On avouera volontiers ne pas trop chercher à rentrer dans ce débat. Depuis un demi-siècle en effet que cette fédération monopolise la représentation dans les instances corporatives, les chambres d'agriculture, les conseils d'administration de la MSA, les petites connivences des SAFER, les antichambres du Crédit agricole, ("le non-sens près de chez vous") et le reliquat professionnel elle a, en quelque sorte, rempli sa mission. Précisons : sa mission destructrice.
La taille des exploitations de l'Hexagone s'est grosso modo multipliée par 10. Cela plaît beaucoup aux technocrates. Cela conforte aussi l'instinct jaloux de propriété des derniers survivants. Tels de mythiques passagers du radeau de la Méduse, certains ont dévoré leurs compagnons. De la sorte, en même temps le nombre des propriétaires exploitants s'est, à l'inverse, divisé par 10. Et comme l'emploi de saisonniers ou des ouvriers agricoles a stagné, les campagnes françaises se sont vidées de paysans sans aucun profit pour les professions rurales de l'artisanat, des services ou de la petite industrie. La mort de cette France profonde s'est curieusement accompagnée d'une prolétarisation rampante de cette inter-profession, surendettée bien que gavée de terres, vivant, pour une part grandissante, souvent plus grande, d'aides, de primes et de subventions.
On devrait se souvenir de ce qui constitua, en septembre 1991, le dernier sursaut. Inutile et manipulé. L'appareil chiraquien utilisait alors sans vergogne ce rassemblement stérilisé d'avance. Ce soi-disant "Dimanche des terres de France", affirmait pour son mot d'ordre "pas de pays sans paysans". Le RPR voulait seulement montrer la puissance des oppositions politiques face aux gouvernements socialistes en cascade (Rocard, Cresson, et bientôt Bérégovoy). Alors la FNSEA pouvait faire défiler entre Vincennes et Nation, ne gênant de la sorte la vue d'aucun Parisien, plus de 300 000 ressortissants venus de toutes les provinces de France. Ils allaient entendre, émouvant et néanmoins crépusculaire, le discours de Raymond Lacombe. De son musical accent rouergat, celui-ci déclinera pour la dernière fois l'idéologie surannée de la vieille JAC des années 1950, d'où est venu tant de mal. Le cher homme avait créé le club de réflexion "Sol et civilisation", et l'avait fait co-parrainer par Jacques Chirac, Jacques Delors, Michel Rocard et Pierre Méhaignerie. Quel ami.
Après bientôt 20 ans, en effet le résultat croisé des politiques menées par l'État lui-même, accompagnées des syndicats de gestion, quadrillées par les directives venues de Bruxelles, s'est trouvé exactement inverse de celui annoncé par les réseaux chiraquiens.
Si l'on désire mesurer aujourd'hui la dérision ultime des moyens et des capacités inventives du pouvoir technocratique on notera d'abord les déclarations, ce 31 août, du ministre de l'Agriculture de Paris. À Châlons-en-Champagne, pour sa "rentrée", M. Le Maire avait mis l'emphase sur ce qu'il appelait "la crise la plus grave qu'ait connue le secteur agricole depuis ces trente dernières années".
Et, largement, il annonçait que le gouvernement allait mettre en route un plan d'aide de 30 millions d'euros. Mazette. En même temps il annonçait des idées à la mesure de son grand esprit réformateur : l'application stricte de l'accord interprofessionnel de juin sur le prix du lait : 27,2 centimes le litre payé au producteur ; la négociation avec "les banques" de facilités de trésorerie et, en fin un tremblement de terre. Il promettait "un système général de contractualisation des prix", autant dire la perspective d'enserrer encore plus les 25 professions agricoles dans le carcan du dirigisme. Au même moment, il montrait que la grande préoccupation, immédiate, des pouvoirs publics et des bureaucraties syndicales consistait à sauver les 4 700 emplois des usines d'Entremont, où les financiers du groupe belge Albert Frère sont associés aux coopératives bretonnes.
Après deux mois, et au lendemain des manifestations de la mi-octobre, la commission de Bruxelles définissait de nouvelles largesses sous forme d'enveloppe de 300 millions d'euros à l'échelon des 27 pays, dont 60 millions pour les agriculteurs français.
Or, si l'on veut bien rapporter cette somme, même doublée par rapport aux promesses franco-françaises d'août, à quelque 500 000 exploitants survivants, cela équivaut à une aumône de 120 euros par exploitation. De quoi faire un petit plein d'essence pour une petite moissonneuse-batteuse.
Et pas un mot bien sûr pour la question des charges. Handicap majeur de toutes les entreprises françaises, grandes ou petites, citadines ou rurales, elle frappe de plein fouet les plus fragiles, les plus endettées, les plus marginalisées, les plus suradministrées. On reconnaît la situation des exploitations agricoles de ce "pays sans paysans" auquel on est désormais parvenu.
JG Malliarakis
< Une petite publicité de bon goût
Ce petit livre sur "La Question Turque et l'Europe" est paru ce 2 octobre. Conçu comme un outil argumentaire, contenant une documentation, des informations et des réflexions largement inédites en France, vous pouvez le commander directement au prix franco de port de 20 euros pour un exemplaire, 60 euros pour la diffusion de 5 exemplaires. Règlement par chèque à l'ordre de "l'Insolent" correspondance : 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris.
ou sur le site des Éditions du Trident par débit sécurisé de votre carte bleue
Articles des jours précédents
12.10 Le faux accord turco-arménien de Zurich ne doit pas nous tromper
10.10 Les gaspillages publics ne sont pas perdus pour tout le monde
2.10 Au grand délire des dépenses dites "sociales"
1er.10 Retour au quotidien du fiscalisme
25.9 Les arguments rationnels ne manquent pas. Pour conclure à propos de la candidature d'Ankara
22.9 Ni Arabe Ni Musulman à propos de la prétendue "affaire Hortefeux"
16.9 Historiquement vrai politiquement incorrect
15.9 La provocation antiraciste pour les nuls
31.8 Le socialisme peut avancer sans les socialistes
23.8 La chauve-souris turque sa propagande et sa diplomatie du pacte germano-soviétique jusqu'à nos jours
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
Commentaires