Il existe des exceptions et en voici une, au hasard. Je l'ai glanée au matin du 5 novembre, sur Le Monde en ligne. Elle était signée "André B." Ce lecteur se pose simplement la terrible question suivante, à propos du nouveau justiciable :
"Ce grand utilisateur de fonds publics est passé à travers toutes les prescriptions et la bénédiction du PS qui le considère beaucoup. On se demande pourquoi ?"En effet, pour les affaires qui amènent, enfin, l'ancien ambassadeur de Corrèze à Paris, ci-devant chef du RPR, et de l'État, devant le tribunal correctionnel, on s'en tiendra aux rappels accablants publiés par le Canard enchaîné de ce 4 novembre. 30 ans d'impunité, de "baraka judiciaire", dans 14 enquêtes, nous rappelle le bon vieil hebdomadaire satirique de la gauche. Voilà certes qui appelait une rupture. On nous l'avait promise en 2006. Elle était manifestement passée à la trappe en 2007. Il paraît d'ailleurs que l'accusé Chirac va se défendre lui-même, et va jusqu'à prétendre "je n'ai rien à me reprocher". Craignant peut-être les suites de l'onde de choc, Mme Royal trouve même qu'on devrait le laisser tranquille.
Je retiens donc cette question, posée par "André B.", de la connivence socialo-chiraquienne.
Dans une recension datée du 4 novembre, Le Monde évoque le fameux livre de Mémoires de l'ancien président. Certains curieux ont pu se le procurer chez les libraires dès le lendemain 5 novembre. Les commerciaux de l'édition vous le confirmeront : rien ne contribue plus au tirage d'un auteur scandaleux que sa médiatisation judiciaire.
Le chroniqueur, M. Éric Nunès, conclut joliment que "Jacques Chirac est également capable de jolis numéros de jongleur et d'équilibriste". Mais il semble tomber lui-même dans le panneau classique. Il croit, ou feint de croire, que le signataire du livre aurait été "trahi", successivement par le dédain de Giscard, puis par l'ambition de Balladur, et enfin par celle son successeur. Ce dernier, pourtant, l'avait bien ménagé jusqu'ici. Les ennemis du personnage se situeraient de la sorte, mais de manière fortuite, à droite.
Et d'évoquer ainsi "une rancœur qui porta probablement François Mitterrand au pouvoir en 1981". Certes, cette année-là, la campagne du second tour fut consciencieusement sabotée par les chiraquiens d'appareil afin de faire basculer le pays à gauche. Certains espéraient reprendre la main rapidement une fois éliminé le rival. Peut-être même croyaient-ils bénéficier d'un effet de balancier au gré des élections législatives. La chose ne doit être ignorée de personne. Tout le monde peut témoigner des démarches aberrantes d'alors. Elles ne se limitèrent pas au routage pro-Mitterrand, réalisé par le frère chiraquien Dechartre sur le fichier du RPR. Ainsi, dans mon quartier, l'ancien ambassadeur de France à Washington Kosciuszko-Morizet, père de la gracieuse Nathalie, répandait l'indécent mot d'ordre. "Tout sauf Giscard" en 1981, "tout sauf Balladur" en 1995, "tout sauf Le Pen" en 2002, "tout sauf Sarkozy" en 2007. Cela se voyait de loin.
Outre que cette vision un peu anecdotique de l'arrivée au pouvoir des socialistes n'explique pas leur durée de vie, elle ne rend pas compte de sa dimension en quelque sorte naturelle.
Connivence socialo-chiraquienne ? Mieux vaudrait parler de convergence, précisément parce qu'ils ont été tissus de la même étoffe. Le grand camarade de l'énarque Chirac s'appelle Michel Rocard, cofondateur de l'association des anciens élèves de leur funeste école, stupide usine à fabriquer les technocrates.
Or, cela ne nous éloigne pas de la question de la "dilapidation", de la "soustraction" et, pénalement du "détournement" des fonds publics. Aujourd'hui encore ni les socialistes ni les chiraquiens ne peuvent même, au fond, comprendre que l'on puisse parler de la sorte. Comment des gens qui ont toujours vécu aux frais du contribuable imagineraient-ils eux-mêmes l'impudicité de leur prédation ?
Frédéric Bastiat (1) appelle leur démarche, celle des socialo-chiraquiens d'aujourd'hui, par son vrai nom : celui de spoliation. Il considère, et il démontre, que leur intervention produit ces dissonances qui troublent l'harmonie économique. Quant à lui, Vilfredo Pareto (2) souligne le danger qui provient du socialisme [avec ou] sans les socialistes. Pour ma modeste part, je voudrais insister sur un aspect, trop souvent méconnu, de la leçon qu'on peut tirer des implacables travaux du maître italien. L'intervention se voulant pragmatique des hommes de l'État, leurs "politiques industrielles", leurs soi-disant "protections" destructrices, leurs aberrantes "relances", et demain leur prochain "grand emprunt", provoquent, toujours et en tout lieu, le déclin des nations qui se laissent bercer de ces calamiteuses ritournelles.
Sur ce point, on se doit donc de corriger certains contresens flagrants, faussement "nationalistes".
En réalité, loin de chercher à redresser, donc à guérir, leur pays, les arguments de ces prétendus "patriotes économiques" se révèlent, tout bêtement, chauvins et conformistes. On les voit fleurir sous la plume de bien des braves gens, toujours trompés par les cocoricos, les flonflons, les tirades boursouflées à la Villepin, comme les discours préfabriqués à la Guaino.
On y relèvera une constance dans l'erreur. Elle s'explique par une formation commune, par un moule, par une sous-culture médiocrement historique. Celle-ci va jusqu'à s'approprier l'identité nationale. Et elle ose mettre en accusation les "mauvais Français" qui ne partagent pas les "valeurs de la république".
L'affreux vieillard communiste Aubrac vient même de monter à ce créneau putride pour assimiler défense du dirigisme économique et programme de la Résistance, et bien entendu "patriotisme". On constate que cette référence, habituellement honnie, réapparaît miraculeusement dans leur discours quand il s'agit de justifier la spoliation des hommes de l'État et les subventions.
Accessoirement d'ailleurs on gomme dans cette évocation la continuité étatiste qui lie aux équipes technocratiques de Vichy le fameux "programme de la résistance".
Au regard de l'Histoire, "l'œuvre de Chirac", ministre, maire, chef de gouvernement, chef de l'État relève d'un autre jugement. Définitif et sans appel, il me paraît autrement plus grave que toutes les condamnations (avec sursis bien entendu) d'un quelconque tribunal correctionnel.
Ces quelques lignes s'en tiendront donc à certaines impressions fragmentaires.
Car les souvenirs les plus boueux s'accumulent quand on se remémore en effet la carrière du Chirac. On pourrait les égrener. Les drapeaux inconvenants brandis, sans aucune protestation, sur la place publique où l'on fêtait sa victoire de 2002 se mêlent de la sorte aux rodomontades les plus chauvines. Qu'on se rappelle ainsi le discours d'Orléans de 1991 consacré aux odeurs des étrangers.
En septembre 1995 il imposa un virage dramatique du point de vue des charges pénalisantes supportées par l'économie française. Il intervenait à la Sorbonne, pour célébrer le 50e anniversaire des ordonnances considérées comme fondatrices de la sécurité sociale. En cette occasion il les proclama constitutives de l'identité française (3). Il prétendra même un jour s'ériger en "garant personnel", au débit des contribuables, de ce système voué à la faillite. Sans doute attendait-il, déjà, qu'en retour les vrais profiteurs du désastre lui servent de sauvegarde.
Nul doute que jusqu'à son procès Chirac jouera sur ce registre. Il recevra l'appui moral de tous les amoraux. Il mobilisera la fausse sympathie bonhomme de tous les cyniques, de tous les décadents, de tous les pique-assiette qui l'ont toujours entouré.
Et qu'on ne vienne pas invoquer comme Ségolène Royal, le respect dû à sa fonction passée : il l'a lui-même déshonorée.
JG Malliarakis
Apostilles
- Cf. "Harmonies sociales, spoliation et dissonance", suite des "Harmonies économiques"
- Cf. "Péril socialiste"
- Sur ce point le livre de Georges Lane sur la Sécurité sociale apporte d'importantes précisions.
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Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
Chirac? Encore un fonctionnaire de trop. Je ne pense pas que les voyous de la république amusent encore aujourd'hui notre peuple, dont je fais partie. Votre pessimisme... et puis le racket a changé de manières, voyez toutes ces taxes mensongères. Nous avons en France (dont ils ne méritent point la gloire) une classe politique scandaleuse, cachant les hommes de bonne volonté. Un mensonge, un joli minois, un aplomb, c'est la soupe de plus en plus maigre qui nous est servie. Non, je ne pense vraiment pas que ce mec plaise à mes concitoyens.
Amicalement, pms.
Rédigé par : minvielle | samedi 07 nov 2009 à 11:12
Finalement Chirac est le modèle (indépassable?) de la médiocrité de nos élites politiques. Il cumule tous les défauts: cynisme, amoralité, corruption, ignorance économique, mépris de la liberté, socialisme, inféodation à l'administration et aux syndicats, inféodation à l'islam, anti-américanisme primaire...j'en oublie sans doute.
Rédigé par : Jacques Peter | samedi 07 nov 2009 à 14:56
Je me souviens aussi que Chirac avait rejeté de la communauté française certains compatriotes appartenant à un mouvement politiquement très incorrect...
Rédigé par : Teuqis | dimanche 08 nov 2009 à 12:54
l'autre soir à la télé Chirac est apparu en compagnie de Sarko et ils se tutoyaient. En somme de bons copains depuis que Chirac est sur la sellette alors qu'avant ils ne se supportaient pas. Chirac aurait donc besoin de la protection de Sarko pour s'en sortir et Sarko aurait-il besoin de l'adresse de Chirac pour faire oublier l'histoire de so fils. C'est bien évident, deux " président ",ensemble c'est l'union qui fait la force et l'opinion publique est ainsi bien manipulée.
Rédigé par : 17lilith153 | lundi 09 nov 2009 à 20:16