Mais, récusant l'idée de l'Algérie française, le même De Gaulle, habillé en général, affirmait aussi redouter l'intégration "à part entière". Les 12 départements français d'outre-Méditerranée comptaient alors 9 millions de "Français de souche nord-africaine". Et il ne voulait pas qu'un jour Colombey-les-Deux-Églises devînt Colombey-les-Deux-Mosquées. N'ayant moi-même jamais été gaulliste je comprendrais, par conséquent, qu'au nom des lois mémorielles, on débaptisât les lieux publics qui portent son nom.
Et ce n'est pas sur son action ministérielle, essentiellement cosmétique que l'on peut juger Mme Berra, apparue dans le gouvernement Fillon en 2009.
Si j'en crois le site de Marianne, elle semble plutôt appartenir à la catégorie des sottes. (1)
Mais pour si bête qu'elle puisse passer elle reste en mesure de provoquer des esclandres. Et elle vient de le prouver.
Le drame, ou plutôt le psychodrame, s'est déroulé le 22 décembre lors d'une réunion du groupe UMP à l'Assemblée nationale.
Nora Berra a claqué la porte de la séance. Elle aurait entendu Pascal Clément, ancien ministre de la Justice, dire que "le jour où il y aura autant de minarets que de cathédrales en France, ça ne sera plus la France". L'ancien garde des Sceaux démentait le soir même avoir tenu de tels propos.
Faut-il souligner, que dans la théorie juridique, notre constitution (elle aussi "gaulliste"), adopte les deux principes essentiels du régime parlementaire : 1° la solidarité ministérielle, et 2° la responsabilité gouvernementale. La première implique une règle que Jean-Pierre Chévénement définissait en 1991 de manière abrupte, mais parlante : "Quand on est ministre on ferme sa gueule ou on démissionne". La seconde confère au parlement le droit de renverser le pouvoir exécutif en votant une motion de censure.
Mme la sous-ministre semble ignorer ces deux dispositions pourtant fondamentales. Peut-être pense-t-elle tenir son portefeuille de la grâce du chef de l'État. Mais ceci caractériserait un régime présidentiel. Et celui-ci n'exista en France que sous l'éphémère Seconde République.
De toute évidence les représentants élus de la nation paraissent à notre sous-ministre roupie de sansonnet.
Mais on doit relever plus grave encore.
Le prétendu "débat" sur l'identité nationale n'a été ni réclamé ni organisé ni par les royalistes ni par les fédéralistes, ni par les libéraux ni par les régionalistes, ni par les nationalistes barrésiens ou maurrassiens. Il semble, au départ, ne concerner que les jacobins. Comme à leur habitude, ces gens bousillent toute discussion, en attendant, un peu plus tard, de se guillotiner les uns les autres.
Ils ont certes introduit un climat relativement délétère. Chose extraordinaire, ils interdisent d'expression la frange de l'électorat qu'en théorie ils se proposent de séduire. Votez pour nos listes, mais taisez-vous. Le but du jeu consiste à adjoindre en gros 8 à 10 % de l'électorat, aux 28 % obtenus par l'UMP aux européennes de 2009 afin de reconquérir en 2010 une partie des 20 régions sur 22 détenues par la gauche.
Les hommes politiques et les électeurs qui n'appartiennent ni à la gauche socialo-communiste ni à la majorité parlementaire ne semblent pas dupes de l'opération. Mme Le Pen parle délicatement "d'enfumage". François Bayrou souligne de son point de vue l'impudicité de ce pseudo-débat. "Cet incident, c'est la conclusion logique de la manière dont en France on est en train d'exciter une partie de la population contre l'autre. Les dérapages sont inévitables. S'il y a des dérapages au sein d'un groupe parlementaire normalement très policé, imaginez ce que c'est dans les conversations de voisinage". [Je dirais à M. Bayrou que nous n'avons pas besoin "d'imaginer" ce qu'il en est : il suffit d'écouter les gens s'exprimer tous les jours, au bistrot ou chez le coiffeur. La bonde a été ouverte, l'eau s'écoule à flot.]
Et Mme Berra ose dire qu'elle estime que "ce débat (sur l'identité) trouve plus que jamais sa nécessité". Mais enfin, Madame, qu'entendez-vous par "débat", si ceux qui pensent autrement que vous ne disposent pas du droit de s'exprimer ?
Car, plutôt que de présenter ses excuses aux parlementaires de la majorité qui investit son gouvernement, Mme Berra, a osé affirmer sur Europe 1 : "Plutôt que répondre je voulais donner un signal fort".
Elle "voulait donner un signal fort" ? Mission accomplie ! Tout le monde a pu mesurer en effet la force de sa goujaterie.
Cofondatrice d'un club Convergences elle lui assigne pour objectif de populariser les réussites de personnes issues de l'immigration. Y est-elle parvenue ? Donne-t-elle seulement une image respectable de son propre parcours. On apprenait l'été dernier (2) que la secrétaire d'État avait perçu des indemnités pour congés maladie tout en exerçant ses mandats politiques. Le Progrès de Lyon répondait alors que le Code du travail donne raison à Nora Berra. Mais qu'en pensent les cotisants des régimes sociaux et les contribuables ?
Les électeurs avertis penseront quant à eux que Nora Berra doit présenter des excuses ou quitter le gouvernement.
JG Malliarakis
Apostilles
- Les curieux consulteront ainsi la page pittoresque qui lui est consacrée : "Il y a finalement une certaine logique à la nomination de Nora Berra au secrétariat d’État aux Aînés. Rien à voir avec sa profession de médecin. Non, madame a juste de sérieux problèmes de mémoire. Surtout quand il s’agit de réciter sa leçon !"
- cf. Canard Enchaîné du 22 juillet 2009.
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