Or, une partie non-négligeable des médiats parisiens diffuse plus ou moins l'idée d'une équivalence entre Ahmadinejad et ses opposants. Ce mot d'ordre mérite d'être dénoncé du point de vue des pays occidentaux en général, et en particulier des véritables intérêts français. Ce "circulez il n'y a rien à voir" correspond à la fois aux mauvaises habitudes de pensée du Quai d'Orsay et aux desiderata de la dictature des mollahs. "Ne vous occupez pas de nos affaires" disent ceux-ci. Cyniquement, de leur côté, ils ont toujours agi eux-mêmes, depuis 1979, en initiateurs de la surenchère islamiste. Ils n'ont jamais cessé de s'investir directement, et de pousser leurs concurrents sunnites, frères musulmans et wahhabites, dans la subversion contre l'Europe.
Le déplacement à Iekaterinenbourg le 16 juin du président iranien mal réélu a de la sorte été très peu observé et mal compris. Lui-même a cru pouvoir en cette occasion lancer un défi aux occidentaux. "L'ordre capitaliste international bat en retraite" a-t-il déclaré, s'imaginant complaire ainsi à la Russie et à la Chine.
Or, il proclama fort maladroitement que "l'ère des empires" était "terminée". Poliment, les dirigeants de Moscou et de Pékin l'ont écouté. La porte-parole du Kremlin Mme Natalia Timakova a annoncé que "le président Dmitri Medvedev a rencontré mardi son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad dans le cadre du sommet de l'Organisation de coopération de Shanghai" et que "les parties se sont entendues pour poursuivre leur coopération économique et humanitaire et maintenir les contacts". Pas plus. Le soir même il repartait pour Téhéran.
Empruntons quelques lignes au commentaire russe officieux en date du 18 juin, signé de Piotr Gontcharov : "l'élection présidentielle iranienne, ou la révolution reportée" :
La situation en Iran présente les signes d'une révolution, mais "verte" : l'opposition a choisi la couleur verte comme "symbole de la lutte contre l'emprise du régime". Mais il n'y aura pas de révolution : ni "verte", ni, à plus forte raison, "orange". La révolution est reportée… par l'imam Khamenei, leader spirituel (à vie) de l'Iran.
Pourquoi? En Iran, il n'est pas permis que puisse être mise en doute la réputation d'un "juste". La Constitution l'interdit. (…) À ce jour, nul n'est plus "juste" en Iran que Mahmoud Ahmadinejad. Il l'a déjà prouvé. (…)
Mahmoud Ahmadinejad s'est toujours positionné, tant en paroles que dans ses actes, comme un leader "issu du peuple". Ce qui, du reste, n'a nullement réduit la tension qui existe entre lui et les étudiants actuels.
(…)L'économie est le point le plus faible de toute la présidence d'Ahmadinejad. L'inflation galopante et la montée du chômage obligent le régime à engager des réformes.
Personne, du reste, n'a besoin actuellement d'une révolution en Iran. Sauf les Iraniens eux-mêmes, naturellement. (1)
Faut-il vraiment considérer cette analyse non dépourvue d'humour comme un "soutien" ?
Depuis le début de l'année, on a assisté à des déclarations mégalomaniaques de dirigeants iraniens. En février, le chef des miliciens bassij Hossein Taab a déclaré que, du fait de la chute de l'Union soviétique, il ne restait plus que deux puissances au monde : les Etats-Unis et l'Iran, estimant que toutes deux souhaitaient diriger le monde. Et il ajoutait : "Les Etats-Unis détiennent la force militaire, mais ne peuvent appuyer sur la gâchette" (2).
Puis, à Damas, en compagnie du président syrien Bashar Al-Assad, Ahmadinedjad en personne considérait que l'Iran dirige un "nouvel ordre" mondial qui remplacera "l'ancien ordre" des Etats-Unis et de l'Occident, devenu obsolète.
Dans une conférence de presse, le crasseux dictateur, que nulle marque de déodorant n'oserait sponsoriser, a voulu marteler : "Il est évident que l'ère des empires est terminée et qu'elle ne reviendra pas". Cette phrase explique peut-être la circonspection des dirigeants russes, mais aussi chinois, et des républiques d'Asie centrale membres de l'organisation de Shanghai créée en 1996 pour défendre, contre l'islamo-terrorisme, l'ordre territorial en Asie.
L'Iran lui-même fait figure d'empire. Selon les estimations officieuses la population, sur 66 millions d'habitants, compte une très faible majorité (51 %) de "Perses", contre 25 à 27 %, de Turcs rebaptisés "azéris" ou "turkmènes", des provinces entières comme le Gilan et le Mazandaran, une très forte minorité kurde, etc.
La fragilité de l'édifice russe, sur le plus grand territoire du monde, ne peut échapper non plus à personne, surtout pas aux dirigeants moscovites. Même en en considérant que les découpages administratifs officiels, les 83 "sujets fédéraux" composant le Fédération de Russie comptent 21 républiques potentiellement sécessionnistes.
En Chine, les "han" dominent certes très largement. Mais en dehors de leurs 55 autres nationalités et minorités officielles, le pays dispose d'un territoire d'ensemble, le 3e du monde, dont la moitié n'a été intégrée à l'empire du Milieu que postérieurement au XVIIIe siècle. Le Tibet fait couler beaucoup d'encre, mais l'une des raisons de l'intransigeance de Pékin tient aussi à sa volonté de siniser artificiellement, et de manière non moins scandaleuse, et sanglante, le Turkestan chinois.
Quant aux autres républiques membres de l'Organisation, leur caractère composite vient de l'héritage de l'empire soviétique qui a dessiné leurs frontières.
En comparaison de toutes ces situations, très peu de pays occidentaux sont confrontés à des conflits potentiels d'aussi grande amplitude. À lui seul, le Xinjiang, patrie des Turcs ouïgours possède une superficie de 1 626 000 km2 et il occupe un 1/6e du territoire chinois. Les deux territoires les plus gravement contestés en Europe, le Pays basque espagnol et l'Ulster, représentent respectivement 7 000 et 25 000 km2.
Avec un ami de ce genre, les empires russe et chinois n'ont pas besoin d'ennemis.
Non seulement "l'ère des empires" ne semble pas près de s'achever. Mais dans la plupart des cas, la fin de ces bonnes vieilles constructions historiques se traduit par des conséquences catastrophiques et par l'ardent besoin de leur rétablissement sous des formes nouvelles.
Nous y reviendrons…
Apostilles
- cf. RIA Novosti du 18 juin.
- cf. Fars (Iran), 12 février 2009
JG Malliarakis
Articles des jours précédents
18.6.09 La Perse, la civilisation et le christianisme
11.6.09 Le discours du Caire comme paradigme de la dhimmitude rampante
9.6.09 Recul des socialistes en Europe et danger du socialisme
6.06.09 La vraie pression turque se renforcera au lendemain du vote des citoyens
3.6.09 Faux dialogue avec un faux islam
2.6.09 Un article 216 bien significatif
1er.6.09 La hauteur et les enjeux du scrutin du 7 juin
28.5.09 Fuite en avant des subventions
27.5.09 Un merveilleux outil policier
26.5.09 La diplomatie turque instrumentalise un islam de faux semblants
Un "Cahier de l'Insolent" consacré à "La Question Turque" parîtra le 15 septembre. Il formera un petit livre de 128 pages et coûtera 10 euros à l'unité. Conçu comme un outil argumentaire, contenant une documentation, des informations et des réflexions largement inédites en France, vous pouvez le commander à l'avance, au prix franco de port de 8 euros (valable jusqu'au 31 août expédition le 15 septembre) pour un exemplaire, 35 euros pour la diffusion de 5 exemplaires. Règlement par chèque à l'ordre de "l'Insolent" correspondance : 39 rue du Cherche Midi 75006 Paris.
Vous pouvez écouter l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
Bonjour.... Je remarque cependant que monsieur Ahmad Djihad n'est pas le seul chef d'état à sortir des fadaises épouvantables. Chacun dans son style est imbu d'un pouvoir absolu, à croire que la main de Dieu a guidé leurs bras et vice-versa.
Cave hominum verba!
(pour ceux qui n'ont pas la couleur, ça veut dire : prends garde aux paroles des hommes, extrait de la chanson musclée "Doloris puer", sur le prochain album de Vox.... et toc)
Vobis, Petrus...
Rédigé par : minvielle | lundi 22 juin 2009 à 22:06
Voir le president iranien taper sur des etudiants est choquant en quoi ?
Quand un dictateur en place arrange nos intérets ,on ne dit mots ni sur CNN ou TF1 ,meme si il faisait deporter ses opposants dans des camps de concentration !.
Et quand aux usa...trouver vous que il soit justifiable de condamner à la mort 3000 americains dans les pseudo attentats du WTC pour justifier d'une guerre sans fin à 500 millions de $ jour ?.
Sinon rassurez vous j'aime l'Amerique et bravo pour vos chroniques !.
Rédigé par : sfourne | mardi 23 juin 2009 à 09:37
« Or, une partie non-négligeable des médiats parisiens diffuse plus ou moins l'idée d'une équivalence entre Ahmadinejad et ses opposants….”
Ce qui est le plus écœurant c’est que ce « relativisme » est également l’attitude de notre soi-disant « Droite Nationale »…
Exactement comme au moment des troubles au Tibet…
Non seulement il n’y a pas de soutien apporté aux peuples en lutte contre les oppresseurs, communiste pour la Chine, islamiste pour l’Iran, mais nos milieux prétendus «Nationaux-identitaires» font preuves de toutes les complaisances à l’égard de ces tyrans, alors qu’ils devraient être 100% enthousiastes avec ces mouvements de révoltes et le montrer de la manière la plus active…
Au contraire : sur les blogs, dans les forums de la « Droite Nationale », sur « Courtoisie », etc. etc. … On n’entend que des propos mi-chèvre mi-choux, qui, comme vous le dites : « diffusent plus ou moins l'idée d'une équivalence entre Ahmadinejad et ses opposants….” Et qui renvoient plus ou moins dos à dos les oppresseurs et les opprimés…
C’est parfaitement répugnant…
Rédigé par : williamson | mardi 30 juin 2009 à 10:51