La Pologne profonde a pu mesurer ainsi, dans cette nouvelle douleur, ce que valent leurs solidarités, leurs émotions affichées, leurs engagements. Paradigme de l'Europe chrétienne et paysanne, son expérience douloureuse vaut pour chacun de nos peuples.
Faut-il seulement évoquer cette question de l'impossible ? On évitera de citer à ce propos la fameuse phrase de Napoléon, pour qui les lanciers polonais s'étaient levés. On se souviendra qu'aujourd'hui les héritiers du bonapartisme, ne cherchent plus à déjouer les oukases du probable. Ils témoignent surtout, depuis 2005 de leur terrible crainte des plombiers, ayant rendu si difficile chez nous, si suspect, l'exercice des professions artisanales.
Le mot impossible a seulement semblé intraduisible en géorgien. Le président de ce pays Mikaël Saakachvili est souvent présenté sous les traits les plus caricaturaux. Il est tout de même parvenu à accomplir pour témoigner de son amitié, sincère celle-là, pour Lech Kaczynski et pour son pays, un périple, depuis les États-Unis que ni l'archange Obama, ni, depuis l'Europe occidentale nos dirigeants si compétents n'ont réussi à entreprendre. L'Allemagne était représentée par son président de la république, son ministre des Affaires étrangères, et par l'orchestre philharmonique de Berlin, sans doute, à tout prendre, la délégation la plus intéressante. S'employant de son côté à prouver qu'elle ne sert plus à rien, sinon peut-être à exporter des armes et empocher des rétro commissions, la France officielle, la France républicaine, la France de M. Domenech pour tout dire, n'avait semble-t-il délégué personne. Elle s'était déjà signalée de la sorte en 2007 sur la tombe d'Alexandre Soljenitsyne, où seul Philippe de Villiers avait su sauver l'honneur.
L'Europe de l'ouest a marqué de la sorte son découplage d'avec l'Europe centrale. Elle a démontré une fois de plus qu'elle s'intéressait tout juste, espace consommatique, à la présence des pots de yaourts dans les supermarchés de Prague, de Budapest ou de Varsovie, mais pas au destin commun de notre continent et de notre civilisation. Et elle l'a fait au pire moment. Non seulement à cause de cette tragédie ; non seulement en raison de l'ombre historique et accusatrice du martyrologe de Katyn, mais au moment même où les anciens partenaires de Yalta achoppent sur le bouclier antimissiles aux frontières orientales de l'Union européenne.
Un correspondant polonais, M. Christophe de Bréza a pu dépouiller immédiatement quelque chose comme 100 pages de commentaires assez profonds, exprimant l'opinion de ses compatriotes. Il m'affirme que ces réactions font preuve d'une exceptionnelle pertinence et d'une amère lucidité quant aux destinées de l'Europe.
Ah ! Comme on voudrait pouvoir en tirer avec lui, une fois traduites, des leçons durables, applicables à toute notre famille de peuples.
Ah ! Comme on voudrait pouvoir espérer que ce bouquet de nations qu'on appelle l'Europe puisse éviter d'être jeté au panier.
Ah ! Comme on voudrait pouvoir constater au 60e anniversaire de la déclaration Schuman de mai 1950 que ces fleurs ne sont pas définitivement fanées.
On assure régulièrement dans ce genre de circonstance que les gens, les peuples, n'oublient pas. Je crois hélas qu'ils acceptent de chasser beaucoup de chose de leur mémoire, et plus encore qu'il ne faudrait. Ont-ils gardé par exemple le souvenir de l'amitié franco-polonaise ?
Grâce à cette affaire nous disposons de témoignages, de documents, de textes parcellaires, contradictoires. Essayons de ne pas les disperser, de ne pas les diluer dans l'oubli.
Insistons à peine sur l'évanescence de la présence parisienne en Pologne. Après tout le silence vaut mieux que l'indécence, la clownerie, l'outrecuidance insultante, auxquelles nous avait accoutumés déjà la misérable ère Chirac.
J'allais d'ailleurs oublier de mentionner que le 19 avril tout de même, en présence de quelques ectoplasmes hiérarchiques, une messe de requiem avait été concélébrée en l'église Saint-Louis des Invalides. Peu éloigné des palais nationaux cet édifice religieux a offert à nos dirigeants l'occasion de prouver leur modestie de violette. On ne les voyait pas. Un agent du service de sécurité révélait que la république marquait sa présence en la personne du directeur de cabinet de je ne sais quel élu, d'origine hongroise. Mazette. À défaut de microscope un seul homme politique semblait visible à l'œil nu, tranchant par sa haute taille et sa chevelure claire. Inutile, et peut-être dangereux, de le nommer.
Un texte fut distribué. Il était présenté comme la traduction française du discours préparé par le président Kaczynski à propos de Katyn et pour cette commémoration. Las, sur le site officiel de la présidence polonaise une version anglaise, 5 fois plus longue, et infiniment plus accusatrice se trouve disponible (2).
Paris demeure aussi donc la capitale de l'eau tiède, du soviétisme mou et du communisme impuni.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. nos bulletins du 9 avril 2009 Katyn le poids historique du mensonge et du crime et du 8 avril Katyn un film magnifique de Wajda
- Précision de Christophe de Bréza : En fait, ce document n’est pas le "discours qui aurait dû être prononcé par le Président de la République Polonaise Lech Kaczynski à Katyn, le 10 avril 2010" bien qu’il le prétende dans son intitulé. Ce n’est qu'un résumé, fade et émasculé du projet du discours censé d’être prononcé le 10 avril à Katyn, par le président Kaczynski. Or, ce qui dans la redaction originale du vrai discours du président Kaczynski force l’admiration tient à la finesse de l’analyse, à la précision des mots, à une absence totale d'agressivité. Il s'agit d'un véritable discours d’homme d’Etat, et non pas d’un politicien. Le résumé réalisé par l’ambassade de Pologne à Paris l'a été, sans doute, avec les meilleures intentions du monde, mais le résultat se révèle contre-productif, comme tout abrégé de cette nature.
sur le site de Lumière 101
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