Indiscutablement, d'ailleurs, cette nouvelle Europe rejette plus radicalement que nous l'héritage d'un marxisme dont elle a souffert dans sa chair. Cependant la douceur du traitement infligé, dans la plupart des anciens pays captifs, aux agents locaux du système soviétique, et, plus encore, à l'Utopie sanglante qu'ils avaient servis produit, à leur bénéfice, les effets ordinaires de l'impunité. Même en Italie, les communistes ont été rebaptisés démocrates. Cela brouille peut-être un peu la vue d'ensemble du prisme parlementaire.
Reste la tendance globale de ce 7 juin 2009. Sa dimension continentale et sa clarté n'avaient jamais pris un caractère aussi net depuis la décision de 1979 d'élire le parlement européen au suffrage universel : recul généralisé des partis socialistes, avancée des partis qualifiés de conservateurs, poussée relative d'une autre forme de contestation sous les espèces du mouvement écologiste, persistance des courants dits populistes qui apparaissent ici quand ils déclinent ailleurs. Ces quatre évolutions se manifestent dans les 27 États-Membres, de manière suffisamment cohérente pour que l'on en tire les leçons
Commençons par le commencement.
D'abord, ceux qui prophétisaient, depuis plusieurs mois, l'effondrement du système capitaliste doivent ressentir, dans toute l'Europe, depuis dimanche soir une grave déception. Les médiats regorgent eux-mêmes de rédacteurs imbibés de marxisme et de schémas catastrophistes. Ils étaient en partie parvenus à en convaincre de larges secteurs de l'opinion. Et de ce point de vue, les hommes de l'État croient, très certainement avoir encore gagné une manche. En 30 ans d'élection du parlement européen au suffrage universel, les peuples ne se rendent pas compte de ce que 85 % à 90 % du cadre législatif et réglementaire dans lequel ils vivent, dépendent des instances communautaires.
De la sorte, et ceci majoritairement dans les quartiers et les classes populaires, on s'est abstenu. Le taux a encore progressé. Dans l'Hexagone il a atteint 59 % dépassant [légèrement] la moyenne de l'union européenne. Que seul le quotidien communiste l'Humanité (1) mette l'emphase sur ce point ne lui ôte ni va vérité, ni son importance. Et cela éclaire la fragilité des aspects sur lesquels titrent les grands journaux.
Désolé également de décevoir les professionnels du cocorico et les supporteurs de notre UMP hexagonale. Observons que son score et ses réserves se révèlent inférieurs
À ceux :
- du PL de Berlusconi (35,2 %) dont l'alliée Ligue du Nord obtient 10,2 % soit un total de 45,4 ;
- du parti tory britannique (28,3 %) et de sa réserve UKIP 17,5 % au total 45,8 ;
- de la droite allemande 30,7 % pour la CDU, 7,2 % pour la CSU bavaroise plus une réserve de 11 % pour les libéraux présentés comme "triomphateurs" du scrutin, soit un total de 48,9 ;
- du parti populaire espagnol à 42,2.
Ce qu'on appelle en France "majorité présidentielle" n'a recueilli que 28 % des suffrages. Certes cette coalition (UMP + "Nouveau Centre" + "Gauche Moderne") dispose d'une réserve de 4,8 % dans le parti constitué momentanément de l'alliance de Philippe de Villiers et des Chasseurs. Faut-il lui adjoindre les voix du FN ? Je laisse aux dirigeants de ce parti le soin de répondre à cette . Écartant cette hypothèse, le centre droit se situe actuellement à un étiage de 32,8 : le plus faible en Europe. 20 points de moins que son pourcentage présidentiel de mai 2007, 22 points de moins que son score législatif de juin. Faut-il vraiment parler d'un "échec de l'antisarkozysme" ? Et qu'on ne vienne pas dire "ça ne fonctionne pas comme ça". Casser le thermomètre, faire un procès au pharmacien n'a jamais fait baisser la fièvre. Les mêmes qui se gargarisent des chiffres virtuels donnés par les sondages voudraient refuser les indications données à balles réelles par les électeurs.
Le recul global des partis socialistes se mesure en nombre de sièges du "parti socialiste européen", somme des 27 organisations elles-mêmes affiliées à l'Internationale éponyme avait obtenu 27,6 % des voix en 2004, il recule à 21,6 %. Il perd 50 sièges. Il passera à 182 eurodéputés sur 736.
L'affaissement du parti socialiste en France est présenté comme l'échec particulièrement cuisant de Mme Aubry. Son discours ressemble de plus en plus à celui d'un délégué CGT. Nous persistons à penser que le "combat de trop de ce personnage était dirigé contre l'hypothèse d'une alliance socialo-centriste en France. Au plan européen en tout cas, l'équivalent de ce "centre" (2) pèse plus avec 80 eurodéputés que les 48 Verts (3). Et il représente le groupe charnière, celui sans lequel aucune majorité d'idée ne peut se construire. Par exemple, M. Barroso ne saurait demeurer à la tête de la Commission sans la coopération du groupe socialiste.
Toute l'habile tactique, annoncée en commun par divers dirigeants politiques, va consister à mettre l'emphase sur ce point, avec deux objectifs majeurs
1° prendre position comme détenteur incontournable du pouvoir d'investir la Commission et son président. Depuis le XVIIe siècle, les régimes parlementaires se sont toujours installés de cette manière.
2° obliger le parti socialiste à se déterminer clairement et le contraindre à rompre son alliance avec le bloc conservateur du "Parti populaire européen", qui, ayant obtenu 35,7 % des voix, ne devrait détenir que 296 sièges, étant exposé au départ du parti conservateur britannique.
Ne nous laissons prendre par conséquent ni aux triomphalismes droitiers, ni à l'esprit de lourdeur et de tristesse distillés par le malin.
Il va falloir ouvrir les yeux sur une tendance non dissimulée à faire du socialisme "d'État", du socialisme "conservateur", du socialisme sans les socialistes.
On nous dit que les thèmes environnementaux ont dominé la campagne et M. Borloo par exemple intervenait après la bataille, en vainqueur d'un scrutin, en parfaite symbiose avec José Bové. Certains Français ont vu en Mme Joly une réponse à "l'affaire Tapie", en Cohn-Bendit un homme de gauche moins ringard que ses concurrents. On ne se lasse jamais de l'écouter à la télévision. Quel talent. Quelle santé. Toujours imité, jamais égalé depuis la disparition de Coluche. Ces électeurs se rendaient-ils compte que les pouvoirs publics allaient leur vendre, sous prétexte des 7 % de voix vertes à l'échelon européen, un surcroît d'impôts et de réglementation pour lutter contre le réchauffement de la planète. Ou contre le refroidissement, d'ailleurs : les deux arguments peuvent servir alternativement, selon les saisons, en cas de besoin. Cochez la case choisie, rayez les mentions inutiles et libellez votre chèque à l'ordre de Trésor public.
Ce socialisme-là répond aux prophéties de Vilfredo Pareto, au début du XXe siècle, avant même le déclenchement du premier conflit mondial. Il prend les masques du protectionnisme, et Dieu sa it si l'on retrouve le mot de "protection" sur toutes ces professions de foi que personne ne lit plus. Il se gargarise de tous les appels à l'intervention économique de l'État.
Comme les vampires ne peuvent se passer de sang, ce socialisme-là se réveillera bientôt pour combler les déficits qu'il engendre, par des augmentations d'impôts, de taxes, de contributions, de cotisations, de charges. Et n'oublions ni les amendes, ni les pénalités, ni les frais. La coupe ne lui paraît jamais assez pleine. Et la nuit lunaire se rapproche qui permettra au monstre assoiffé de sortir de son tombe.
Demeurons vigilants, nous n'avons pas voté pour ça.
Apostilles
- Dont le directeur Le Hyaric bénéficie du petit courant favorable au "front de gauche" (6,3 % contre 6,5 % au front national) et siégera au titre de la zone "Ile de France".
- Étrangement ces "tranches de camembert" apparaissent en bleu ciel sur les diagrammes du "Monde", en jaune ou orangé sur les autres, sur le site de l'Union européenne, etc. Encore des points de détail.
- Daniel Cohn-Bendit en espérait 60 au soir du 7 juin sur les plateaux de télévisions. Hélas au niveau continental, l'écologisme ne réalise que 7,1 % des voix, contre 5,5 il y a 5 ans.
JG Malliarakis
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Un "Cahier de l'Insolent" consacré à "La Question Turque" parîtra le 15 septembre. Il formera un petit livre de 128 pages et coûtera 10 euros à l'unité. Conçu comme un outil argumentaire, contenant une documentation, des informations et des réflexions largement inédites en France, vous pouvez le commander à l'avance, au prix franco de port de 8 euros (valable jusqu'au 31 août expédition le 15 septembre) pour un exemplaire, 35 euros pour la diffusion de 5 exemplaires. Règlement par chèque à l'ordre de "l'Insolent" correspondance : 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris.
Vous pouvez écouter l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
C'est vrai que la planète se réchauffe, je viens de ressortir mon radiateur à l'électricité d'uranium vert 238... ça caille sec, ce beau Printemps de toutes les oseries électorales. Vu que c'était la fête des maires, et le tiercé, et la finale, j'ai voté à tout va, pour une France qu'on m'a vendue par verbiage, bla-bla, bling-bling, casseroles, et autres percussions de Strasbourg.
Mais je vous pose une question, chers blagueurs, et à vous aussi M.Malliarakis, talentueux chroniqueur, une question sous forme d'élucubration historico-religieuse : cette planète n'est-elle pas, dans ces "néo-discours", la nouvelle déesse à la mode? Une Gaïa? Un Geb? La TERRE? Quoi de plus simplissime à mon simple goût pour supplanter le christianisme que cette tarte à la crème païenne promulguée par les... c'est quoi leur nom, déjà?
Un terrien bien fatigué par les amalgames rocheux.
Pierre Minvielle!
Rédigé par : minvielle | mardi 09 juin 2009 à 22:11