Personne ne souhaite ouvertement convenir de la réalité lancinante.
Mais pour ceux qui auraient manqué les épisodes précédents rappelons la donnée fondamentale de l'épure. L'inéluctable paupérisation du système actuel dit de Répartition oblige, puisqu'on refuse d'en sortir :
- soit à l'augmentation des taux de cotisations,
- soit à la baisse du niveau des pensions,
- soit, enfin, ce qui revient au même, à l'allongement de la durée légale de la vie active.
Le parti socialiste et l'UMP semblaient donc pencher en commun en faveur de cette dernière formule. On la considère généralement, en effet, comme la moins douloureuse des décisions.
En 2003, avec l'appui des syndicats réformistes, et notamment celui de la CFDT, la loi Fillon avait déjà ouvert la brèche. Présentée alors, bien à tort, comme réformatrice, elle remettait en cause, dans la pratique sinon en théorie, l'une des prétendues grandes conquêtes de l'ère Mitterrand, la retraite à 60 ans.
Aujourd'hui, c'est-à-dire seulement 7 années plus tard, on parle à nouveau de "pérenniser" le dispositif. Le problème de fond stagne, sans solution. Le principe de l'âge légal n'a pas été clairement tranché. À vrai dire, on ne saurait lui donner une définition franche. Les pouvoirs publics s'acharnent encore à dissimuler aux Français l'évidente faillite.
Un mot pour dire également que l'assurance vieillesse monopoliste demeurera toujours incapable de provisionner le risque qu'elle prétend garantir. La technique financière appelle cela des "actifs congruents". Dans un système de droit privé, ils doivent nécessairement correspondre aux pensions futures, auxquelles une compagnie s'oblige lorsqu'elle reçoit des cotisations. Au contraire le modèle hexagonal fait appel à des hypothèses de croissance, des projections démographiques et des principes abstraits de solidarité entre les générations. Tout cela correspondait à des schémas complètement périmés de nos jours, les mises en garde de gens comme Alfred Sauvy ou Pierre Chaunu n'ayant servi à rien.
Dans cette perspective, on ne sortira donc du mensonge que par la petite porte. On savait celle-ci, autrefois, coutumière aux radicaux-socialistes. "Appuyons-nous bien sur les principes, ils finiront par céder". Mais pour que le mécanisme fonctionne, il lui faut un minimum de discrétion.
Dans un premier temps, le 17 janvier, Mme Aubry avait opéré le glissement essentiel qu'on attendait d'elle. Elle avait évoqué l'allongement de la vie active : "Je pense qu’on doit aller, qu’on va aller, très certainement vers 61 ou 62 ans." (1) Phrase biaisée, largement hypocrite, coupée de la réalité. À noter d'ailleurs que d'autres dirigeants de son parti allaient dans le même sens, notamment l'inévitable Le Guen et le non moins médiatisé Manuel Valls. Certains commençaient alors à parler, d'un consensus national (2). Le même jour, et dans le même cadre, le chef socialiste se prétendait elle-même apte à présider la république : "J'en ai les capacités, comme d'autres" (3).
Et puis, patatras. Le 26 janvier, la même dirigeante du PS se ravise. Elle intervient sans doute sous la pression de ses camarades politiques. La gauche du parti, le porte-parole Hamon, mais aussi les alliés communistes dénoncent ses propos. Le 25 janvier L'Humanité l'avait mise en accusation à la veille de la réunion du bureau politique où allait être discuté le retour en arrière (4). Quelques jours plus tôt un virulent désaccord avait été développé par le trotskiste Mailly, s'exprimant au nom de "Force ouvrière".
Mais voici les termes de la condamnation communiste :
"Martine Aubry se coiffe d’une casquette de présidentiable, montrant qu’elle peut agir au-dessus des clivages. La première secrétaire rejoint donc dans ce club, entre autres, la position des caciques de l’UMP, du Modem et des socialistes de l’aile droite tels que Manuel Valls, Arnaud Montebourg ou encore Jean-Marie Le Guen. Le député socialiste de Paris, proche de Dominique Strauss-Kahn, a envoyé une lettre le 12 janvier à la première secrétaire, lui demandant que le PS soit 'très officiellement associé aux discussions sur l’avenir des régimes de retraite'."Au lendemain de cette charge Mme Aubry change miraculeusement d'avis. Elle renonce dans la pratique à s'inscrire dans le débat d'une réforme consensuelle.
Plus question de s'accorder avec la droite pour liquider un acquis social.
Dès le 27 janvier, les porte-parole de l'UMP ironisent à bon compte.
On peut donc se demander pourquoi les réseaux de pouvoir du PS, adossés à la pression des communistes et des trotskistes, tiennent tellement à ces institutions molles que nous appelons sécurité sociale.
Si on s'en tient à la définition classique du mot démocratie, le "modèle" en vigueur dans cet univers administré ne lui doit rien. Personne de visible ne le gouverne. L'immense majorité des Français ne connaissent même pas le nom du chef de ce service appelé "Direction de la Sécurité Sociale" - DSS.
Reprenons, à leur intention, sa définition officielle :
la DSS "assure la tutelle des organismes de sécurité sociale, que ce soit les caisses du régime général, les caisses du régime de base des professions indépendantes autres qu’agricoles, ou les caisses des régimes spéciaux. Elle participe également à la surveillance des organismes de protection complémentaire et de la mutualité. Or, la DSS est rattachée à la fois au Ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, au Ministère de la santé et des sports et au Ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Elle conçoit les politiques relatives à la sécurité sociale, et assure leur mise en œuvre. Sa mission générale est d’assurer l’adéquation des prestations de sécurité sociale avec les besoins de la population, tout en veillant à l’équilibre financier des ressources."Il s'agit donc bien d'une structure essentiellement bureaucratique. Le siège de cette cellule administrative se situe au 14, avenue Duquesne, dans une aile du ministère de la santé. Elle règne donc en théorie sur les comptes de l'assurance-vieillesse. Mais elle dépend de groupes de pression qui relèvent plutôt de la maladie. Car la particularité de ce système unique au monde dans son absurdité (6) tient au fait qu'il associe dans une seule et même gestion, digestion ou congestion, plusieurs "branches" hétéroclites en fait. Une dernière tentative désespérée avait imaginé, sans lendemain, en 1993, de les rendre autonomes et responsables.
Son patron nominal, M. Dominique Libault, ne doit strictement rien au suffrage universel direct, ni même à un quelconque scrutin syndical. On ne saurait reprocher, à ce parfait anonyme, de succomber aux travers de ce qu'on appelle aujourd'hui la "pipolisation". De cet homme à l'aspect modeste et discret, nous apprenons, par un document de 2004, que
"dès sa sortie de l'ENA, il s'est spécialisé dans les problématiques sociales. Ancien conseiller technique au Cabinet de Simone Veil, ministre d'État chargé des affaires sociales, de la santé et de la ville, il intègre finalement la direction de la sécurité sociale, dont il est depuis novembre 2002 le directeur."Apparemment inamovible depuis lors, il figure encore à ce titre en tête de l'organigramme. Il intervient, certes, de loin en loin, devant certaines commissions parlementaires. Nous ignorons cependant, quelle prise de position officielle et civique il aurait développé à propos du système monopoliste français des retraites et des choix indiqués plus haut.
Or, rappelons-le, la loi de financement de la sécurité sociale englobe un budget supérieur à celui de l'État. Son élaboration dépend pour l'essentiel de ses services. Elle n'est soumise, depuis la formulation de son principe en 1996, à un vote rituel des chambres, que pour des raisons formelles.
Les grandes décisions, dans ce domaine, ont été historiquement prises par décret ou par ordonnance, sans débat parlementaire ni dans l'opinion.
Tous les éléments rassemblés plus haut nous indiquent bien que, pour une force politique se voulant démocratique, absolument rien ne devrait l'arrimer à cet héritage.
Alors, oui, pourquoi l'appareil du PS a-t-il obligé Mme Aubry à se ridiculiser et à capituler devant certaines forces de coulisses ?
Le Nouvel Observateur (9) évoque les avantages indus, les confortables notes de frais et l'appartement de 120 m2 mis à la disposition du Teulade, dans le 7e arrondissement, à proximité du siège du PS. Mais l'auteur de l'article a manifestement oublié les conditions dans lesquelles cet immeuble de la rue de Solférino a été acquis, curieusement racheté à une certaine mutuelle etc.
Ce Tonton flingueur avait été ainsi mobilisé une dernière fois en 1999-2000. On l'intronisa rapporteur du dossier des retraites au Conseil économique et social. Il s'agissait d'amener le gouvernement Jospin à ne pas tenir compte des prévisions pessimistes des démographes reprises par le Commissariat général au plan. Il intervint donc dans le sens attendu, balayant toute vraisemblance économique, comme Docteur Tant Mieux. Il paraissait alors légitime de dresser le procès du "teuladisme". (10)
Cette forme d'immobilisme a disqualifié pendant 12 années la présidence Chirac.
Mme Aubry s'y rallie désormais : elle démonétise à l'avance, le 26 janvier, la crédibilité présidentielle dont elle s'était affublée le 17.
De son côté, depuis 2002 la justice traite, avec une lenteur d'escargot un autre aspect, de ce "teuladisme". Plus anecdotique sans doute, la pièce de Marcel Pagnol, autorise de lui substituer un autre néologisme, celui de "topazerie". On peut tenir celle-ci pour le revers quasiment inéluctable de toute mainmise sur des biens publics.
On ne manquera pas non plus d'être tenté d'appeler ces choses par ce qui semble leur vrai nom. Si "fumer tue", ce fromage républicain "pue". Ah comme ce régime défend bien ses privilégiés. Il sait minimiser leurs fredaines. Et il s'emploie à enfumer les braves gens et autres lecteurs de la grosse presse.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. émission "Grand Jury RTL-Figaro-LCI" du 17 janvier
- cf. Le Figaro du 19 janvier
- cf. son intervention sur TF 1 le 26 janvier.
- Le secrétaire général de FO avait déclaré le 18 janvier : "On est clairement en désaccord. Reporter l'âge ou augmenter la durée de cotisation (…) conduirait les salariés à travailler sans fin. C'est inacceptable. On n'est pas lâché puisque FO est une organisation indépendante. Il ne nie pas les difficultés de financement des régimes de retraite» et milite pour "un changement de modèle". Il propose de "revenir à l'équilibre" en récupérant "25 milliards d'euros" de recettes par an en augmentant d'un point les cotisations vieillesse ou en taxant l'intéressement et les bénéfices non réinvestis. Enfin, il met en garde : FO n'acceptera aucune modification du mode de calcul de la pension des fonctionnaires, basé sur les six derniers mois de salaire (contre les 25 meilleures années dans le privé). Ce serait une "remise en cause du statut de la fonction publique"
- >cf. Georges Lane "La sécurité sociale".
- cf. dépêche AFP et site du Point le 27 janvier.
- cf. les Échos du 4 juin 2009
- cf. Nouvel Observateur en ligne du 27 janvier à 13 h 05.
- cf. l'Insolent du 18 janvier 2000http://www.europelibre.com/cl2000/cl000118.htm <
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5.1 Pourquoi la gauche fusille Camus en effigie
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30.12 La jurisprudence Julien Dray petit-fils d'horloger
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22.12 La pression mondialiste peut devenir totalitaire
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