Tout d'abord ces régions ne méritent même pas l'épithète, habituellement péjorative, de féodalité que certains, volontiers, leur accoleraient. (1) Dans ce régime, qu'on fait naître sous Charles le Chauve et dont Richelieu liquidera les dernières traces, les seigneurs locaux s'ordonnent tous autour d'une foi jurée qui traverse toute la société. Quand nous apprenions encore l'Histoire de France au lycée on nous enseignait la complexité des relations qui en résultaient. Des princes angevins régnaient sur l'Angleterre. Ils devaient rendre hommage en France au suzerain capétien. Et cela construisit un ressentiment qui conduisit à la Guerre de Cent Ans. Idem pour les grands ducs d'Occident régnant sur le cercle de Bourgogne, etc.
Or, on ne voit pas, dans la grisaille incompréhensible, négatrice des identités multiples tissant le terroir français – qu'est-ce que le "Centre", le "Nord-Pas-de-Calais" ? etc.– le moindre reflet de ce riche foisonnement et de ces nobles allégeances d'Ancien Régime, largement tributaires du christianisme.
En revanche, si, par "féodalité", on entend cette caricature mafieuse, obscure par nature, nous pataugeons gravement dans cette boue. La Ve république l'aura aggravée de réforme en réforme : en 1972 sous Chaban, en 1982 sous Defferre, etc. Sous Chirac, on a créé un nouveau mode de scrutin, inique et incompréhensible. Enfin, le même président a fait fabriquer un ajout insensé à cette constitution de 1958, tant de fois triturée. Celle-ci dispose, désormais de la république "une et indivisible" que "son organisation est décentralisée" (article 1). Or, simultanément, on apprend que "la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales" (article 72-2 alinéa 5). Ces deux principes signifient exactement le contraire l'un de l'autre, à moins de confondre décentralisation et déconcentration. La nouvelle rédaction de l'article 72 résulte d'un vote des députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles en mars 2003 (2). Un tel fourre-tout a été adopté au titre de ce qu'on appelait "l'Acte II de la décentralisation".
Au bout du compte, cette malencontreuse innovation de 2003 a érigé en système l'usine à gaz comptable. Elle entérine l'empilement d'instances locales, intervenant pour gaspiller légalement les fonds publics, sans liberté puisque sans responsabilité véritable.
On bafoue les grands principes dont se gargarisent chaque jour les hommes de l'État occidentaux quand le peuple ignore la personne même de ses gouvernants. Or un récent sondage tend à démontrer que 29 % seulement des Français peuvent citer spontanément le nom leur président de région (3). Cela confirme l'analyse de l'actuelle post-démocratie. Elle correspond assez exactement au programme de la Synarchie, ce grand rêve de nos technocrates.
Plus précisément, on ne s'étonnera pas que l'improbable région dite "Centre" (regroupant la Touraine, le Berry, l'Orléanais, la Beauce) bénéfice du record de l'anonymat. Seulement 7 % des électeurs y connaissent l'existence de l'honorable François Bonneau. Sans surprise, au contraire, on redécouvre, chiffres à l'appui, qu'une personnalité crève le plafond de la notoriété : Mme Royal en "Poitou-Charentes". Celle-ci est assurément connue de sa concierge (parisienne) mais également de 85 % des Poitevins.
Un seul commentaire à ce sujet. On le doit à Oscar Wilde : " il est quelque chose d'affreux, c'est d'être quelqu'un dont on parle en mal. Mais est quelque chose d'encore plus affreux : c'est d'être quelqu'un dont on ne parle pas".
En effet, nous retiendrons aussi qu'en dehors de Sa glorieuse Ségolitude, un seul personnage franchit la barre de 50 % d'électeurs sachant pour qui ils ont voté. Il s'agit de "l'abominable homme des neiges", du loup-garou, en un mot de l'affreux Georges Frêche en Languedoc-Roussillon. Il est cité par 60 % des personnes interrogées.
Or, le mégalomane de Montpellier, empereur de Septimanie, avait été exclu du parti socialiste en 2007 pour des dérapages verbaux. Ceux-ci, venant d'un homme de droite, l'auraient conduit sans ménagement inutile devant les tribunaux de l'inquisition antiraciste, laïque et obligatoire. En gros j'ai cru comprendre qu'il ne se retrouvait pas dans la composition de l'équipe hexagonale de podosphère, ou quelque chose d'approchant . [Ah ! le mauvais Français !](4).
Ses écarts de langage et ses diverses mufleries semblent avoir été plus remarqués que son incompétence et sa folie urbanistique.
Il vient d'être plébiscité par 87 % des adhérents locaux de son ex parti. Cela oblige la direction nationale incarnée par la toute gracieuse Martine Aubry à s'incliner, alors qu'elle n'en voulait à aucun prix. Le quotidien régional "Le Midi Libre", filiale du groupe parisien "Le Monde", se gargarisait en première page le 9 décembre à l'idée que dans cette affaire : "Paris capitule face à Georges Frêche".
Mais comme on dit en Suisse : vox populi, vox Dei.
N'adhérant pas inconditionnellement à cet adage, on déplorera, sans trop s'étonner, que cette caricature de région soit ainsi incarnée par des potentats de cette nature.
Il reste à vrai dire une ressource. Nos amis languedociens ne s'en priveront pas, du moins nous l'espérons. Beaucoup, même électeurs traditionnels de la gauche, ne devraient pas hésiter à lui préférer ses adversaires classés à droite.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. Roland Hureaux Les Nouveaux féodaux" Gallimard
- Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003.
- Étude réalisée en partenariat avec France-Bleu, par l'institut LH2.
- "Un homme qui a pu dire que les harkis sont des sous-hommes, qu'il y avait trop de blacks dans l'équipe de France de foot, et que la normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre, qui a été exclu par François Hollande du PS pour ses propos, puisse cette semaine être réhabilité tranquillement, c'est le dérapage le plus grave des jours qui viennent de s'écouler", a déclaré M. Éric Besson ce 10 décembre sur Canal +.
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Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
Quand il a éructé qu'ils étaient des sous-hommes, l'énergumène a-t-il fulminé contre ceux des harki qui étaient allé faire des salamalecs aux gaullistes au lieu de le soutenir,lui,ou vomi des insanités contre tous les harki ? Ce n'est tout de même pas la même chose.
Petite réponse
Merci de votre question.
Sauf erreur celui que vous appelez "l'énergumène" (et que j'appelle "l'affreux Frêche") a effectivement "fulminé contre ceux des harkis qui étaient allé faire des salamalecs aux gaullistes au lieu de le soutenir, lui".
Les médiats (qui disent n'importe quoi) en ont déduit qu'il avait "vomi des insanités contre tous les harkis".
Vous avez tout à fait raison, me semble-t-il : "ce n'est tout de même pas la même chose".
Ce travestissement de l'information et des commenatires agréés est caractéristique.
Rédigé par : Pirée | mercredi 17 fév 2010 à 03:45