En cette occasion, il a été rappelé, à l'attention du grand public français une évaluation fort inquiétante que la Bundesbank vient de réaliser et de faire connaître. Les banques allemandes porteraient actuellement, dans leurs bilans, 90 milliards de dollars de créances dites toxiques.
Il s'agit d'un phénomène que tout le monde a déjà commencé à comprendre dans le cadre de la crise américaine des prêts immobiliers aux acheteurs insolvables. Grâce à cette leçon de choses et à sa répercussion mondiale, les esprits lucides ont pu commencer à remettre en cause, enfin, le rôle nocif d'un élément clef du système : le monopole conformiste des agences de notations. On doit bien comprendre que ces trois bureaucraties privées disposent d'un registre de jugement plus pauvre que les braves gens ne l'imaginent ordinairement. La preuve en a été administrée par le silence de leurs prévisions récentes. Et il faut bien admettre aussi qu'elles accordent en général leur meilleure notation, "AAA", aux grands États emprunteurs. La pire,"CCC", correspondrait plutôt à celle que spontanément on devrait leur délivrer. Ou, plus exactement encore, le triple C nous paraît qualifier ceux qui ont bâti leur échafaudage à partir de telles approximations. Nous avons tous, de ce point de vue, à nous interroger sur le facteur C de nos comportements individuels ou collectifs (3).
Car, à cet égard nous nous apprêtons, bien évidemment à payer, tous, pour nos erreurs et pour celles de nos gouvernants.
Dans le petit échange matutinal précité, le rédacteur en chef des Échos rappelait délicatement aux Français qui l'écoutaient le concept de "PIGS". Ce sigle britannique, injurieux, était apparu furtivement au moment de la mise en place de l'euro. Il se proposait de désigner quatre pays probablement plus fragiles que les autres quant à leur endettement et leurs déficits : le Portugal, l'Irlande, la Grèce et l'Espagne.
Depuis son basculement politique à gauche, l'un de ces États alimente cette interrogation. Cela s'affirme même dans les déclarations de ses propres dirigeants. La ville d'Athènes ayant inventé la démocratie (4), mon attachement sentimental ne faiblira pas pour autant. Mais je sais aussi qu'elle décevra rarement ceux qui aiment les déchirements internes. En 2004, la droite locale au pouvoir avait communiqué sur les contorsions des comptes publics par ses prédécesseurs de gauche. Aujourd'hui, sans éprouver beaucoup de difficulté pour s'en acquitter, ces derniers rendent loyalement, à leurs adversaires vaincus, la monnaie de leur pièce. Voilà au moins un emprunt dont les intérêts sont versés.
Or, cet exemple un peu caricaturé, et cette inquiétude en partie légitime mais qui peut parfaitement se surmonter dans le cas précis comme dans celui d'autres petits pays, pourraient bien servir de tremplin et même de prétexte salutaire pour une réflexion plus large.
Celle-ci fort heureusement commence à circuler dans la partie supposée éclairée de l'opinion, y compris au sein de la classe politique française. (5)
Jusqu'ici en effet les prétendues "réponses à la crise" se basaient sur le mot d'ordre : "pas de munitions ? feu à volonté !" De tels slogans manifestaient, nous assurait-on, l'intelligence keynésienne portée à son incandescence. Et d'écouter pieusement le prédicateur Obama, et de vanter le très honnête, et très chaste, Strauss-Kahn, et de gober par avance tous les plans de relance, seulement critiqués, quoique timidement, pour la modestie éventuelle de leurs dépenses, l'étroitesse, pour ne pas dire la pingrerie des déficits engendrés.
Nous ne devons pas seulement nous préoccuper ainsi de l'hypothèse d'un défaut de paiement, ou de l'incapacité de "la France" de rembourser les dettes. Elles ont été contractées par les hommes de l'État, dans le but principal d'alimenter leurs démagogies, et subsidiairement sans doute de profiter de quelques retombées en termes de pourcentages. Ceux-ci sont supposés alimenter les caisses de leurs partis, cela va sans dire, jamais d'enrichissements pour leurs menus frais personnels. Insinuer le contraire alimenterait, quelle horreur, le populisme.
Nous devrions donc avant tout nous alerter de la certitude de devoir un jour payer pour toutes ces folies, pour tous ces scandales et pour tous ces mensonges.
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. édition papier datée du 27 novembre.
- Émission économique de France Inter à 7 h 20.
- Un vieil ami, devenu spécialiste de ces délicates questions financières, m'avait fait ainsi l'honneur de citer dans une conférence, un apophtegme qu'il m'attribuait à propos de la responsabilité des cibles meurtries "dans la longue histoire des coups de pieds au cul". À dire vrai, sans être tout à fait certain de l'authenticité de cette attribution remontant à quelque 30 ans, je me porte garant de la dite certitude aujourd'hui.
- Mais aussi, dès les écrits de Platon la critique des dérives de la démocratie.
- Le jour même où nous dénoncions les dangers du recours à l'emprunt, le Sénat exprimait une inquiétude du même ordre.
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