En Turquie, dès le lendemain de son annonce, cette promotion du Premier ministre belge a beaucoup chagriné les partisans de l'adhésion. On a largement évoqué un discours qu'il avait prononcé, en 2004, devant le Conseil de l'Europe, réuni au Parlement belge. En cette circonstance M. Van Rompuy avait déclaré sans ambiguïté que "la Turquie ne fait pas partie de l'Europe et n’en ferait jamais partie". De façon très significative, il avait affirmé à l'appui de son propos :"les valeurs universelles de l'Europe, qui sont aussi des valeurs fondamentales du christianisme, perdraient de leur vigueur avec l'entrée d'un grand pays islamique tel que la Turquie".
Qu'un homme politique de droite évoque ainsi les racines chrétiennes de l'Europe ne me le rend pas foncièrement antipathique. Dois-je le dire, au risque de contrarier ainsi mes lecteurs les plus réticents à l'endroit de tout ce qui se passe à Bruxelles ? Je l'avoue sans tremblement. (1)
Rassurons quand même les inconditionnels de l'adhésion dont nous combattons ici le point de vue.
Dans les institutions internationales de l'occident, sous l'influence du Département d'État américain, et de quelques groupes de pression moins translucides, la diplomatie d'Ankara compte encore de nombreux relais.
Par exemple, le travailliste norvégien Thorbjorn Jagland, secrétaire général du Conseil de l'Europe et actuel président du Comité Nobel (2) estime qu'après Obama lauréat de cette année, le prix de la Paix devrait être attribué au premier ministre turc en exercice.
En même temps on apprend que la Turquie, en tant que candidate fait d'ores et déjà pression pour que la République de Chypre, membre de l'Union, et dont son armée occupe déjà 40 % du territoire, cesse de constituer un obstacle à sa participation à l'agence de Défense européenne (3). De même de révélatrices tractations se déroulent autour du retrait annoncé, après bientôt un demi-siècle d'ambiguïté, de la Grande-Bretagne théoriquement garante de l'indépendance de l'île. Le ministre britannique des Affaires européennes, le travailliste gallois Chrys Bryant, en a fait l'offre le 24 novembre en vue de "favoriser la réunification" dans le sens des actuels desiderata gouvernementaux turcs et dans l'esprit du plan Annan. (4) Et le chef de file conservateur David Cameron a confirmé son appui (5).
Tout ce maelström diplomatique ne conduira pas nécessairement au pire. On doit le savoir lié lui-même au rôle que le parti majoritaire turc souhaite jouer désormais dans le Proche Orient, où il développe ses liens avec la Syrie, l'Iran ou la Lybie..
Mais cela ne doit pas faire perdre de vue, au contraire, le danger pour l'identité européenne du principe même de cette candidature. Précisons d'ailleurs que si la démocratie turque peut en tirer des bénéfices, si l'adoption de standards voisins de ceux de nos pays peut paraître profitable, à de nombreux égards, rien ne nous assure que l'identité légitime du peuple turc en tire toujours profit.
On pouvait lire par exemple, dans le journal Zaman Today (6) que telle organisation féministe locale a dénoncé, dans le cadre de la Journée internationale du 25 novembre, le fait que 75 % des femmes turques "subiraient des violences conjugales", que 25 % des jeunes filles de moins de 18 ans auraient été victimes de violences sexuelles, etc. On doit être porté, d'abord, à relativiser l'information, ou le slogan, tout en lui trouvant, hélas, un air de vraisemblance.
Rappelons qu'au XVIIe siècle, Molière qui passait [jusqu'ici] pour la plus pure incarnation du génie français faisait poser par un de ses personnages féminins la fameuse question "et s'il me plaît à moi d'être battue". "Autre temps autre mœurs" dira-t-on avec le proverbe. Eh bien le raisonnement "identitaire", pour s'inscrire dans la logique de M. Besson (7), conclura peut-être : "autre pays, autres mœurs". (8)
On doit donc oser à ce titre conclure que les propos de M. Van Rompuy de 2004 rejoignent des préoccupations, que l'on invitera le lecteur à partager quant à l'hypothèse, apparemment prématurée, d'une intégration de ce pays dans l'Union qui se veut européenne.
JG Malliarakis
Apostilles
- Au même titre ai-je publié en annexe de mon petit livre La question turque et l'Europe les interventions, dans le même sens, de MM. François Bayrou et Jérôme Rivière, qui selon moi, en 2004, "sauvent l'honneur du parlement".
- cf. déclarations à "Cihan Haber Ajansi" le 25 novembre.
- Sigle anglais "EDA"= European Defense Agency
- cf.Famagusta Gazette d du 24 novembre/li>
- cf. Cyprus News Agency du 25 novembre
- Édition du 26 novembre. Ce quotidien dont il faut recommander le site est proche du gouvernement actuel. Il représente la source d'informations la plus riche et la plus "objective" en langue anglaise sur l'actualité turque. Il est lié à la fameuse organisation de Fetullah Güllen qui [pour faire court] a entrepris de liquider l'héritage kémaliste.
- qui, étant né à Marrakech, en 1958, dans un royaume du Maroc indépendant, a sans doute raison de remettre en cause la théorie artificielle du "jus soli".
- Je sais que le grand argument des Turcs consiste toujours à mettre au débit des Kurdes tout ce qui peut sembler archaïque dans leur propre pays et notamment la violence. Mais alors pourquoi nier, par ailleurs, la personnalité kurde et pourquoi ne leur accordent-ils pas leur indépendance ? Il est vrai qu'aujourd'hui la plus grande ville kurde s'appelle Istanbul.
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Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de Lumière 101
HERMAN face aux Turcs ou aux ordres de la haute finance?
Herman Van Rompuy et le Bilderberg.
Le 19 novembre, Monsieur Herman Van Rompuy était « démocratiquement désigné » pour remplir les fonctions de premier président permanent du Conseil Européen. Inconnu sur la scène européenne il y a un an encore, il a néanmoins été choisi par l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union. Peu de temps avant sa désignation, il avait répondu à l’invitation du « Groupe de Bilderberg », devant lequel il avait présenté ses projets.
Les rares quotidiens belges qui rapportèrent la visite de Van Rompuy au « Groupe de Bilderberg » présentèrent ce dernier comme « un club de responsables politiques et d’hommes d’affaires ».
Mais qui sont donc ces politiciens, ces finan-ciers influents ? Quels sont les buts poursuivis par les Bilderbergers ? Tâchons de répondre brièvement à ces questions.
Le promoteur du Groupe de Bilderberg se nomme Joseph Retinger. Il est né en 1888, à Craco-vie, dans une riche famille juive. Sa vie est un véri-table roman d’aventures : maçon de haut grade, agent du gouvernement polonais, conseiller officiel du gé-néral Sikorski, on le trouve en 1947 comme corres-pondant de l’Association Internationale pour l’Unité Européenne (présidée par van Zeeland). Un an plus tard, il organise à La Haye un Congrès de l’Europe, auquel participe le Conseil pour une Europe Unie, fondé par Jean Monnet et Robert Schuman. Il conçoit et anime dès cette époque le Groupe de Bilder-berg, consacré « à la compréhension et à l’union atlantiques ».
La mise sur pied de l’organisation revient au Prince Bernhard des Pays-Bas, richissime actionnaire de la Royal Dutch Petroleum et de la Société Géné-rale de Belgique (liée aux Rothschild par des intérêts multiples). En mai 1954, le Prince Bernhard réunit à Oosterbeek, dans les salons de l’hôtel de Bilderberg – d’où le nom du groupe , une centaine de personnalités appartenant aux milieux politiques, aux organismes internationaux, à la Haute Finance, aux entreprises multinationales, aux universités, à la presse… Le Groupe se réunit chaque année. Il se veut une espèce de « pont » permanent entre les divers groupes d’influence américains et leurs homologues européens. Dans une totale discrétion, maintenue depuis maintenant un demisiècle !
Les principaux sujets abordés lors des réu-nions sont :
- les problèmes financiers ;
- la liberté d’émigration et d’immigration ;
- l’union économique internationale ;
- la constitution d’une force de police internationale (avec suppression des armées nationales) ;
- la création d’un parlement international ;
- la limitation de la souveraineté des Etats, déléguée à l’O.N.U.
Le but poursuivi est la constitution d’un gouvernement mondial sous l’égide de la Haute Finance.
Les décisions du Bilderberg sont notifiées à des organismes comme le G8. Elles sont « perfectionnées » dans les symposiums du Club de Rome ou du Forum Economique Mondial à Davos.
Le Forum Economique Mondial réunit depuis 1971 les ministres de l’Economie et des Affaires Etrangères des différents pays de la sphère occiden-tale. S’y joignent des représentants de la Haute Finance. Il est inutile de préciser que les membres du « Groupe de Bilderberg » présents à Davos sont pour la plupart maçons et qu’il n’existe dans ces réunions aucune forme d’« alternance démocratique » (inacceptable au niveau des élites politico-financières où la stabilité est de rigueur). Ce sont donc toujours les mêmes qui prennent les décisions : David Rocke-feller, Gianni Agnelli (F.I.A.T.), Lord Carrington, Henry Kissinger, Dominique Strauss-Kahn (F.M.I.), Etienne Davignon, Joseph Ackermann (Deutsche Bank), Richard Perle (ancien conseiller du Pentagone), Peter Sutherland (Goldman Sachs International), James Wolfensohn (Banque Mondiale), Bernard Kouchner.
… Ce 12 novembre 2009, en convoquant au Château de Val Duchesse celui qui n’était encore que le Premier Ministre belge, les « financiers qui mènent le monde » le soumettaient à un examen de passage. Qu’il a brillamment réussi.
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Rédigé par : Patrick Cocriamont | mercredi 23 déc 2009 à 04:36