Nos politiciens ont enfin trouvé une façon d'expliquer pourquoi tout va mal et pourquoi tout risque d'empirer.
Les "patrons voyous" avaient déjà fait leur apparition pendant la campagne présidentielle : ils n'ont rien perdu pour attendre et voici qu'un décret prétend y mettre bon ordre.
Personne ne pleurera vraiment sur le sort de gens qui pour la plupart n'interviennent que comme prédateurs, issus de l'énarchie, comme accapareurs et non comme créateurs d'entreprises. Reste un certain malaise d'ordre juridique et qui tient à la question dite de "l'effet des lois nouvelles sur les contrats en cours". Et puis comme le dit finement un des commentateurs de ma chronique précédente : quand donc les politiques s'appliqueront-ils à eux-mêmes ces règles moralisatrices si salubres ?
Alors il faut bien trouver un bouc émissaire étranger. Et voici, toute désignée, la redoutable principauté du Liechtenstein, 160 km2, à l'est du Rhin, et 35 000 habitants. La dynastie, régnant aujourd'hui encore sur ce pays, était restée fidèlement liée à l'empire des Habsbourgs pendant des siècles. Mais les paradoxes du recès ou Reichsdeputationshauptschluss de 1803, imposé par l'Ogre, tout en ramenant le nombre des États allemands de 360 à 82, ont fait de ce pacifique territoire le seul pays du monde qui doive, depuis lors, son indépendance à Napoléon.
Ce qu'un Bonaparte avait fait un néo-bonapartisme envisage-t-il donc de le défaire ? Après que l'on ait entendu, il y a quelques jours, menacer explicitement, depuis l'Élysée, la Tchéquie, le Luxembourg, Andorre et Monaco, voici que maintenant la citadelle de Bercy cherche à faire trembler la cité pacifique de Vaduz. Le 30 mars, les journaux parisiens lançaient pathétiquement la curée relativement à trois scandales atteignant des grandes sociétés françaises qu'on croyait parfaitement respectables. Celles-ci, d'ailleurs, démentent avoir constitué des fondations frauduleuses de droit liechtensteinois pour dissimuler leurs profits. Mais le 31 mars le brillantissime Woerth, un libéral assure-t-on, lisait un petit communiqué de confirmation rédigé par l'administration parisienne des Finances.
Depuis le temps que le Canard enchaîné et la CGT posent la question "où passe l'argent" ? on tient enfin la réponse : il s'engloutit à Vaduz dans les impudiques boîtes aux lettres des 74 000 compagnies multinationales. "Et voilà pourquoi votre fille est muette".
Restons sérieux : si le Liechtenstein mettait en péril l'économie mondiale, cela se saurait et l'effondrement se serait produit depuis longtemps.
Parmi les nombreuses raisons que nos médiats pourraient trouver d'en vouloir on citera le fait que 75 % des habitants se disent catholiques romains. En 1917, d'ailleurs les Puissances centrales avaient même envisagé d'y installer le Pape qui, depuis 1871 se mortifiait comme prisonnier dans Rome.
D'autre part, la constitution monarchique du pays accorde au prince des pouvoirs plus que symboliques. Moche, non ? Pire encore, à la demande de Hans-Adam, un référendum de 2003 a confirmé la "forte adhésion" populaire au régime. Très moche. C'est aussi le seul pays qui impose l'allemand comme langue officielle unique nonobstant la présence de 2,3 % de citoyens d'origine turque. Horriblement moche. Et puis le référendum de 1984, soutenu par le prince, tout en donnant le droit de vote aux femmes, les a sottement oubliées pour les élections qui désignent les 11 bourgmestres et les échevins dans le cadre des scrutins locaux. Là on sombre dans un obscurantisme carrément digne de la Troisième république française, et je ne saurais l'approuver.
Mais l'impardonnable a été commis par le Liechtenstein en 1945. L'excellent film "Vent d’Est" de Robert Enrico sorti en 1993 le raconte, trop complaisamment pour le goût de nos intellectuels. Ainsi, Télérama le dénonce comme un "mélo". Moi, je le trouve très bon. Après les accords de Yalta en 1945, deux millions de Russes anticommunistes que les alliés ont refusé de protéger, sont allés au Goulag. Mais ceux qui s'étaient réfugiés à Vaduz n'ont pas été livrés à Staline. Ils furent sauvés grâce à la ténacité du prince de ce courageux petit pays.
J'allais oublier de signaler cette autre, et rédhibitoire, horreur : l'impôt sur les sociétés de ce pays ne les allège arbitrairement que de 18 % de leurs bénéfices contre 30 % de moyenne européenne.
Dois-je donc souligner ici que tout ce qui, dans cette prospère petite nation, exaspère la gauche et les jacobins français, me rend éminemment sympathique ce petit paradis alpin.
JG Malliarakis
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Vous pouvez écouter l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101
Le zoiseau, il ressemble à l'aigle syldave.
Rédigé par : Claurila | mercredi 01 avr 2009 à 14:00
Je déménage!
Rédigé par : minvielle | mercredi 01 avr 2009 à 15:45
Une chance, cet enterrement de NK, qui a permis à JPB de reprendre contact avec JGM !!!
L'"Insolent" est passionnant! Tous les articles sont remarquables. Merci à Jean-Gilles !
Quelqu'un qui n'a pas toujours été une admiratrice !
Rédigé par : Dominique B. | mardi 05 mai 2009 à 18:28