Et le militant de gauche, habituel défenseur du fiscalisme ne l'ignore pas.
De portée pourtant fort limitée, cette petite contestation locale exaspère les tenants du désordre établi. le président de l'Association des maires de France fulmine : "Ce n'est pas responsable. Pire, c'est illégal". Jacques Pélissard, député-maire UMP de Lons-le-Saunier affirme ainsi : "ce n'est pas le rôle d'un maire d'inciter à la désobéissance civile ou fiscale". Il croit légitime d'insister sur les "avancées" obtenues. "Le texte initial n'était pas acceptable et le gouvernement a fait plusieurs erreurs de communication", reconnaît-il. Mais "le dispositif prévoit désormais une compensation financière durable". Et des "avancées vont encore être faites".
Retenons une fois de plus l'argument principal : "c'est mal puisque c'est défendu". Mais, précisément, celui par qui le scandale arrive n'a rien fait. Il cherche un moyen de protester contre une perte évaluée à 30 % de recettes pour un bourg comme le sien. Et il analyse que le non-paiement par les contribuables de l'impôt sur le revenu représenterait une riposte proportionnée, selon lui, à ce petit coup d'État contre les libertés locales.
Ce qui fait trembler son contradicteur, le conformiste franc-comtois, n'appartient donc pas à la sphère de la transgression factuelle mais à celle du blasphème conceptuel.
Or, on doit souligner dans une telle affaire la dérivation certaine du sens des mots. L'interdiction de la cessation organisée du paiement de l'impôt a été formulée par un décret de 1950. Ce texte réglementaire a été acquis sans vote et sans débat du parlement. Il a conduit l'article 1747 du code général des impôts à assimiler le "refus collectif de l'impôt" à une "atteinte au crédit de la nation". Et un tel délit tombe dès lors sous le coup de l'article 410-1 du code pénal. On suit encore le cheminement logique, mais en partie seulement.
On relève quand même, d'abord, que la qualification susdite, cette étrange "atteinte au crédit de la nation" n'apparaît pas dans le code pénal de 1810. Elle découle d'une loi fourre-tout promulguée en 1936.
De plus, un texte voisin est apparu dans les années récentes. Et son lien logique nous paraît encore plus ténu, et pour tout dire franchement illégitime. L'article 657-2 du code de la sécurité sociale, en effet, élargit le tabou des prélèvements fiscaux aux cotisations du système que le monde nous envie. Or, cette disposition liberticide, elle-même d'inspiration encore plus récente, semble frappée d'une malédiction méritée. Elle a connu trois rédactions en 16 ans. En décembre 1991, un mois après la négociation du traité de Maastricht, le gouvernement Cresson, en faisait voter une première version. On l'attribuait au nouveau ministre des Affaires sociales, précédemment secrétaire général de la présidence de la République (1982-1991) l'énarque Jean-Louis Bianco. Selon une méthode désormais habituelle, cette disposition se trouvait, incorporée à un projet kilométrique. Personne n'avait lu, surtout pas les députés supposés l'avoir voté. Il s'agissait alors de conforter le monopole assuranciel des caisses corporatives du commerce, de l'artisanat, de l'agriculture et des professions libérales. Celle-ci sont réputées "alignées" sur le régime général, mais elles n'en font pas partie. Par ailleurs, la légitimité démocratique de certaines d'entre elles apparaît plus que douteuse (1). En 1995 le plan Juppé prétendit renforcer cette répression en leur faveur. Las, en 2007, sous la pression européenne, le législateur hexagonal dût se résoudre à en donner une définition plus restrictive interdisant seulement l'apologie du défaut d'assurance.
Mais en tout état de cause, contester l'impôt sur le revenu ou les charges sociales, en quoi cela s'assimile-t-il à une atteinte au "crédit de la nation" ?
Nous pataugeons en plein jacobinisme.
Il ne s'agit pas seulement pour celui-ci de couper les têtes.
Il ne se contente plus de frapper les catégories réputées privilégiées de la population.
Il se livre une fois de plus,à son exercice favori. Il s'approprie le sentiment national. Ceux qui s'opposent, d'une manière ou d'une autre, à la toute puissance arbitraire de l'État, et des taxations qu'il impose aux individus, sont désignés comme des traîtres. On stigmatise les "évadés" parce qu'on accepte cyniquement d'être considéré comme un bagne social ou un enfer fiscal.
L'affaire de la "liste noire" des comptes en Suisse, peu claire pour le commun des mortels, souligne également cette disposition d'esprit. Elle semble autoriser l'usage, par de placides politiciens de centre droit, qu'on croyait insignifiants, des moyens les plus compromettants comme le piratage informatique. Les fiscalistes se font fort de récupérer, nous dit-on, 0,5 milliard d'euros de recettes. Ceci diminuerait de 0,4 % le déficit de l'État.
Dans l'affaire du Vaucluse, il s'agissait en l'occurrence de riposter à la suppression, décidée unilatéralement par l'État central parisien, de la taxe professionnelle. Celle-ci fait alors figure de drapeau de la liberté des communes. Au fond de l'affaire, les pouvoirs municipaux se réservaient jusqu'ici, dans certaines limites légales, le pouvoir de faire financer leurs politiques par un prélèvement commodément opéré sur les entreprises, qui ne votent pas, allégeant d'autant la taxe d'habitation, supportée par les électeurs.
Jusqu'à ce jour, les citoyens s'accommodaient plus ou moins de cette forme de rançon complexe imposée aux créateurs de richesse. Instituée à partir de 1791, la patente a été remplacée en 1975 par l'actuelle taxe professionnelle. On constate cependant que cette substitution avait été décidée dans son principe par une ordonnance autoritaire de janvier 1959, c'est-à-dire pendant la période des pleins pouvoirs gouvernementaux destinés au passage de la IVe à la Ve république. Mais elle ne s'était concrétisée qu'après 26 ans de travaux et d'interrogations. Prétendre en 26 jours établir équitablement une nouvelle transformation de cette fiscalité séculaire peut sembler téméraire.
Du reste la réforme annoncée ne procède ni de l'opinion populaire ni du patronat réel mais de la prétention, fausse et butée, de "Bercy" de "donner de l'oxygène aux [grosses] entreprises" (2). De ce pauvre et unique argumentaire, l'insipide Woerth a fait son gargarisme. Son slogan se révèle fallacieux : on remplacera l'ancienne taxe décentralisée par un autre impôt. Celui-ci sera défini et perçu par l'État hexagonal. Cette contribution, complexe et arbitraire, sera, bien entendu, supportée par les agents économiques que l'on présente cependant comme bénéficiaires de la réforme. Et son produit sera redistribué comme d'habitude aux subventionnaires. Le processus ne changera pas mais il renforcera l'intervention tentaculaire de l'administration centrale.
On notera à ce sujet un curieux sondage (3). Il fait apparaître une petite révolution dans les mentalités. Il montre en effet que les Français font aujourd’hui bien plus confiance aux collectivités locales (environ 60 %) qu’à l’État ou à la Commission européenne (environ 30 %).
L'enquête, certes, ouvre un large espace à l'ironie. On nous la dit réalisée par téléphone par Ipsos les 6 et 7 novembre 2009. Elle se réclame d’un échantillon composé de 935 personnes, âgées de 18 ans et plus. Supposé représentatif de la population française, il a été trituré en utilisant ce qu'on appelle la "méthode des quotas".
Plus grave encore, la grille des questions se montre tout à fait significative du flou intellectuel propagé par les sociopitres (4).
Voici exactement la manière dont Le Monde présente le sondage "Les Français et leurs régions" réalisé par TNS-Sofres le 8 décembre.
[Synthèse du journal, en gros caractères]"86 % des Français se disent attachés à leur région"
[On a ainsi demandé aux gens]
"pour chacune des institutions suivantes, pouvez-vous nous dire si elle est efficace ?[Sans préciser ce que veut dire "efficace"]
Réponses positives en % :
La commune : 76 %
Le conseil général 70 %
Le conseil régional 69 %
L'État 35 %
L'Europe 31 %
On a nommé de la sorte : la "commune", le "conseil général", le "conseil régional", "l'État" et "l'Europe". Les questionneurs confondent les instances dirigeantes et les collectivités. Bien entendu la nymphe Europe transformée en continent s'identifie comme d'habitude à "Bruxelles". En revanche d'ailleurs, on dit "l'État" pour la France. Cette appellation se voyait réservée, autrefois, à un paquebot et, aujourd'hui, à une équipe de foute-beaule.
Mais, en dépit de toutes les manipulations méthodiques, on peut prendre une part du résultat au sérieux. Si "l'Europe" et "l'État", réalités lointaines, génèrent une confiance analogue (ce point, lui aussi, mérite d'être retenu), la commune, le département, la région, viennent dans l'ordre, loin en tête, deux fois plus populaires : 30 % pour les premiers, 60 % pour les seconds.
Les plus proches sont préférés aux plus lointains. Cela s'appelle la subsidiarité.
Nos chers jacobins, politiques et fiscaux, gagneraient donc à se montrer plus prudents face à l'évolution du sentiment populaire.
JG Malliarakis
Apostilles
- Les caisses monopolistes voulaient contrer la rhétorique juridique de Claude Reichman et les agissements imputés au CDCA, contestant les cotisations monopolistes d'assurance personnelle imposées aux travailleurs indépendants.
- cf. l'argumentaire officiel consternant rattachant cette réforme au "plan de relance".
- publié par le Monde, édition papier datée du 11 décembre.
- Au nom de l'admiration que je porte à Jules Monnerot et à son maître Vilfredo Pareto je récuse bien sûr la confusion entre la Sociologie qu'ils ont fondée et développée, d'une part, et cette pensée molle qui se veut "politologie".
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Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
Bonjour.
Quel fossé entre notre bon peuple et ce Sarko 1er et ses gens!
Cela s'appelle casser son jouet, na!
On voit le résultat en couleurs...
Rédigé par : minvielle | mardi 15 déc 2009 à 10:49
Eh bien, à propos d'atteinte au crédit de la nation, lisez donc ceci : http://www.lecri.fr/2011/10/21/contribuables-associes-accusee-atteinte-aux-institutions-de-la-republique/26490
L’association Contribuables Associés est accusée d’ « atteinte aux institutions de la République » – rien de moins – par les services du Sénat.
Rédigé par : Josick d'esprit agricole | lundi 24 oct 2011 à 01:06