La malheureuse Nadine Morano secrétaire d'état à la famille tient peut-être le pompon des déclarations risibles à ce sujet : "On ne sait jamais qui se cache derrière l'écran", déclarait-elle le 20 novembre 2008 sur France Info. «Internet peut être un outil dangereux, celui se trouve derrière l'écran peut-être un prédateur". En mai de la même année, elle avait même trouvé une formule choc, une "formule 1", oserait-on dire : "Internet, c’est comme une magnifique voiture de course. Si vous n’avez pas votre permis de conduire et que vous ratez un virage, c’est la mort".
Mme Morano et quelques autres devraient se tenir au courant. Si elle prenait le métro, ou si, horresco referens, elle consultait le site du journal gratuit 20 minutes (1), apparemment mieux documenté que ses services, elle aurait pu prendre connaissance des propos avisés de Mme Elisabeth Rossé. Cette dernière, psychologue à l'hôpital Marmottan faisait remarquer : "Les parents ont tendance à dénigrer le Web parce qu'ils se sentent exclus." Pour éviter que cette incompréhension ne creuse un réel fossé entre parents et enfants, elle conseille aux parents de se faire expliquer par leurs enfants de quoi il s'agit. En somme, comme le souligne intelligemment 20 minutes, "avant de conseiller, il faut comprendre". Ceci permettrait aussi de mieux légiférer.
Dans un dossier récent, l'accusé se présentait comme le père d'un enfant de cinq ans, il avait attiré via le ouèbe une étudiante strasbourgeoise à son domicile de Mutzig. De manière plus sobre à son sujet l'enquêteur se bornera à constater que, techniquement : "L'Internet est un vecteur de rencontres entre victimes et pervers".
Et à partir de ce constat, la gendarmerie française a développé depuis plusieurs années une traque sur le ouèbe des comportements déviants. Rappelons quand même que ceux-ci n'ont aucunement été créés par la toile. Et, pour établir une comparaison quand la bonne vieille brigade mondaine d'autrefois se préoccupait de surveiller le milieu de la délinquance et du proxénétisme, elle se servait méthodiquement des rues chaudes et des bars de voyous.
Le 17 avril dernier par exemple, on apprenait même l'exploit suivant du STRJD, Service technique de recherche judiciaire et de documentation : "Le pédophile croyait parler à une jeune fille, c'était un policier", titrait plaisamment Le Monde (2) qui semble ainsi confondre police judiciaire et gendarmerie. Interpellé le 8 avril, un homme âgé d'une trentaine d'années, était en effet arrêté par un gendarme qui se faisait passer sur Internet pour une mineure. Le suspect pouvait être mis en examen le 10 avril par un juge du tribunal de Bobigny pour "corruption de mineur aggravée", "atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans aggravée" et "propositions sexuelles à un mineur de 15 ans ou à une personne se présentant comme tel, via un réseau de télécommunication". Il risque jusqu'à 10 ans de prison. Autrement dit, grâce à Internet les choses n'ont pas traîné.
Le 26 mai, la gendarmerie annonçait même avoir procédé à un vaste coup de filet en France, aboutissant à l'interpellation de 90 personnes, dans plueirs régions, soupçonnées d'échanges d'images pédopornographiques à partir de forums de discussion.
À vrai dire non seulement la France ne détient pas nécessairement la palme de ce genre de réussites, mais on pourrait aussi se préoccuper des limites de cette répression. Elle pourrait, de proche en proche s'étendre à des domaines tout à fait différents.
Une loi française du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, dispose que les policiers et les gendarmes sont "autorisés, dans le but de constater certaines infractions, entre autres à caractère sexuel lorsqu'elles sont commises via des moyens électroniques, à participer à des échanges ainsi qu'à transmettre, stocker et recevoir des éléments tels que des images de pédopornographie". Mais demain, penseront certains, pourquoi s'en tenir là ?
Ainsi, en Allemagne, le 16 avril dernier, on apprenait qu'une enquête de quatre mois avait permis de transmettre des signalements dans 91 pays, 9 000 "pédophiles" dont 8 000 à l'étranger, dans des pays comme le Brésil, le Canada, la Moldavie, la Nouvelle-Zélande, l'Autriche, la Suisse et les États-Unis. Outre-Rhin même, des centaines de perquisitions ont été menées, donnant lieu à la saisie de plus de 500 ordinateurs et 43 000 supports de données. Or tout cela, si répugnant qu'on puisse l'estimer, ne vise que des délits virtuels, de l'ordre de la pornographie. Dans le réel, l'enquête a permis de mettre fin à un seul cas, où certes il s'agissait d'abus odieux commis sur des victimes de 7 et 11 ans. Mais, selon la police criminelle allemande, l'homme, âgé d'une quarantaine d'années, désormais placé en détention provisoire, n'était autre qu'un membre de leur propre famille. Autrement dit si l'outil Internet a permis son arrestation, on ne saurait considérer que les actes incriminés eux-mêmes doivent quoi que ce soit à cette technologie.
Cela va si loin que des courants contestataires ont commencé à protester et manifester à Berlin contre le danger de la censure sur le ouèbe, plus efficace à leurs yeux, et peut-être plus dangereuse affirment-ils que la cybercriminalité. Toujours en Allemagne, le ministre de la Famille, Mme Ursula Von der Leyen a salué le 17 avril un accord entre la police et les fournisseurs d'accès à Internet destiné à lutter contre la pédopornographie. La mesure est inspirée de dispositifs analogues en vigueur en Scandinavie, aux Pays-Bas, en Suisse, au Royaume-Uni ou au Canada. Elle sera effective chez nos cousins germains au plus tard en octobre. Saluée par l'Unicef comme "étape importante" elle devrait par ailleurs être suivie, selon cet excellent organisme international de protection de l'enfance, d'autres dispositions pour lutter contre l'ensemble de la filière pédophile.
Pour notre part nous nous bornerons à constater que nous nous trouvons en présence d'un formidable outil policier et à souhaiter que son utilisation se limite aux activités vraiment criminelles.
Apostilles
- cf. 20 Minutes, en ligne le 20 novembre 2008
- cf. Le Monde, en ligne le 17 avril 2009 à 14 h36
JG Malliarakis
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Vous pouvez écouter l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
et que penser de notre si géniale loi hadopi ou de la prochaine qui devrait être présenté en septembre au parlement, si je ne m'abuse...
Mais, au fait, pourquoi vouloir contrôler le web ainsi...
Rédigé par : dardevil2007 | mercredi 27 mai 2009 à 15:22
Je comprends la vivacité de votre réaction, j'ai lu aussi l'article à la terrasse de Rambouillet il y a peu. Et puis vous êtes père... oui, la traque sur le net, la chasse aux chasseurs est profitable, mais les enfants mis en "scène", que deviennent-ils, vous n'abordez point le sujet. Sur un site de latin, Hades, des russes ont mis une page porno, je ne sais comment, avec des gosses aussi. Ecœurant, et de quoi troubler les esprits, mais il faut constater aussi que les publicistes, non avares de turpitudes, érotisent des gamines. Et que dire aussi des affiches, des premières pages de journaux étalées devant le buraliste? Le sadisme ambiant tend à considérer l'humain comme matière première, on connaît cela de longue date. Choper les prédateurs est une chose, sauver les victimes en est une autre, il ne faut pas l'oublier. De toutes façons, je ne lis pas Gide, et n'écoute plus Trenet.
Rédigé par : minvielle | mercredi 27 mai 2009 à 16:34
"Or tout cela, si répugnant qu'on puisse l'estimer, ne vise que des délits virtuels, de l'ordre de la pornographie."
Cette phrase est extrémement dérangeante car vous minimisez la responsabilité du consommateur par rapport à celle du producteur. Or ces deux acteurs sont intimement liés.
A ce titre, le consommateur d'illusations pedopornographique peut très bien se trouver dans le cas de complicité d'activités vraiment criminelles.
Partant de ce constat, le web a permis l'arrestation de milliers de véritables criminels.
Rédigé par : GilesB | mercredi 27 mai 2009 à 21:38
pour porter atteinte aux vraies libertés d'expressions politiqques et philosophiques, on vous dit toujours que c'est pour le bien des petits n'enfants! ce n'est pas nouveau mais ça marche toujours. les cyber-gendarmes qui n'ont rien de plus utile à faire en attendant de traquer le pseudo-racisme, car là est le vrai but! encore une fois, l'arbre pédimaniaque cache la fôret des derniers hommes libres! vous filez tous du mauvais coton....
Rédigé par : sous-commandant Bastos | mercredi 27 mai 2009 à 22:43
Très intéressant artiicle auquel j'adhère tout à fait.
Je me rappelle avoir visionné il y a quelques années un reportage de la télévision suisse sur les réseaux pédophiles. On y voyait un journaliste dans un sex-shop d'Amsterdam obtenir une vidéo pédophile après l'avoir simplement demandée au vendeur ; on voyait aussi un pédophile français expliquer comment il trouvait de jeunes partenaires (il parait que les jeunes garçons qui fréquentent les écoles privées sont frustrés de ne pas avoir des vêtements à la mode !) ; etc.
La facilité avec laquelle l'équipe de journalistes arrivaient à infiltrer les milieux pédophiles étaient tout simplement déconcertante.
Interrogée sur son appararente absence de réaction, les différentes polices ont expliqué qu'elles étaient occupées "à remonter les réseaux".
C'est dire si la pédophilie a de beaux jours devant elle et si les pédophiles peuvent dormir tranquilles !
La chasse aux pédophiles sur Internet, en revanche, voilà quelque chose dont on a pas fini de parler. Comme la chasse aux nazis, aux racistes, etc.
Le fond de l'affaire c'est : comment contrôler un média qui échappe encore largement aux circuits officiels médiatiques.
Augmenter les obligations légales, sanctionner furieusement ceux qui ne les respectent pas (même s'ils sont victimes d'un montage), voilà ce qui conduira à éliminer les acteurs les plus libres donc les plus fragiles.
J'attends d'ailleurs avec impatience une affaire de pédophiles nazis qui sonnera le glas de la liberté sur Internet.
Joyeuse bonne journée.
Rédigé par : Inspecteur Juve | mercredi 03 juin 2009 à 08:41