Dans un désarmant point de vue, qu’il intitule “Europe, l'avenir du monde”, publié par Le Monde daté du 31 mai, M. Dominique de Villepin nous rappelle que nous nous rapprochons dangereusement du scrutin du 7 juin.
Et il déplore : “La campagne européenne n'est pas à la hauteur des enjeux. Or le besoin d'Europe n'a jamais été aussi évident.”
Jusque-là tout va bien. Il eût gagné à s’y tenir. Car le reste de son texte sombre dans la boursouflure et le délire.
Passons évidemment sur l’expertise électorale du personnage. Son titre de gloire remonte à la dissolution de 1997.
Ne glissons pas en revanche sur ses critiques méprisantes à propos du fonctionnement institutionnel de l’Europe. Les gens comme Villepin, et tous les chiraquiens, me semblent assez mal placés pour se plaindre de mécanismes dans l’élaboration artificielle desquels ils portent une immense part de responsabilité.
Et, sans adhérer béatement à l’eurocratie, et puisque notre ancien ministre se piquant d’écriture aime tant l’Ogre, on lui opposera cet apophtegme assez juste de Napoléon : "une bonne constitution est l’œuvre du temps". Face à ceux qui se moquent de l’opacité, de l’impuissance, voire de la servilité du parlement de Strasbourg soulignons que, durant la dernière mandature 2004-2009, il n’a entériné que 71 % des projets de Directives de la commission de Bruxelles acceptés par le conseil des chefs d’Etat et de gouvernement. Il constitue actuellement le seul obstacle à la reconduction du terne Barroso. Certes, il peut mieux faire : mais d’autres font beaucoup plus mal.
Les perspectives de l’article signé de M. de Villepin se veulent grandioses. Croyant savoir que le monde de demain sera écrasé par ce qu’il appelle la "Chimérique, un duopole économique sino-américain où l'atelier du monde hyper-épargnant s'accorderait avec le consommateur hyper-endetté d'outre-Atlantique." Car, imagine-t-il, le "silence [de l’Europe] encourage aussi les logiques de blocs, comme avec la Russie qui restaure son ancienne zone d'influence." Etc. etc.
De la sorte, en bon admirateur du vaincu de Leipzig et de Waterloo, il envisage une Europe de rêve, complètement dilatée, incluant la Russie, la Turquie bien sûr, et même le Maghreb. On notera que, bien entendu, l’ancienne Afrique du nord française lui semble former un ensemble solidaire, "de Tunis à Casablanca" comme on disait en 1957. Voilà comment il décrit la chose : "Sans pour autant préjuger de l'issue des négociations d'adhésion, la Turquie aurait vocation à rejoindre, ainsi que la Russie et les pays du Maghreb, cette alliance paneuropéenne élargie où les bénéfices des politiques communes pourraient être partagés sans conduire à l'intégration politique, réservée au noyau dur que resterait l'Union."
Répondons sur un seul point : "Sans pour autant préjuger de l'issue des négociations d'adhésion, la Turquie…". Mais justement ! Toute la question vient de ce qu’Ankara ne l’entend pas de cette oreille et refuse de se laisser rouler dans cette farine. Elle récuse notamment la notion d’un partenariat privilégié qui n’apporte pas grand-chose à son statut actuel.
Nous nous trouvons ainsi en présence d’une attitude franco-centrique caractéristique : M. de Villepin pense la Russie ou le Maghreb depuis Paris, sans tenir compte du point de vue des intéressés. Sans doute ce fils de diplomate imagine-t-il l’amour tout seul. En 1943, Mussolini envisageait d’étendre l’Europe à l’Égypte. Décemment, Villepin ne pouvait faire moins. Noblesse oblige, comme on dit chez les Galouzeau.
Mais son nombrilisme grandiloquent dévoile aussi une arrière pensée typiquement chiraquienne quand il écrit : "Notre modèle social, si critiqué par le passé, permet d'amortir le choc de la récession mondiale et stabilise tant bien que mal les économies."
Mesure-t-il que pour 2009 et 2010 ledit "modèle social" produira, selon les prévisions les plus officielles, 20 milliards deux années consécutives de déficit des comptes sociaux. Cette somme colossale risque de faire exploser les possibilités de financement de la CADES créée en 1996 par le plan Juppé pour camoufler, et paraît-il, pour résorber ce qu’on nomme le "trou de la sécurité sociale". On parle désormais (1) de faire endosser ces 2 fois 20 égalent 40 milliards d’euros, tout simplement par le "déficit de crise".
Mais on ne nous dit pas jusqu’où les marchés financiers pourront suivre la folle multiplication de ces émissions de produits obligataires du Trésor, d’autant que l’État français ne bénéficie pas du monopole de la faculté d’emprunter sur un marché des capitaux essentiellement international.
La notation financière de la CADES passe ainsi pour excellente. Or la note “AAA” tient essentiellement à la garantie d’État. Combien de temps ce tour de passe-passe durera-t-il ? Rappelons les chiffres : la loi de finances votée pour 2009, prévoit une variation maximale de la dette négociable de l’État à hauteur de 24 milliards d’euros (2). D’autre part, la loi de financement de la sécurité sociale limite le découvert de l’ACOSS (3) à 18,9 milliards d’euros, tout en fixant à la CADES un objectif d’amortissement de 4 milliards d’euros. Difficile d’aller plus loin.
Ah, je sais ce que répondront les admirateurs de notre énarque hugolâtre : “quand on aime, on ne compte pas.”
Donc ils maintiendront leur discours illusoire du modèle social.
On pourrait objecter, la remarque suivante, lue, elle aussi, dans Le Monde : “l'article 137 [du traité de Communauté européenne] fixe une série de domaines de la protection sociale où l'harmonisation est interdite. Il faut être lucide sur l'extrême diversité des systèmes sociaux et des rémunérations. Comment harmoniser maintenant, alors que nous sommes vingt-sept systèmes hétérogènes ?” À noter que cette objection est formulée dans un article tendant à nous faire croire à dire de l’experte interrogée par Le Monde, Mme Florence Chaltiel : "En Europe, presque tout est possible à condition de volonté politique", et que "l’Europe sociale" constituerait le véritable enjeu de la campagne. Un enjeu si bien dissimulé qu’il échappe totalement aux gens qui ne se disposent pas à voter pour la bouillie communiste à la sauce Mélenchon.
Nous ressentons souvent une impression pénible en écoutant le style, un rien vulgaire, assaisonné de tout-fric du discours élyséen. "Chateaubriand ou rien" disait le jeune Hugo : visiblement le pouvoir actuel a choisi le néant.
Les écrits d’un Villepin contribuent à nous consoler.
Ils nous font souvenance que la France en 2006-2007, n’a pas seulement échappé à l’extravagante candidate imaginée par l’appareil socialiste. Le "peuple dans ses profondeurs" a déjoué, aussi, l’ambition du dernier poulain de la Chiraquie, Premier ministre en place dont l’ambition dévorante, aujourd’hui muée en rancœur inexpiable, ne constituait un secret pour personne. Anticipant le rejet des électeurs, le parti majoritaire n’en a pas voulu.
Le moindre mal a sans doute gagné en cette occasion.
Ce 7 juin, au contraire chacun pourra, et chacun devra, voter pour le programme le plus proche de ses convictions.
Apostilles
- cf la Tribune du 19 mai.
- plafond légal de l’augmentation de l’endettement de l’Agence France Trésor
- L’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale regroupe les comptes de l’ensemble des caisses de la protection sociale obligatoire. Elle fait office de « banque » de la Sécurité sociale
- Entretien avec Florence Chaltiel, professeur à l'IEP Grenoble en ligne le 26 mai
JG Malliarakis
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Les élections européennes 2009,en France,c’est une sacrée parodie de démocratie.Censure généralisée et débat au ras des caniveaux ont été les maîtres mots d’une campagne électorale qui n’a pas eu lieu.Pour l’UMP,le CNI et autres partis de droite le problème n’est pas la crise économique et sociale c’est la Turquie.Le parti socialiste estime qu’il n’est ni responsable ni comptable de la crise économique.Quant à M.Dieudonné,à la tête d’un attelage désormais fort respectable(M.Le Pen,M.Faurisson…)a élargi son équipe à Carlos,pas le chanteur mais le terroriste !Il ne manque à ce sinistre homme public que le soutien de Ben Laden et la dream team sera au complet.On assiste écoeuré à cette misérable vie médiatique qui plonge parfois dans des abysses de bêtise,d’ignorance et de laideur.Le bateau France continue sa lente descente et tout l’équipage,bien entendu,réaffirme avec arrogance que « tout va très bien Madame la marquise ».La fosse des Mariannes se situant à plus de 11000 m de profondeur on a encore de la marge !En France désormais on peut le dire avec force :la médiocrité,quand ce n’est pas la nullité,est bien récompensée.Les Français étant,comme chacun sait,des gogos,ça va continuer dans la même direction avec les mêmes zincapables.Quand les gens en viennent à prendre des vessies pour des lanternes il y a vraiment du mouron à se faire.Au secours M.Obama,revenez pour nous délivrer,nous sommes toujours sous la tutelle des fafs !
Rédigé par : tricard45 | dimanche 07 juin 2009 à 20:23