Je n'applaudis pas spécialement ni à cette réaction, ni à l'aspect technique de cette disposition dérogatoire. Toute exonération, toute niche fiscale contient sa part de perversité.
Je constate simplement qu'outre-Rhin, face à un courant de mécontentement on pense en l'occurrence à une décrue fiscale.
Et dans l'Hexagone de fort nombreuses charges, taxes, cotisations imposées à l'agriculture offriraient aux pouvoirs publics la très riche possibilité d'abrogations libératrices.
Or voici comment nos technocrates réagissent à une situation identique, et pour cause puisqu'il s'agit du même produit sur le même marché. Parmi nos décideurs, le plus visible en ce moment, figure sur les affiches de la terne campagne des "européennes" du 7 juin en Île de France en la personne de M. Barnier, ministre de l'Agriculture à ses moments perdus. Peut-être, feint-il habituellement de paraître le plus niais. Pourtant, la communication ne vient pas de lui : elle émane du Premier ministre, François Fillon. Le 26 mai ses services annonçaient, face à ce qu'on appelle "la colère" des producteurs de lait, le "versement anticipé des aides communautaires" pour les exploitants agricoles dès le 16 octobre, conformément à ce qu'a prévu la veille la Commission européenne. Cette mesure sans précédent, ajoutait triomphalement le communiqué de l'hôtel Matignon "a été rendue possible hier par la Commission européenne. Les États membres seront autorisés à payer de manière anticipée dès le 16 octobre prochain 70 % des aides directes, normalement payées le 1er décembre 2009".
La veille en effet la Commission de Bruxelles, présidée sans doute de droit divin par l'indispensable José Manuel Barroso, avait accordé des aides financières limitées au secteur laitier pour calmer les éleveurs ruinés. Car ceux-ci manifestaient ce jour-là dans plusieurs pays. En tant que ministre français de l'agriculture, M. Barnier, a cru bon saluer alors un "premier pas" tout en regrettant qu'il ne se situe "pas à la hauteur des difficultés ni des enjeux de la filière en Europe sur le moyen terme".
Ceci ne veut évidemment rien dire et cherche à ménager la chèvre et le chou.
En 2006, l'OCDE établissait ainsi un comparatif de la part des subventions dans les revenus agricoles. On mettra éventuellement de côté le Japon avec 58 % : celui-ci tient à des raisons aisément repérables, et, disons-le, il entraîne des conséquences désormais très dommageables pour l'archipel. On atteint
-34 % en Europe,
-contre 17 % aux États-Unis (taux encore énorme, qui correspond à des sommes distribuées plus intelligemment)
-mais surtout contre une fourchette de allant de 2 à 6 % en Nouvelle-Zélande, Brésil, Australie Russie et Chine).
Pas besoin de poser au futurologue ou de sortir de Saint-Cyr, ni même de suivre pas à pas les négociations de l'ex-GATT devenu OMC, pour se représenter les perspectives d'avenir. L'Europe ne peut que renoncer progressivement à des aides agricoles qui la pénalisent. Celles-ci absorbent, aujourd'hui encore, la moitié du budget communautaire en direction d'une activité qui génère environ 3 % du PIB. Ajoutons enfin que la répartition même de ces aides ne pourra pas éternellement exclure les 12 nouveaux pays d'Europe centrale.
Or la France, depuis les années 1990, a choisi le chemin rigoureusement inverse de celui que commanderait le bon sens.
À la fin des années 1980, les subventions représentaient environ 15 % du revenu des paysans français. Elles sont arrivées à la parité vers 1997, et depuis on a pu établir qu'elle dépassaient désormais les 75 %. On a même communiqué sur un pourcentage de 77% (1). En gros cette part représente le double de la moyenne ouest-européenne, qui elle-même se situe à un niveau deux fois supérieur aux pourcentages nord-américains. Nous sommes revenus à une économie de cueillette et de chasse, où le gibier se compose de primes.
Mais on ne touche pas aux charges indues que le système impose à la terre. On ne remet notamment jamais en cause, on exclut même du débat public quiconque tenterait d'évoquer, les cotisations monopolistes qui frappent l'exploitant sous prétexte de le protéger.
D'un ancien candidat à la présidentielle dont j'ai oublié le nom, mais dont je me souviens qu'il parlait, en 2006, de "rupture", et que ses adversaires décrive comme un "ultralibéral", on aurait pu souhaiter qu'il redonnât vie à la revendication essentielle, la seule légitime, en faveur de la libre entreprise : "Moins d'aides moins de primes".
Il me semblerait fécond de retourner à cette vérité première.
Apostilles
- Établi en 2007 par la revue professionnelle "Agreste".
JG Malliarakis
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Vous pouvez écouter l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
Voila encore une profession qui se fonctionnarise. Les hommes politiques sont dans leur ecrasante majorité des fonctionnaires et ne savent pas comment fonctionne une entreprise.Encore moins une "libre entreprise" dans laquelle ils n'ont jamais travaillé.Ils ont une vision bureaucratique des choses,ils vont rarement sur le terrain (sauf devant les cameras ou lors des campagnes éléctorales).Cette bureaucratie ne peut qu'evoluer vers le totalitarisme ,d'autant plus que tout est fait pour abrutir les citoyens ,de la maternelle à l'Université.
Rédigé par : MOHIKIAN | jeudi 28 mai 2009 à 19:53
Sans subventions les agriculteurs seraient aussi riches, car à titre d'exemple depuis 2005 ,les elveurs laitiers touchent une aide specifique à la production appellée ADL (aide directe laitiere ), d'environ 3 cts d'euro par litre ,des que cette subvention a été annoncée au agriculteurs le prix du litre du lait c'est effondré mecaniquement de 3 cts d'euro du litre quasiment le jour meme de son annonce ! ,idem pour les céréales en 1992 ...
Donc les primes n'enrichissent en rien le monde paysan, elles sont une prime à la casse comme la prime actuelle donnée aux constructeurs auto pour ecouler leur stock , on donne 1000 euros à Renault et celui ci vend ses voitures 1000 euros de moins l'unité ...
Ce qu il faut à mon humble avis de fils d'agriculteur ,c'est arreter la fuite en avant des subventions agricoles sur tous les pays de la planete ,car l'ensemble des parties doivent jouer le jeu de cesser les subventions en meme temps au risque de créer des desequilibres concurrentiels ,La Russie et les Etats-unis ont bien fait de meme dans les années 80 pour stopper la surenchere atomique ...
Rédigé par : sfourne | samedi 06 juin 2009 à 17:58