Cette affaire redevient d'actualité avec la question de la nouvelle hausse de 6 % du prix des cigarettes. Les bons esprits trouvent cela insuffisant. Ils voudraient au moins 10 %. Ajoutons, et on va le voir aussi, que les trafiquants pensent comme eux.
Certes, depuis qu'on a entrepris cette répression fiscaliste et réglementaire, le prix du tabac s'est développé de manière stupéfiante. Le délire reste sans limite puisque personne n'a le courage de s'y opposer. Les restaurateurs ont été privés de la liberté de décider, chez eux, si telle ou telle partie de leurs établissements serait ouverte aux fumeurs. Une hypocrisie bien significative a réservé d'autorité cette liberté aux terrasses couvertes. Et, ma foi, cela a bien profité aux quelques industriels spécialisés dans cet aménagement chauffé en extérieur. Dans les immeubles de bureaux, les gens profitent de la plus petite des ouvertures, du plus minuscule des balcons, et jettent leurs mégots dans la rue.
On interdit de vendre des cigarettes aux moins de 16 ans : ils les font circuler autrement qu'en se rendant chez les buralistes, ajoutant ainsi le risque palpitant de la triche au plaisir du fruit défendu.
La fraude a partout progressé : je ne crois pas que le tabagisme ait vraiment cessé.
Ne confondons pas le chiffre d'affaires légal des buralistes et le chiffre global de la consommation des cigarettes. C'est devenu, chacun le sait, une sorte de jeu de société que de profiter de la différence des prix d'un pays à l'autre et de rapporter deux cartouches de cigarettes, même quand on ne fume pas.
Je constate que l'on fume d'autant plus autour de moi alors que je n'aime guère l'odeur de ce produit, certes néfaste, auquel j'ai renoncé sans aucun regret il y a exactement 26 ans.
Il est vrai que je n'avais fumé que quelques années, me croyant adulte. Mon père m'avait enseigné une idée beaucoup plus efficace que l'interdiction. Il m'avait expliqué que fumer c'est ridicule.
Je lis sur un site antitabac que le trafic des cigarettes rapporterait désormais autant, avec moins de risques sur le plan pénal, que celui des drogues illicites.
La vente de cigarettes fonctionne parfaitement sur internet à l'étranger. Le professeur Bertrand Dautzenberg préside de l'Office français de prévention du tabagisme. Il évalue à 400 le nombre de sites domiciliés au Panama, en Moldavie ou même en Espagne, qui les propose au consommateur français. Mais peu s'y risquent selon lui: à peine 1 % d'entre eux. La Direction des douanes ne remet pas en cause la légalité de principe de cette démarche, sous certaines conditions, notamment la production d'un certificat délivré par le laboratoire national d'essai, relatifs aux teneurs en goudron, nicotine et monoxyde de carbone, existence d'avertissements de caractère sanitaire et surtout déclaration en douane et paiements des droits. Évidemment personne ne cherche à s'y soumettre. "Actuellement, il n'y a quasiment pas d'importations qui respectent les obligations techniques, sanitaires et fiscales relatives à la vente de tabac", souligne M. L'Hermitte de la Direction des douanes. "Si une de ces conditions n'est pas respectée, il s'agit donc d'un produit prohibé". Donc, en cas de contrôle, il est saisi puis détruit.
Je lis d'ailleurs que désormais les douaniers responsables de la lutte contre ces trafics ont acquis la conviction que certaines compagnies s'impliquent dans la contrebande. Et l'on cite des exemples de grands fabricants ayant accepté de plaider coupables dans des procès de ce type de délits en Amérique du nord.
M. Tapie avait dit un jour une chose indiscutable à propos du trafic des stupéfiants : si l'on veut le détruire, il faut ramener la valeur économique des drogues à zéro. Cela semble évident quoique difficile à faire accepter.
Avec la prohibition fiscale du tabac nous avons créé un nouveau problème, une nouvelle contrebande, de nouveaux réseaux, de nouveaux profits illicites et absurdes.
La question est donc : pourquoi la suppression de cette prohibition rencontre-t-elle l'opposition d'autant de préjugés moraux ?
Les médecins ont un avis sur tout quand il s'agit de nos existences.
Ont-ils vraiment inventé le moyen de libérer l'homme de ses addictions, qui, comme le chacun sait, sont toutes : - ou bien coûteuses - ou bien immorales – ou bien antidiététiques — exceptée la marche à pied, quand on aime la marche à pied.
J'aime énormément la marche à pied, je ne fume pas de tabac et j'avoue avoir touché à la drogue mais seulement en buvant du coca-cola.
Pourquoi les médecins confondent-ils leur rôle qui serait de soigner les addictions anti-diététiques et vont-ils recourir à des interdictions légales ?
Va-t-on nous interdire le chocolat, un produit extrêmement suspect du point de vue diététique ?
Va-t-on nous interdire la possession d'animaux domestiques en ville, qui polluent si notoirement, et en général impunément, qui mangent une nourriture qui fait défaut au tiers-monde ?
Osons défendre la liberté de fumer ! écrivais-je donc en 2003.
À force de pénaliser, de culpabiliser, de matraquer le tabac, il se produit l'imprévisible. Alors que tous les fumeurs s'habituent à toutes les vexations, plus excessives encore que leur puante tabagie, alors qu'ils sont depuis des mois accoutumés à ne même pas voir les annonces politiquement correctes en forme de faire-part déclinant le thème "fumer tue", eh bien deux journaux importants titraient [déjà] en première page ce 10 octobre [2003] deux dossiers importants et instructifs :
Le Parisien : "Cigarettes : la contrebande explose" (3 pages)
Libération : "La contrebande fait un tabac" (4 pages)
Cela ne surprend certainement pas nos lecteurs, pour lesquels il est probablement établi que "pour en finir vraiment avec la fraude et l'économie souterraine, il faut alléger la réglementation."
S'agissant de la fiscalité du tabac nous en avons observé les conséquences au plan européen de longue date. Cette affaire a commencé à faire les beaux jours de la mafia albanaise opérant à partir du Monténégro depuis plusieurs années.
En France, ce sont d'autres petits réseaux qui commencent à prospérer.
Tout le Sud-Ouest est alimenté depuis l'Espagne et la principauté d'Andorre. À Marseille, "Libération" indique comment les douanes ne parviennent pas à endiguer le flot "des petits revendeurs et des gros tonnages." À Paris, plus exactement à Barbès, "Le Parisien" cite un prix de 2,80 euros pour un paquet de Marlboro. Et cela arrive de partout, par camion ou par bateau. Mais le journal nous montre triomphalement la photo d'un douanier de Biarritz éventrant le 2 octobre un soi-disant paquet de jouets truffé d'excellentes cigarettes représentant une prise de 6 tonnes.
Voilà donc l'effet prohibition à l'œuvre dans toute la planète fiscaliste et politiquement correcte, et donc singulièrement au pays qui a importé au maximum les idées prohibitionnistes de l'Amérique des années 1920. Ce pays, c'est hélas le nôtre : la France est aujourd'hui en passe de doubler l'Angleterre pour la taxation du tabac. C'est la dernière conquête que le fiscalisme français n'avait pas effectuée, le dernier record qu'il n'avait pas battu.
Merci tout de même à la corporation monopoliste des buralistes et aux quelques rares journalistes libres, derniers clients de notre bon vieux Seita fumant leurs cigarettes brunes comme ils rêvent encore à leur prochaine Trabant.
Les premiers découvrent leur manque à gagner et leur complainte monte jusqu'au plus dévoué de nos petits ministres, le jeune Renaud Dutreil qui croit encore à la revitalisation des petites entreprises, ce dont nous le félicitons.
Mais c'est plutôt aux seconds, aux gens qui voudraient encore pouvoir fumer la tête haute dans leurs salles de rédaction que nous voudrions penser plus fortement.
Jusqu'ici les journalistes avaient abdiqué leurs plus élémentaires libertés.
Esprits aimables et moutonniers, ils préfiguraient jusqu'ici la prophétie de Zarathoustra annonçant le monde moderne : "Point de pasteur, un seul troupeau". Et puis, avant même qu'on les prive bientôt de retransmissions sportives, "élitistes", "violentes" et "dangereuses pour le cœur", les voici qui s'inquiètent d'une (petite) liberté.
On voudrait les inviter à aller au-delà de cette (petite) liberté du fumeur.
Osons défendre la liberté de fumer du tabac, certes !
La liberté est indissociable de la responsabilité. Il est proprement inouï que l'on considère les fabricants de tabac comme responsables du cancer des fumeurs qui ont abusé de la cigarette. Pourquoi ne pas considérer aussi les viticulteurs comme responsables de l'alcoolisme, les chocolatiers et les confiseurs comme responsables de l'obésité et les médiats comme responsables de la bêtise de leurs lecteurs ?
Mais allons plus loin. Au-delà de la liberté du fumeur, et sans doute en commençant par elle, c'est la liberté humaine qui mérite le respect.
Mais osons aussi remarquer qu'il existe une logique assez implacable de l'action humaine (1). Le respect pour la Théorie économique et pour les lois de l'Action humaine constitue peut-être la vraie quintessence de la défense de la Liberté.
Si nos grands dirigeants pompeux manifestaient un peu de ce double respect et pour la Théorie économique et pour les libertés humaines, ils renonceraient à la prohibition du tabac et à leur fiscalisme délirant, que l'une comme les autres.
À l'époque je constatais : "Castro fume le cigare. Le cancer du fumeur ne nous en a toujours pas débarrassés." Je le déplore encore.
Six ans après la publication de cet article (2), je persiste et je signe.
ApostillesJG Malliarakis
- C'est probablement une leçon irremplaçable que l'on découvre déjà chez Thucydide ou que l'on voit démontrée par Ludwig von Mises dans son "Action Humaine" (édité aux PUF). Il donne à cette méthode le nom scientifique de praxéologie.
- "Courrier des libertés sociales" 13 octobre 2003
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Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
Bonjour à tous(tes). D'accord avec vous pour la liberté, les taxes, mais force est de reconnaître que les bars ont pu recevoir une nouvelle clientèle qui a la liberté de ne point sentir cette odeur. On y voit même des enfants, des couples avec leur bébé, depuis lors. C'est une clientèle qui souffrait d'un espace réservé... dixit les patrons de bar, même si les contrevenants fumeurs de taxes sont jetés sur le trottoir. Ha, les méfaits du tabac! Le fruit (plutôt la feuille...) défendu!
Mais l'addiction à l'automobile et au tabac, l'alcool, le carburant en somme reste une manne... mais j'y voie quand même un pasteur, celui du vaccin anti-vice, comme une quête de pureté, de citoyen parfait, prôné par nos spoliateurs. A quand l'impôt sur l'amour?
Sainte journée (sans tabac)!
PMS.
Rédigé par : minvielle | mardi 10 nov 2009 à 14:40
Je suis tout à fais pour la liberté des fumeurs de s'intoxiquer en toute connaissance de cause, même pour l'usage des drogues diverses, étant entendu que chacun reste entièrement responsable de ses actes et de leurs conséquences. L'obligation du port de la ceinture de sécurité en voiture -même si ses bienfaits sont avérés- avec sanction à la clé -pour notre bien!- a marqué le début des campagnes sécuritaires à visée totalitaire. Il va de soi qu'un non-fumeur n'a pas à subir le tabagisme des accros de l'herbe à Nicot. Pour ce qui en est de la répression fiscale c'est bien le type de mesure "faux-derche"! On devrait avoir gardé en mémoire l'aberrante Loi de prohibition de l'alcool aux Etats-Unis...
Rédigé par : Le HURON | mardi 10 nov 2009 à 14:43
En France, il y a deux ans, il y avait 4 revues sur le thème du cigare. Il n'en reste plus qu'une, les autres ont été conduites à la fermeture suite aux actions en justice d'une association pour les droits des non fumeurs, la dite association étant financée par des fonds publics à hauteur de 250 K€. La même association a poursuivi les associations de fumeurs de cigare pour leur site internet qui ont aussi fermé pour la plupart. Pour mémoire, une des premières mesures prises par les nazis, hygiénistes réputés, a été les mesures contre les fumeurs. Et la presse dans tout cela... Vous êtes en plein dans une dérive vers la pensée libérale, méfiez-vous.
Rédigé par : Utopiathor | mardi 10 nov 2009 à 17:13
La consommation du tabac ne sera jamais éliminée et même si on réussit à contrôler les cigarettes non taxées des réserves, chose que je doute, tant que la taxe sur le tabac continuera à être aux niveaux qu’elle l’est présentement, la contrebande d’une autre sorte remplacera les cigarettes des réserves et il sera vrai que celle-ci sera dans les mains du crime organisé. Soyons réalistes et arrêtons d’étouffer autant les fumeurs que les détaillants du tabac et ramenons les taxes à un niveau raisonnable pour faire compétition avec les cigarettes de piètre qualité qui sont les indiennes. Arrêtons aussi la démonisation systématique des fumeurs, une autre raison qui fait que ceux-ci ne veulent plus investir dans une société que d’une part les taxent outrageusement, et d’autre part se sert de cet argent pour mieux leur taper sur la tête et les discriminer autant à l’emploi qu’à l’hébergement et même les soins de santé. Assez c’est assez. Rendons-nous à l’évidence que nous n’enraierons jamais le tabagisme, d’autres sociétés l’ont essayé avant nous sans succès!
Rédigé par : franchise | samedi 11 juin 2011 à 23:15