Invité chez l'humoriste Ruquier le 9 mai François Bayrou n'a probablement pas convaincu ceux qui attendent d'un candidat à la présidence de la république un programme de réformes présupposées salvatrices. Le fondateur du Modem ne joue pas dans ce registre. Et reconnaissons aussi que le lieu et l'heure ne correspondaient pas à un tel exercice.
Le titre même de son livre, que je n'ai pas encore lu, "Abus de pouvoir" suggère qu'il demeure dans sa ligne tactique. On ne saurait présenter celle-ci pour mystérieuse. Il s'agit pour lui de fédérer sur son nom tous les mécontents du gouvernement actuel. Que d'un tel assemblage il puisse sortir une ligne d'action salutaire pour la France de demain, l'historien dont il a démontré les qualités par son "Henri IV", ne peut pas l'imaginer. Mais nous savons aussi que les circonstances guident les hommes plus encore que les doctrines.
Toutes les réserves nécessaires étant exprimées à propos de l'intervenant de ce samedi soir, je retiens deux points forts que l'on peut mettre au crédit de cette émission vespérale.(1)
Tout d'abord notre aimable Béarnais a rappelé quelques questions à propos du pharamineux arbitrage attribuant à Bernard Tapie une des grosses fortunes de l'Hexagone. Au moment où l'on parle de cet ancien repreneur d'entreprises en déconfiture pour sauver le "Club Méditerranée" le sujet ne manque pas d'actualité. En tant que professionnel, on le soupçonnait toujours dans le passé de ne se penser lui-même qu'en équarrisseur. Et on ne peut pas dire que cette réputation messied vraiment à ses exploits. Là où cet homme est passé l'emploi n'a guère repoussé.
Aujourd'hui, disposant d'une masse colossale d'argent frais, affranchi de l'obligation de rentrer vite dans ses fonds, autrefois fragiles, et dans des finances, alors rongées par ses dépenses personnelles somptuaires, il va pouvoir exprimer, enfin, son génie positif de "gentil organisateur" en chef. Certes, personnellement, je crains le pire. Ses déclarations confirment mon pressentiment. Mais comme j'ai toujours jugé bon de ne pas recourir moi-même aux services de ces gens pour programmer mes vacances, multiplier mes relations et meubler mes loisirs, mon opinion n'intéressera personne.
On peut cependant exprimer un peu de reconnaissance à l'un des rares hommes politiques prompts à poser le problème philosophique, et non individuel, de la destinée d'un Tapie dans notre république. Il le fait dans des termes qu'on pourra estimer relativement durs, et sévères pour le personnel politique en place. En l'écoutant, on se prend à imaginer que derrière cet arrangement, juridiquement bien ficelé au regard du droit des affaires, pourrait bien se cacher "une énorme affaire d'État" - un commentaire lu sur la toile.
Pour ma part je ne voudrais surtout pas passer pour fataliste. Mais il me semble que, depuis plus de 200 ans, les dynasties bourgeoises françaises (2) doivent beaucoup à ce genre d'accaparements, et beaucoup moins à leur génie d'entrepreneurs.
Ceci explique le peu de considération que les pouvoirs accordent aux gens de métier, aux artisans, aux travailleurs indépendants, relégué dans les sphères régionales et rurales, dont le parisianisme se gausse.
Le deuxième point évoqué par François Bayrou ne manque pas de pertinence. Il touche à la médiocrité, à l'incapacité de notre presse quand il s'agit de saisir une affaire telle que celle-là. Reconnaissons alors que les échafaudages juridiques et financiers montés par le groupe Tapie ont su déjouer les banquiers et les magistrats spécialisés. Leur complexité a pu dérouter aussi les journalistes pressés. Et puis la complaisance philosophique qu'on imagine, rapidement, donc peut-être trop généreusement, entre l'ancien chef des radicaux de gauche, les tribunaux de commerce et les salles de rédaction explique sans excuser. Notre centriste l'ignore-t-il ?
Je sais que beaucoup de lecteurs de cet article me reprocheront d'avoir écouté les chants de cette sirène. Qu'ils ne mélangent pas tout cependant. Dans les légendes de la Grèce antique ces êtres imaginaires ressemblent à des oiseaux et non aux séductrices que l'on appelle des gorgones. Quand le merle moqueur vient à votre fenêtre siffler une vérité, la moindre des vigilances consiste à en prendre note. Peu importe dès lors la couleur de son plumage.
Apostilles
- Visionnée, après coup, grâce à l'internet. Qu'alliez-vous croire ?
- cf. Le Monde du 10 janvier 1978 à propos de Beau de Loménie et de ses travaux sur les dynasties bourgeoises.
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1) http://www.dailymotion.com/playlist/xmw4g_Ptite_Mule_b-tapie/video/x73mf8_b-tapie-14-a-vous-de-juger_news
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3) http://www.dailymotion.com/ptite_mule/video/x73n3m_b-tapie-34-a-vous-de-juger_news
4) http://www.dailymotion.com/playlist/xmw4g_Ptite_Mule_b-tapie/video/x73nia_b-tapie-44-a-vous-de-juger_news
Je ne commente pas le fond de l'affaire dont vous parlez. Mais, quoi qu'il en soit, relativement à l'émission d'Arlette Chabot qu'on peut voir grâce aux liens ci-dessus, je tire mon chapeau à toute personne – en l'occurrence Bernard Tapie – qui mouche un représentant de cet organe de propagande de bas étage au service de la caste exploiteuse qu'est et qu'a toujours été le torchon Marianne, et qui dit la vérité – un petit bout de vérité – à propos de celui qui est devenu au fil des années un chien de garde du socialisme à la française de plus en plus grotesque et répugnant, répugnant par son impudence et sa démagogie sans limites, à savoir François Bayrou.
Pour le reste de l'émission d'Arlette Chabot – "l'analyse" de la crise financière avec Christophe Aguiton d'ATTAC, l'éloge de Besancenot, etc. – on est hélas, comme d'habitude, dans la Folie Française...
Rédigé par : Chiboudia | lundi 11 mai 2009 à 15:28
Certes monsieur Tapie est loin d'être un enfant de cœur mais il n'empêche que la justice a clairement démontré qu'en l'occurrence il a été victime d'une escroquerie. Les remboursements et le montant de l'indemnité qui lui ont été accordés qu'en dise monsieur Bayrou sont à la hauteur du préjudice subi. rappelons qu'il a séjourné en prison, que diverses dispositions abusives lui ont été appliquées. En l'occurrence, la banque en cause ne s'en tire pas trop mal. Non, monsieur, cette fois-ci, vos coups sont bien mal dirigés. Quitte à critiquer monsieur Tapie, autant le faire sur un terrain approprié et en utilisant des arguments qui ne fleurent pas la démagogie.
Rédigé par : Romain JACOUD | samedi 16 mai 2009 à 08:40