Par la grâce du prince, les citoyens Charasse et Migaud, vont se retrouver à des postes-clefs de l'État. Leurs fonctions demeureront en marge du gouvernement, qu'ils pourront critiquer tout à leur aise.
Simultanément on a réactivé cette étrange commission Attali dont les propositions de réformes sont présentées comme si Dieu les avait données à Moïse sur le mont Sinaï. Autant de portes de sorties hors du socialisme s'en trouveront, à l'évidence, hypocritement, fermées.
Dans son débat hebdomadaire sur LCI ce 28 février, M. Luc Ferry, qui tire si souvent contre son camp supposé, trouve cela très bien parce que de nature à désarçonner la droite. Ceci incommoderait, dit-on, de nombreux parlementaires.
Considérées individuellement, de telles ouvertures pourraient trouver leur justification. S'agissant de la cour des Comptes, on pourra estimer habile de la faire présider par un opposant déclaré, et d'ailleurs loyal, de préférence à un prétendu droitier foncièrement déloyal et nuisible. Au Conseil constitutionnel, on se demandera de même si l'entrée de l'ectoplasme Barrot, à peine libéré de ses brillantes activités bruxelloises ne contrebalancera pas celle du vieux laïcard sectaire, ancien ministre des Finances de l'ère Mitterrand.
La véritable question se trouve posée par le cadre général. Elle résulte du système issu du tour de passe-passe opéré en 1958. Elle s'exprime, et se résume d'une manière très dense, dans l'article 13 de la constitution : "le président de la république nomme aux emplois civils et militaires de l'État". L'article 21 attribue d'ailleurs une prérogative similaire au Premier ministre. Un chef-d'œuvre de logique cette loi fondamentale.
L'échafaudage d'ensemble me paraît déterminer un état d'esprit beaucoup plus grave que l'alchimie des équilibres politiques.
Car on trouve normal, dans cette république fromagère, que tant de carrières, voire des fortunes, puissent ainsi dépendre des caprices ou des intrigues de Cour. Les habitudes tant critiquées de l'Ancien Régime, ne bénéficiaient guère qu'à quelques dizaines de grands. On leur a substitué des milliers de gros. Les deux républiques précédentes contentaient leurs obliques favoris de décorations. Une telle pratique galvaudait au titre civil les reconnaissances nationales que d'autres méritaient au combat. La Cinquième ne se contente plus d'insulter les soldats. Certes, elle ravale toujours l'honneur lui-même à la distribution de hochets, devenus administratifs et dérisoires. Mais elle a créé aussi une vraie caste de prébendiers. Ceux-ci savent leurs rentes tributaires du bon vouloir des gouvernants. Comment ne pas présumer de leur servilité ?
Tant qu'une telle culture se maintiendra, la paralysie civique persistera à caractériser ce vieux pays.
Certains prendront argument de la réforme de juillet 2008 qui a certes introduit ce que l'on prend à tort pour un petit garde-fou : l'aval de commissions parlementaires se révélera désormais nécessaire dans le cas de certaines nominations. Et l'on a mis en place une loi organique pour appliquer un cinquième alinéa de l'article 13. Sur le papier, certes, <i>"le Parlement pourra contrôler les nominations envisagées par le président de la République aux fonctions les plus éminentes concernant la garantie des libertés ou la vie économique et sociale de notre pays"</i> (1). Ces situations concerneront dans l'avenir, en fait, 51 grands établissements dont le président ou le directeur général devra subir une audition parlementaire. Dans ce cadre, une majorité qualifiée pourra refuser d'entériner la personnalité proposée. Voilà qui empêchera, nous assure-t-on, la Française des Jeux ou à l'Aéroport de Paris d'être présidé par un zigoto.
Une première question s'impose : avant cette réformette combien de Français connaissaient-ils le fait que l'identité du patron de la Française des Jeux dépendaient d'un décret présidentiel ?
Deuxième observation. On se demandera pourquoi l'État, son chef ou ses assemblées, interviennent dans ce genre de nominations. De telles entités, sont souvent présentées comme des entreprises. La véritable mesure de liberté consisterait peut-être à normaliser leur gestion et leur direction, tout simplement sous l'égide de leur conseil d'administration.
À juste titre, une porte parole des sénateurs de gauche a pu expliquer le vote négatif de son groupe par le caractère artificiel de la procédure. On peut présumer que la majorité présidentielle ne s'en servira que dans des cas vraiment exceptionnels. Électricité de France figure dans la liste, et le Premier ministre a souhaité anticiper l'obligation légale. Mais cela n'a pas empêché, cet automne, la controverse autour de la double fonction de son nouveau patron. Pour le reste, pour le cas général, on peut même se demander si cette avancée, formelle, des droits du parlement ne servira pas surtout, dans la pratique, à diluer un peu plus les responsabilités. Cette complaisance à sens unique dans les nominations a été baptisée pompeusement par le chef de l'État, "république des compétences". La boursouflure même du slogan en souligne l'inanité, et peut-être même le danger.
Au total, le nombre exact des emplois pourvus directement ou indirectement par décret ne semble pas intéresser les statisticiens. On a avancé le chiffre de 70 000. Mais on devrait tenir compte aussi des organismes innombrables placés directement sous la dépendance du chef du gouvernement. On ne compte donc plus le nombre des courtisans. Si l'on y ajoute les bébés crocodiles aspirant à rejoindre leurs rangs, leur régime – qui se dit avec de plus en plus d'insistance "républicain" – compte plus de privilégiés de la faveur que de représentants du peuple exerçant des fonctions électives.
Le mot de démocratie a tellement été vidé de son sens par ces gens qu'on lui a substitué un doublon rival, frappé d'emblée d'une intense réprobation, celui de populisme.
JG Malliarakis
Apostilles
- Intervention de M. Henri de Raincourt, actuel ministre chargé des relations avec le Parlement présentant le projet de loi organique au Sénat le 21 décembre
24.2 On relance la question turque en pleine crise institutionnelle
22.2 Sur les causes profondes de la précarité
19.2 Le gauchisme maintenant et toujours
18.2 La plaie du communautarisme n'en finit pas de s'envenimer
17.2 Privilèges et gréviculture cégétistes
16.2 Absurde scrutin régional
15.2 Les trois erreurs de Cohn-Bendit
3.2
Un échec des marxistes latino-américains
2.2
L'instrument Villepin décevra la gauche
29.1 Pourquoi Aubry accepte le prix du ridicule
28.1 Les magistrats veulent faire taire les critiques
27.1La collusion entre le pouvoir et la CGT
26.1 Ombres sur la libre expression
25. 1 La prochaine crise pourrait nous rendre intelligents
14. 1 La classe politique peut pleurer sur elle-même et sur sa propre impopularité.
13.1 La CGT Marseille et la rigueur des sectes
12.1 Situation du patriarche œcuménique Bartholomée
8.1 Batailles pour l'Histoire
5.1 Pourquoi la gauche fusille Camus en effigie
4.1 Comment les Turcs regardent leurs alliances
1er.1 La fin du Père Noël
30.12 La jurisprudence Julien Dray petit-fils d'horloger
23.12 Nora Berra doit présenter des excuses ou quitter le gouvernement
22.12 La pression mondialiste peut devenir totalitaire
21.12 Copenhague entre gauchistes et financiers
18.12 La nuisance Séguin a encore frappé
14.12 Le fiscalisme hexagonal instrument du jacobinisme
10.12 La victoire caricaturale de l'affreux Frêche
7.12 Remettre Croizat à sa place.
5.12 Le coût de la pré-adhésion turque
27.11 La redécouverte du risque souverain
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
Pendant l'office funèbre de François Mitterrand, le citoyen Charasse a tenu en laisse, hors de l'église, le chien du défunt. Qu'il ait fallu le tenir en laisse fait supposer que la brave bête ne partageait pas les "sottes croyances" du citoyen.
"Sottes croyances", dixit Fouquier-Tinville à propos du catholicisme.
Le citoyen siège au Conseil constitutionnel.
Rédigé par : Pirée | lundi 01 mar 2010 à 14:20