coïncide, aussi, avec celui de l'entrée des troupes staliniennes à Berlin le 9 mai 1945.
Pour le Mosellan Robert Schuman, on se situait bel et bien dans ce contexte. On ne doit pas le perdre de vue non plus. On doit hélas regretter les défaillances de la mémoire. Le chef de l'État français visitait l'Alsace, seule région encore administrée par la droite, ou ce qui en tient lieu. À Colmar, ce 8 mai, il a parlé de crimes de guerre. Mais il n'a pas su évoquer le camp N° 188 situé à 430 km au sud est de Moscou. En ce lieu, à Tambov, les Soviétiques ont détenu après la guerre des milliers de citoyens français, ceux qu'il appelle des "malgré nous". (1)
En 1950 l'armée rouge campait, buvait à la veillée sa rude vodka et chantait ses chaudes mélodies slaves, nomadisant alors à une distance de Strasbourg inférieure à celle de deux étapes du tour de France cycliste.
L'URSS ne cachait pas son intention d'imposer les commandements de ses hideuses casquettes, de ses tortionnaires et de sa sale grisaille au monde entier. Elle en avait administré la preuve. Elle s'appuyait sur ce qu'on appelle les accords de Yalta (2), lui permettant de satelliser l'Europe centrale entre 1945 et 1949. Elle avait attisé la guerre civile en Grèce et elle poussait maintenant l'agression communiste en Corée. Rappelons aussi que l'armée française se trouvait alors engagée dans la défense de l'Indochine contre le Vietminh créé par les marxistes-léninistes.
Certes, la première réalisation de l'Europe selon Robert Schuman se situera sur le terrain économique. On citera la communauté du charbon et de l'acier scellé en 1951. On saluera les 6 nations signataires en 1957 du traité de Rome. Celui-ci prévoyait essentiellement le libre-échange des biens, des capitaux et des services. Sans ces dispositions et sans ces 6 fondateurs, l'Union des 27 actuels États-Membres n'aurait pas vu le jour.
Tout cela a tenu à l'impulsion originelle. Le premier hommage que l'on doit rendre aujourd'hui consiste donc à se souvenir du propos initial :
"La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. La contribution qu'une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques. En se faisant depuis vingt ans le champion d'une Europe unie, la France a toujours eu pour objet essentiel de servir la paix. L'Europe n'a pas été faite, nous avons eu la guerre. L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes – créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée : l'action entreprise doit toucher au premier chef la France et l'Allemagne".Ce discours du Lorrain Robert Schuman rencontrait l'approbation de son homologue, le Rhénan Konrad Adenauer et des hommes politiques principalement catholiques, on doit le souligner, qui dirigeaient l'Europe occidentale continentale.
Certaines choses ont évidemment évolué, mais peut-être pas les données fondamentales. À l'époque, celle du pontificat de Pie XII par exemple, on se situait de façon très claire dans la perspective d'une Europe chrétienne et humaniste. Dans une telle perspective, démocrates-chrétiens, libéraux et sociaux-démocrates se trouvaient alliés contre les communistes, et, en France, contre les divers compagnons de route de celui-ci.
Certes, officiellement, le stalinisme a échoué dans son entreprise. Mais ses continuateurs persistent à tuer. Encore le 5 mai dans une rue d'Athènes, incendiant une agence bancaire, ils brûlaient vives trois personnes innocentes, dont une femme enceinte. Ces 3 modestes victimes, dont personne (3) ne semble se préoccuper, allongent ainsi le tableau de chasse. En 1997 le Livre Noir du Communisme évaluait ce martyrologe à 80 millions de mort. (4) Ces trois employés ne représentent donc que trois gouttes supplémentaires dans cet océan sanguinaire.
On ne pouvait pas laisser passer cet anniversaire sans le rappeler.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. Pierre Rigoulot "La tragédie des Malgré-nous - Tambov, le camp des Français (Paris, Denoël, 1990)"
- cf. la déclaration sur l'Europe libérée du 11 février 1945 que je reproduis dans mon livre "Yalta et la naissance des blocs" (Paris, Albatros, 1982)
- Personne : dans les médiats français. Ci-contre
la gerbe déposée devant l'agence bancaire Marfin, 23 rue du Stade, par
les militants du parti "LAOS".
- Ses auteurs, sous la direction de Stéphane Courtois indiquaient ce nombre comme un minimum indiscutable
sur le site de Lumière 101
Plus de 50 années après, où en est cette Europe que nous avons appelée de nos voeux, et que, dans nos coeur mais sans illusion, nous souhaiterions continuer d'appeler ?
Le constat est amer et c'est peu de le dire. Réduite à peau de chagrin sur la scène internationale, l'Europe a eu une action nulle, voire négative. Ce furent des soumissions, des retraites et des défaites stratégiques : Berlin, Budapest, Cao Bang, Dien Bien Phu, Suez, Tibet, Alger, Paris-68, Praque, Beyrouth, Belgrade, etc. Et cette terrifiante incapacité à tendre réellement la main aux pays de l'Est une fois le Mur de Berlin tombé. Seule l'Allemagne sut le faire magnifiquement avec sa ... moitié.
Effectivement face à cette déroute le réalisme des "marchés" ( qui ne veulent plus prêter à des états socialistes dispendieux : Grèce, Espagne, bientôt France) est un épiphénomène. Sauf que cela va ruiner les retraités et les classes moyennes.
Que pouvait on attendre d'autre d'une construction européenne faite à la petite semaine par des hommes-de-l'état démagogiques autant que faibles, et qui n'arrivaient pas aux chevilles des pères fondateurs que vous remettez fort à propos en lumière ? Sinon une Europe construite par le petit bout de la lorgnette, ( la normalisation des produits manufacturés par exemple), mais aussi par un étouffement de la liberté et la responsabilité : PAC, Codex Alimentarus, et cette marche arrière de la Commission et des chefs d'états lors du massacre de la Directive Bolkenstein par les violences des Alter mondialistes.
Il eut fallu au contraire fonder un grand projet - forcément civilisationnel - par un pacte fondateur stratégique rendant possible des dimensions politiques et militaires. Finalement avant Bruxelles, il y avait plus d'Europe par le simple jeu des accords bilatéraux économiques et militaires.
Dans ces conditions le projet européen fut abaissé au fil des années aux ... droits-de-l'homme façon portage de nourriture en Afrique par nos Képis blancs (!) et à l'ouverture des frontières aux miséreux du monde, avec les énormes risques que les migrations comportent pour la survie des populations européennes millénaires.
On ne bâtit pas une civilisation sur du sable, à savoir l'assistanat, la ruine par les impôts (et les prélèvements dits sociaux) confiscatoires, et le renoncement à la Politique ; ce sont là les vices de la démocratie dont Démosthêne démontra en vain à ses concitoyens, qu'ils les mènent à l'abime.
Désolé d'être ce soir très pessimiste ; il est venu le temps de planter les graines dont parlait si bien Saint Ex dans Pilote de guerre.
Rédigé par : Dominique Dutour | dimanche 09 mai 2010 à 22:06