Ni M. Arnaud Leparmentier, ni la plupart de ceux qui partagent son point de vue ne prendront sans doute la peine de me lire, encore moins de me répondre. On pensera donc peut-être que je perds mon temps à disséquer leurs arguments. Et on me fera remarquer avec juste raison que je devrais plutôt polémiquer avec les gens de l'UMP qui n'ont pas vraiment prouvé une volonté bien ferme de réduire la pression fiscale et sociale.
Je réponds d’abord : chaque chose en son temps. L’immobilisme frileux de la droite ne perd rien pour attendre.
J'ajoute d'ailleurs que je lis, dans un entretien publié le 24 avril par "Les Échos", que le fondateur de l'UMP, en la personne de M. Alain Juppé s'est permis de se dire lui-même "pas hostile à un aménagement du bouclier fiscal".
Défini de la sorte, le débat avec tous les fiscalistes, ceux classés "à droite" comme avec leurs concurrents étiquetés "à gauche" forme une seule et même question.
Qu'a donc écrit M. Leparmentier pour m'irriter de la sorte ?
Première affirmation :
La suppression du bouclier fiscal, qui plafonne l'impôt direct à 50 % des revenus, a été au cœur des revendications du 1er Mai en France. C'est une demande des syndicats, mais aussi du Parti socialiste, qui défendait, jeudi 30 avril à l'Assemblée, une proposition de loi visant à supprimer cette réforme emblématique de Nicolas Sarkozy.Je me demande vraiment ce que l'on veut démontrer sinon que les organisateurs des défilés du 1er mai, et les récupérateurs politiques, eux-mêmes hués si je ne m'abuse par les manifestants, défendent une politique différente de celle du gouvernement.
Mais Leparmentier poursuit :
Le chef de l'État a toujours défendu ce bouclier fiscal en invoquant l'exemple allemand. Mais cette référence n'existe plus, depuis un spectaculaire revirement de jurisprudence. "Le principe que l'État n'a pas le droit de prélever plus de 50 % de l'argent gagné par un contribuable allemand, les Allemands y sont tellement attachés qu'ils l'ont inscrit dans la Constitution", a encore affirmé le président français, le 24 mars à Saint-Quentin (Aisne). "Il ne viendrait naturellement à l'idée d'aucun membre de la CDU de revenir sur cet engagement, mais, plus intéressant, d'aucun socialiste allemand non plus. J'aimerais que ce que les socialistes allemands ont compris il y a vingt-cinq ans…", avait-il ironisé sans finir sa phrase.Reconnaissons que les propos du p. de la r. de ce "24 mars à Saint-Quentin (Aisne)" auraient pu se baser sur une rhétorique plus solide. À faire documenter ses discours par un Guaino on s'expose toujours à passer pour peu crédible.
Reste que sur le fond politique, le tournant décisif de la sociale démocratie allemande ne se passe pas, en effet, il y a 25 ans, mais bel et bien au congrès de Bad Godesberg il y a 40 ans. Le parti socialiste français peut donc être crédité non d'un quart de siècle mais bientôt d'un demi-siècle de retard sur ses homologues d'outre-Rhin. Quant à comparer la "droite" politique française actuelle au legs d'un Ludwig Ehrard, mon fond de chauvinisme inavoué ne s'y risquera pas. Je reconnais bien volontiers que depuis la disparition du père de ce qu'on appelle le "miracle" allemand, la CDU et la CSU ont commis quelques âneries, mais, même associé aux socialistes, le gouvernement de Berlin fait mieux que le nôtre.
Pourquoi invoquer ici le congrès de Bad Godesberg qui marqua la rupture avec le marxisme ? eh bien tout simplement parce que fiscalisme et socialisme ne font qu'un. Il ne s'agit pas d'un simple petit détail du Code général des impôts : nous nous trouvons en présence d'une affaire de principe.
Ou bien on considère la libre entreprise, elle-même basée sur le droit de propriété, comme créatrice de richesses, ou bien on la tient pour le lieu de l'exploitation de l'homme par l'homme. Très vieux débat, diront certains : mais justement on connaît la réponse !
Ce qu'on appelle "la crise", qui met en cause, non la libre entreprise, mais les mécanismes d’une haute spéculation financière, elle-même déconnectée de toute production, et spoliatrice des propriétés. Cela ne saurait remettre en cause les leçons de l'expérience douloureuse subie par l'Europe au cours du XXe siècle, et que continuent à s'infliger à eux-mêmes un nombre hélas importants de pays du Tiers-monde.
Or, le clown Leparmentier joue au singe savant, et au démystificateur car il écrit sentencieusement :
Les politiques allemands n'ont jamais rien inscrit dans la Constitution. Ils se sont soumis à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Dans un premier arrêt, rendu le 22 juin 1995 - il y a donc quatorze ans et pas vingt-cinq -, celle-ci, saisie par un contribuable soumis à l'impôt sur la fortune, avait certes estimé illégale une imposition à plus de 50 %. Mais, dans leur arrêt, les juges avaient visé l'imposition du patrimoine, plus que celle du revenu. Le chancelier allemand Helmut Kohl avait alors décidé de supprimer l'impôt sur la fortune.Passionnante précision, n'est-ce pas ?
De quoi triompher : la Constitution allemande adoptée en 1949 permet d'exproprier les gens par des taux d'imposition élevés. Mais qui donc a jamais prétendu que l'Allemagne était constitutionnellement devenu un paradis fiscal ? Il me semble même que tout le ramdam autour de la pacifique, mais courageuse, principauté du Liechtenstein trouve son origine dans un petit scandale [fabriqué] d'évasion de capitaux hors de ce purgatoire.
Soudain, donc, la cour de Karlsruhe retrouve grâce aux yeux de nos socialo-fiscalistes :
Ceux qui en ont déduit que les impôts directs ne devaient pas dépasser 50 % des revenus en ont été pour leurs frais. Dans un arrêt passé inaperçu en France, rendu le 18 janvier 2006, la Cour de Karlsruhe a débouté un ménage allemand qui avait acquitté un impôt direct équivalent à 60 % de son revenu (impôt sur le revenu, Einkommensteuer, plus impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, Gewerbesteuer).Ceci me semble plutôt une bonne leçon pour ceux qui "font confiance à la justice de leur pays" sans combattre sur le terrain civique de la modification des lois et du développement d'un mouvement d'opinion. Telle doit devenir la conviction de ceux qui me lisent. Il ne s'agit pas de croire que des juges, formatés en France par l'École nationale de la magistrature, vont corriger le long héritage dont ils sont eux-mêmes issus, la funeste référence au préambule de la constitution de 1946, la proclamation de Chirac en 1995 déclarant la "sécurité sociale constitutive de l'identité française", etc. etc. On ne fera pas l'économie d'une remise en cause explicite de telles idées fausses dans notre pays. Tous ceux qui s'imaginent redresser la France sans s'en donner la peine font des petits rêves dans leurs petits lits. Merci aux deux rédacteurs du Chant des partisans de m'avoir soufflé involontairement cette métaphore. J'ajoute que contrairement aux résistants des années noires, nous n'avons nul besoin de "marcher" ni de "crever", encore moins de verser “du sang noir au grand soleil, sur la route“ mais simplement de faire preuve du courage de nos convictions.
Certes, celles-ci ne sont probablement partagées ni par M. Soubie, conseiller social de l'Élysée, ni par M. Guaino, conseiller économique : mais je crois que les 53 % de Français qui ont voté contre Ségolène Royal en 2007, plus quelques autres, entrent dans des vues qui convergent avec les nôtres. A priori sur le terrain de la démocratie les choses devraient se présenter moins défavorablement que pour les conceptions fort minoritaires de M. Besancenot ou du mouvement Attac : pourquoi les partisans de la Liberté et de la propriété privée devraient-ils attendre passivement d'être ruinés et dévorés ?
Et, enfin, voilà donc "le Législateur allemand" réhabilité dans son droit à expérimenter [une fois de plus] l'Utopie :
Pour les juges, le droit à la propriété, garanti par l'article 14 de la Loi fondamentale, ne saurait justifier de limiter à 50 % de manière "générale, obligatoire et absolue" l'imposition directe des revenus d'un contribuable. Cette imposition doit seulement être appropriée et ne pas être si "excessive" qu'elle viole le droit à la propriété. Cet arrêt confirmait une décision de la section financière de la Cour de cassation allemande, intervenue dès le 11 août 1999. Elle redonne donc une marge d'appréciation considérable au législateur allemand, alors qu'existe un débat sur le relèvement des impôts directs en Allemagne, mais pas de l'impôt sur la fortune. À l'approche des élections générales de septembre 2009, les sociaux-démocrates allemands, loués par M. Sarkozy, ont demandé que l'on réaugmente de 45 % à 47 % la tranche marginale de l'impôt sur le revenu.Sans trop se demander quelle mouche a pu piquer le SPD, peut-être la concurrence de "Die Linke", rassemblement de la gauche socialiste et des anciens du parti unique communiste est-allemand nous nous poserons ici la question de la France. Celle de nos amis et cousins germains attendra la victoire éventuelle, et disons-le : peu désirable, des hyperfiscalistes chez eux.
Nous remarquerons aussi qu'à l'appui de son raisonnement, le clown Leparmentier puise ses chiffres dans la rhétorique et les tableaux fournis par Bercy. Surprenant ! penseront peut-être ceux qui croient savoir que le ministère des Finances dépend du gouvernement que "Le Monde" combat. Pas étonnant, jugeront au contraire les personnes averties : il s'agit pour les gardiens de la Citadelle technocratique, où les ministres ne font que passer, aussi bien que pour le grand journal de la Gauche de démontrer la même série de sophismes. On fait semblant de croire que la France "se situe dans la moyenne". On publie de beaux tableaux prospectifs où les chiffres de déficit sont donnés en % du PIB, et où, après avoir avoisiné 5,9 % en 2009, – pourquoi pas un peu plus : on le tient notre record européen, ne le lâchons pas, – on prévoit que ces pourcentages évaluatifs se redresseraient à 2,9 % en 2012, etc.
Or tout cela se révèle falsifié.
Les prélèvements obligatoires français n'oscillent pas "entre 42 et 43 % du PIB". De telles estimations se basent sur une évaluation fausse du PIB et ils évacuent l'impôt différé que représente le déficit, lui-même financé par l'emprunt. Strictement le taux de prélèvements devrait être calculé sur la base du produit intérieur marchand, et englober l'ensemble de la dépense publique. Quant à rapporter le déficit budgétaire prévu pour 2012 à un PIB imprévisible, on sourira.
Là aussi les défenseurs de la libre entreprise doivent accepter de croiser le fer en rappelant par exemple, qu'une part colossale de la dépense publique, sociale, municipale, etc. s'identifie à des gaspillages alimentant les copinages, et que le déficit assèche par l'émission d'emprunt, les capacités d'investir dans l'économie productive, et donc qu'il ruine les perspectives de l'emploi.
Nos arguments ne convaincront sans doute jamais ni les technocrates de Bercy, ni les gens qui vendent de l'emprunt d'État, ni les journalistes de gauche, excusez le quasi-pléonasme, mais ils pourraient intéresser un partenaire non négligeable du débat, on l'oublie un peu trop dans les raisonnements politiques de notre république, je veux parler du peuple français.
JG Malliarakis
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Soit. Couper la tête des riches, aristocrates confondus, n'est plus à la mode. Couper la bourse, oui. Ça, c'est de l'idéologie. Mais je vous pose une question intuitive : le déficit de la France n'est-il pas une "bulle" pour certains autres pays?
Rédigé par : minvielle | mercredi 06 mai 2009 à 13:27
Mais vu la situation critique de nos finances, comment voulez-vous que les étatistes jacobins puissent seulement envisager d'autres solutions que de faire payer les s...ds de riches? Vous leur demandez là un effort bien trop conséquence qui reviendrait à scier la branche sur laquelle repose tout leur système vérolé...
Ils nous ont mis dans un bourbier quasi inextricable et font tout pour nous y enfoncer davantage... quelles belles âmes, n'est-ce pas!
Rédigé par : dardevil2007 | mercredi 06 mai 2009 à 14:25
Depuis le retour de Mme Aubry rue de Solférino, je suis atterré de la ringardise des amalgames qui croient servir la propagande du PS. Que deviendraient-ils sans "le bouclier fiscal" et "le pouvoir d'achat", sans "la souffrance des salariés" et "les privilèges des riches" ? On est en 1930 avec ces gens.
Même leur campagne européenne est rabattue sur la guérilla politicienne du quotidien, sans aucune vista de l'Europe institutionnelle. Un abîme d'imbécilités.
Sarkozy est très décevant, mais il exerce son pouvoir sur un désert de convictions politiques modernes et n'a pas à s'inquiéter car il les enfonce aisément dans la moindre des polémiques. Il aime ça en plus.
Le fiscalisme français participe de la vieille soviétisation des pouvoirs ; il faut nourrir tout le monde, plus ou moins ; on ne "tue" personne. Quand ça va mal, on retourne à ses vomissements.
La gauche ressort des projets de nationalisation.
Aucune imagination non plus du côté gouvernemental, aucune capacité à réduire le train de vie de l'Etat, on attend que le train de vie du peuple s'effondre de lui-même pour avancer des propositions que le malade sera bien obligé d'accepter.
Joue-t-on le chaos ?
Rédigé par : Catoneo | mercredi 06 mai 2009 à 16:15