On pouvait entendre ce 18 juillet sur France Culture l'excellente émission Répliques de M. Alain Finkelkraut, qui fait désormais référence à droite. Y intervenaient, sur le thème "La France, la République, les identités", l'inévitable Mona Ozouf, en sa qualité de directrice de recherche au CNRS, auteur de nombreux ouvrages à la gloire de la Révolution française et M. Jean Baubérot, lui-même historien et sociologue français, spécialiste de la sociologie des religions et présenté pour le "fondateur de la sociologie de la laïcité."
Beaucoup de choses ont été dites, en vrac, certaines intéressantes, parfois stimulantes, éventuellement révélatrices. Toutefois une chose, au moins, manquait dans le paysage.
On n'y a ni exploré ni même mentionné l'hypothèse qu'on puisse demeurer français en n'adhérant pas, ou plus, à l'idéologie républicaine. L'identité nationale passe nécessairement par ce creuset fondateur magnifique dont l'alpha et l'oméga se retrouvent et se résument dans l'Histoire univoque de la glorieuse IIIe république.
Seule ombre au tableau, on devrait dire cette "pietà" jacobine, Mme Ozouf, née bretonne, constatait dans un livre récent qu'il a pu exister une vague contradiction. Elle y pose ainsi la troublante la question : "Pourquoi la France s'est-elle montrée aussi rétive à accepter une pluralité toujours ressentie comme une menace ? Faut-il nécessairement opposer un républicanisme passionnément attaché à l'universel et des particularismes invariablement jugés rétrogrades ?".
Mais comme il nous a été rapporté, au cours de l'émission qu'un ministre républicain aurait un jour arrêter un train à Maillane pour y saluer Frédéric Mistral, Prix Nobel français de littérature quoiqu'ayant écrit son chef-d'œuvre "Mireio" en provençal rhodanien, voilà le problème résolu.
Même sur le terrain du régionalisme, on ne reconnaîtra pas la moindre légitimité aux enfants de Maurras.
Nous conseillerons cependant au touriste parisien, ou breton, curieux de visiter la gare de Maillane, où se serait produit cet événement littéralement fabuleux, de considérer l'existant ferroviaire des Bouches-du-Rhône, et de descendre du train plus commodément à la gare d'Avignon, dans le département voisin.
Mais sortons de cette petite géographie d'intérêt local. Car il a été souligné à un moment du débat un point historique. Personne ne semble en tenir compte. Qu'on me permette ici de le juger important.
La renaissance d'une mythologie et d'une référence rhétorique permanentes à la "République", avec ce grand air qui m'insupporte toujours peut et doit être datée. Elle est apparue à la fin des années 1980, au gré de l'effondrement du bloc stalino-soviétique. La gauche en général et le parti socialiste en particulier, pourtant issu lui-même de la scission de Tours de 1920, perdaient alors leur point de mire de la nationalisation des moyens de production. L'héritage jacobin devint alors une perspective de substitution, qu'on pouvait projeter aimablement et impunément dans le futur en l'assaisonnant aussi, pour faire bonne mesure, à la sauce du discours antiraciste.
Que la droite officielle se soit depuis lors engouffrée sans broncher dans le piège qui lui était tendu, nous en dit long sur son inculture et sur son peu de consistance.
Ah certes, imagineront de rétorquer sans doute les plus pragmatiques de ses partisans, autant dire les plus opportunistes, l'UMP en l'occurrence ambitionne d'unir. Son nom, son sigle, et son "u" l'indiquent. Sa généreuse nature dépasserait les idéologies, et les familles hier encore divisées. Et cela même prouverait son ancrage dans le réel.
On peut alors objecter que cette façon, très optimiste, de présenter les choses se heurte à une autre réalité.
La coalition fondée dans l'urgence du printemps 2002 par MM. Juppé, Raffarin et quelques centristes, – on hésite ici à rappeler le nom, voué à l'oubli, de M. Douste-Blazy – devait assembler le RPR, l'UDF résiduelle et Démocratie libérale.
Pour prix de leurs ralliements, les dirigeants de ces formations respectives recevraient le droit de financer leurs "courants".
Mais aujourd'hui, au sein de cette coalition on dirait qu'aucune voix discordante, même ultra-minoritaire ne peut s'enhardir à s'élever.
L'union est devenue, à nouveau, "rassemblement", comme si on était passé du fédéralisme de 1790 au jacobinisme de 1793, dont les partis bonapartistes, boulangistes, et gaullistes, ont toujours continué la tradition en sauvant ses prébendiers, et en glorifiant ses nomenclaturistes.
Pire encore, la main tendue en 2008 aux homologues de la gauche caviar, celle qu'incarne, à la mesure de ses talents, un Bernard Tapie, verrouille encore plus l'assiette au beurre républicaine. Les serre-file médiatiques, les caisses électorales parisiennes, les commissions d'investiture centralisées, et quelques aboyeurs surnuméraires font le reste. Comme d'habitude.
S'il existait vraiment une droite, elle poserait, d'une manière ou d'une autre cette question :
- si l'on est un royaliste habitant en France,
- ou si l'on voit en Notre-Dame de Paris autre chose qu'un parc de stationnement en face de la préfecture de police,
- ou si l'on observe avec intérêt qu'en creusant ces garages souterrains eux-mêmes on met à jour les vestiges des rois capétiens,
- ou, s'intéressant à l'histoire, à l'art, à l'architecture, à l'ébénisterie, si l'on considère ce qui demeure de la civilisation française antérieure à la Révolution,
- ou si l'on voit dans les Baux-de-Provence autre chose que le code postal d'un restaurant,
- conserve-t-on le droit de payer ces impôts et ces redevances grâce auxquels d'autres nous rendent le service public de bafouer ce que nous aimons ?
Et, à défaut d'entendre cette question dans la bouche d'un représentant officiel de la droite, je me permets ici de la poser moi-même.
JG Malliarakis
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Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
Attention à la déculturation 68tarde arrêté
Mais comme il nous a été rapporté, au cours de l'émission qu'un ministre républicain aurait un jour arrêter un train à Maillane pour y saluer Frédéric Mistral
Cordialement
Rédigé par : Jacques Costagliola | mercredi 23 sep 2009 à 09:02