Pourquoi ne pas le dire franchement, quitte à choquer beaucoup de mes lecteurs. Si archaïques et même pathétiques qu'elles puissent sembler à certains, les manifestations de quelque 12 000 producteurs de lait, bloquant 81 laiteries, à la grande joie des communiqués bureaucratiques de la FNSEA, mériteraient de nous inspirer, quant au fond, plutôt de la sympathie.
Le président de la corporation, pardon : de "l'interprofession", M. Lemétayer, complaisamment relayé sur France Info avait clairement annoncé le 24 mai sur les ondes de telles actions, en dépit de leur illégalité formelle.
Ainsi, s'écriront triomphalement certains, "enfin, ça bouge".
On ne saurait préjuger des conséquences. Cependant je voudrais mettre en perspective de tels "mouvements" avec une tendance beaucoup moins libératrice : la fonctionnarisation des professions naguère considérées comme les plus indépendantes.
En effet, les bons esprits se lamentent bien souvent de l'inexorable progression de la libéralisation mondiale. Ils y voient parfois une conjuration perverse. On peut quand même les rassurer. Non seulement le mythe du village gaulois qui résiste s'emploie à en retarder l'achèvement. Mais, leur empruntant leur terminologie courante nous pourrions leur indiquer la liste, depuis 15 ans, "des pans entiers" de notre société hexagonale, qui s'étatisent.
Comme premier exemple, celui de la médecine vient à l'esprit. La plupart des praticiens se sont désormais acclimatés à l'idée de travailler comme prestataires de la sécurité sociale. Les professions de santé, faussement représentées par des bureaucraties syndicales de collaboration, se sont alignées sur les desiderata de l'assurance-maladie. Et les jeunes envisagent de moins en moins de s'établir comme indépendants. On n'ose dire comme "libéraux". Cela fait quelque 500 000 fonctionnaires de "gagnés" en moins de 30 ans.
Quantitativement l'agriculture, avec ses 30 métiers, auxquels on aura même adjoint un 31e la pêche, n'a connu ni le même rythme, ni les mêmes effectifs de collectivisation. Mais, dans l'esprit, la ressemblance ne peut pas être tenue pour anecdotique. Cela commence avec le milieu des années 1950, avant même la naissance de cette Ve république que le monde nous envie. À cette époque, distante d'un peu plus d'un demi-siècle, on comptait environ 2,5 millions d'exploitants. Le terme ne doit pas être reçu pour neutre : il ne faut surtout pas laisser imaginer à un paysan qu'il pourrait appartenir au monde de l'entreprise. S'agissant d'un petit nouveau, on ne veut surtout pas parler non plus de création ou de reprise, mais d'installation. On en compte moins de 10 000 par an. Ceci nous conduit tout doucement au chiffre de 300 000, calculé comme objectif par le Crédit agricole dans les années 1990.
Ce seuil, d'ailleurs provisoire, n'a pas encore été atteint. Début 2007, la dernière statistique en notre possession recensait 520 000 chefs d'exploitations. Électoralement cela veut dire moins de 20 par village, et sur tout le pays moins de 2 % du corps électoral. À peu près la même part du produit intérieur brut. Autant le dire clairement : dans les calculs des technocrates de Paris, le "secteur primaire" de notre économie ne compte plus. Il ne représente plus, à leurs yeux, qu'un boulet villageois résiduel dont le dépérissement de leur influence au sein de quelque 30 000 communes rurales, elles-mêmes quadrillées par l'intercommunalité, assure la mort lente. Une question de temps.
Il se trouve quand même que, parmi ses métiers, on a toujours considéré comme le plus noble, et en tout état de cause le plus astreignant, celui de l'élevage. Avec 92 000 exploitations dont il constitue l'activité principale, il représente environ 18 % des effectifs agricoles. Le prix du lait constitue donc une variable incontournable de leur revenu.
Mais chose le président de la FNSEA Lemétayer lui-même producteur laitier faisait comprendre, au micro, une chose extraordinaire : cette valeur marchande n'est ni négociée ni même connue à l'avance de celui qui livre sa traite aux industriels. On s'éloigne quelque peu, ne trouvez-vous pas ?, de la culture d'entreprise.
Nous aurons très vite l'occasion de revenir sur cette folie, au gré de l'avancée de la crise, en espérant que les technocrates n'en profitent pas pour aggraver encore la fonctionnarisation de l'agriculture.
JG Malliarakis
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Vous pouvez écouter l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
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Puisqu'on parle de la fonctionnarisation de certains métiers, que dire de la fonctionnarisation du commerce ?
Faire ses courses dans les hypermarchés, c'est pire que d'aller à la CAF ou la sécurité sociale : accueil minimaliste de la part du personnel de ces hypers (quand on demande où se trouve un article, on vous répond en tendant vaguement le doigt : "c'est pas là-bas..."), attentes interminables devant les caisses, caissières parfois insolentes. Bref un personnel qui se moque de savoir si le magasin va perdre un client ou non. Des fonctionnaires, quoi...
La grande mode, actuellement, sous le couvert de "faire baisser les prix", c'est le commerce dans des entrepôts-dépotoirs, surtout en banlieue, comme si les pauvres de banlieue, n'avaient pas droit à des étalages dignes de ce nom.
Là, c'est encore pire : pour le personnel, le client est totalement transparent.
"Salauds de pauvres", disait Coluche. "Ils n'ont qu'à être riches", peut-on ajouter.
Rédigé par : Simon95 | mardi 26 mai 2009 à 12:36
rebjr monsieur , je suis d'origine agricole et quand je vois le niveau de débilité administrative present dans ce secteur ,quand je vois aussi des paysans emprunter 500 000 euros suer 20 ans pour gagner un smic ,je pense que il est grand temps de demanteler le systéme d'aide agricole des deux cotés de l'atlantique pour eviter des distortions de concurrence et revenir à un marché ou se sont les agents economiques qui fixent les prix .
salutations.
sébastien
Rédigé par : sfourne | mercredi 27 mai 2009 à 11:25
prix du lait ...surtout ne rien faire ,laissons disparaitre les 2 ou 3% de surplus qui contamine le marché et font baisser le prix en dessous de son prix de revient ,de toute facon a 0.23 cts d euro le litre meme les exploitants les plus efficasses perdent de l'argent donc ds 6 mois a un an on sera de nouveau en situation ou lme marché sera redevenu "sain" .
Mon pere est exploitant laitier et je souhaite de tout mon compte que les pouvoir publique ne crée pas une nouvelle usine à gaz prejudiciable à la societé en general et au monde paysan en particulier .
Rédigé par : sfourne | mercredi 27 mai 2009 à 11:30