L'actuel secrétaire général hollandais de l'OTAN, M. Jaap de Hoop Scheffer,
achèvera son mandat 31 juillet. Son successeur doit normalement se voir désigner lors du sommet atlantique des 3 et 4 avril. Et tout le monde, ou plutôt la quasi-unanimité des 26 pays membres, s'apprête à s'accorder sur le nom du premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen.
En particulier le gouvernement américain mais aussi l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni soutiennent cette candidature.
Celle-ci correspond d'abord à une continuité de la politique extérieure de Washington. Anders Rasmussen figurait en tête de liste à l'époque du gouvernement Bush et l'équipe Obama confirme officieusement cette préférence.
Le spécialiste du Conseil européen des Relations étrangères de Londres Rappelle que l'engagement danois, à hauteur de 700 hommes, dans la guerre d'Afghanistan contre les islamo-terroristes talibans explique en partie ce choix. Car la volonté très explicite des États-Unis, y compris lors de la campagne présidentielle du candidat Barack Obama, consiste à continuer l'engagement militaire de l'OTAN dans ce conflit.
M. Rasmussen s'est toujours montré un partenaire apprécié des Américains. À leurs côtés il a également envoyé des troupes en Irak. Par ailleurs, il milite en faveur d'une coopération entre l'Otan et l'Union européenne. Ceci correspond, notamment, à la position de la France. En particulier son équipe ministérielle réoriente clairement la position traditionnelle du Danemark, qui jusqu'à son arrivée aux affaires en 2001 ne participait pas à la politique européenne de sécurité et de défense. Désormais, elle s'y implique.
Mais les 26 pays de l'Otan sont supposés prendre leur décision à l'unanimité.
Or la fée Carabosse turque exprime la prétention de venir troubler la belle harmonie. La raison invoquée par la diplomatie de M. Erdogan nous semble valoir le détour : le cabinet de Copenhague n'a pas voulu céder aux injonctions islamistes visant à interdire les 12 caricatures de Mahomet publiées en septembre 2005 par le journal Jyllands-Posten.
Énorme direz-vous ! Invraisemblable même ! Au point que l'AFP diffusait une dépêche datée de Bruxelles, le 22 mars, formulant ce dont un journaliste devrait toujours se garder, à savoir le pronostic
"qu'un éventuel blocage turc lié au contentieux des caricatures de Mahomet paraît improbable."
Quelle que soit demain la solution adoptée, il faudra bien considérer comme révolu le temps où l'on pouvait considérer Ankara comme un bastion laïc.
On ne peut pas non plus se contenter de savoir que le pouvoir y résulte du suffrage universel pour y voir une démocratie comme les autres. Rappelons par exemple qu'en Iran la république des mollahs organise elle aussi des élections.
La question qui se pose ne nous paraît donc que, très secondairement, celle de savoir si cette probabilité l'emportera, mais, avant tout, celle de continuer à considérer comme membre à part entière de l'alliance occidentale, un pays qui envisage seulement de poser de telles conditions.
Dire qu'il s'agit d'un fait nouveau suppose d'ignorer le choix délibéré des solutions de force habituelles de l'État-major turc. Mais jusqu'ici jamais le caractère islamique du pays n'était invoqué à ce point, et de plus, à l'encontre des principes et des libertés dont l'Europe se réclame. Il aura fallu plus de 30 ans pour que l'Europe accepte d'entendre le témoignage de l'Église de Chypre sur le sort fait au christianisme dans la partie nord de l'île occupée depuis 1974. Mais, depuis 1922, il a toujours été considéré par les bonnes consciences et les belles âmes européennes que le kémalisme constituait un processus d'occidentalisation de ce pays et que l'Armée en assurait la garantie.
Aujourd'hui, puissance de plus en plus orientale la Turquie entend imposer sa loi au sein de l'OTAN sur un motif totalement contraire aux objectifs de l'Alliance. Membre actif de l'Organisation de la conférence islamique elle prétend, depuis plus de 20 ans, faire avancer sa candidature comme membre de l'Union européenne. Et elle exige de celle-ci qu'elle cesse de se comporter comme un "club chrétien", assertion totalement dépourvue de fondement.
Or, personne n'ose mettre un coup d'arrêt à de telles menaces, exclusives, pressions et autre chantages.
Aujourd'hui même et pour la première fois depuis 1976 un président de la république turc se rend en Irak. En 33 années, beaucoup d'eau a coulé, non seulement sous les ponts de l'Euphrate, ou du Bosphore, mais également dans toutes les zones stratégiques du proche orient. Dans cette région du monde Ankara manifeste aussi son intransigeance naturelle en captant unilatéralement les ressources hydrauliques de ses voisins. Elle le fait notamment dans le Hatay, une région à laquelle les Français pourraient songer. il s'agit en effet du sandjak d'Alexandrette, détaché unilatéralement par le gouvernement de Paris en 1938 du mandat reçu de la SDN sur la Syrie, puis cédé en 1939 à la Turquie kémaliste. La capitale s'appelle aujourd'hui Antakya, c'est-à-dire Antioche où apparut le nom de chrétien. Aujourd'hui, nos derniers coreligionnaires, une poignée, y rasent les murs.
Les Irakiens remarquent que le parti de M. Erdogan s'était arrangé le 1er mars 2003 pour ne pas voter l'intervention dans le conflit aux côtés de leurs alliés. Ceux-ci jusque-là comptaient très concrètement sur leur contribution. Et cette défection les a grandement affaiblis dans un premier temps.
Aujourd'hui que, globalement, la situation a évolué en faveur des objectifs occidentaux, la Turquie vient en recueillir les dividendes aux côtés des Kurdes modérés pour mieux exterminer les terroristes du PKK basés dans la région autonome du Nord de l'Irak.
Au moins on ne saurait reprocher à la diplomatie d'Ankara de manquer de pugnacité dans la défense de ses ambitions et revendications.
En revanche on voit de moins en moins sur quelles bases on peut la considérer comme en voie d'un rapprochement véritable avec l'Europe. Défiant nos principes et nos libertés, adoptant une attitude caractéristique de l'islamisme, Ankara ose invoquer l'affaire des caricatures de Mahomet. Tirons en dès maintenant les conséquences avant qu'il ne soit trop tard.
JG Malliarakis
Si vous avez apprécié ce bulletin de l'Insolent prenez le temps d'accéder au site de Wikio en cliquant d'abord sur ce bouton : puis en "votant" (en tout 2 ou 3 secondes)
Vous pouvez écouter l'enregistrement de cette chronique sur le site de Lumière 101.
Ce que vous reprochez à juste titre à la Turquie, sa morgue hors de saison, les petits sabotages stratégiques, les avanies misérables comme cette affaire de caricatures danoises, vous auriez pu le reprocher à la France gaulliste de la fin des années 60, si vous l'aviez observée depuis un autre pays de l'OTAN.
La "grandeur éternelle" de la France est passée par ce type de "gamineries" insupportables.
Rédigé par : Catoneo | mardi 24 mar 2009 à 10:04
Ankara renforce sa pénétration en Thrace occidentale :
1/ Affaire des muftis : s’appuyant sur le fait que les 2 muftis nommés par le gouvernement grec jettent le trouble dans les esprits de la communauté musulmane et dans les relations interconfessionnelles parce que l’un aurait plutôt un rôle de communication avec le gouvernement grec alors que l’autre serait le porte-parole d’Ankara, le leadership turc demande la modification du cadre législatif de la nomination du mufti par l’Etat au profit du suffrage universel direct. Cette demande est appuyée par le très riche consulat turc de Komotini, par la succursale de la banque Ziraat et par l’Association culturelle de l’éducation des minorités (PEKEM). Or, ce n’est pas suivre le Coran que de procéder ainsi à une élection du mufti par le peuple. Dans le système islamique, le mufti doit venir des rangs des «éclairés». En Thrace occidentale, il est un corps qui pourrait procéder à ces élections : le corps des imams. Ainsi les muftis élus deviendraient-ils automatiquement des sheiks, chefs de file des fidèles. Mais ils perdraient le pouvoir judiciaire qu’ils ont actuellement. Ankara perdra-t-elle les avantages de la structure parallèle qui a été soigneusement mise au point au fil des ans grâce aux fonds du riche consulat de Komotini ? La question a dominé l’ordre du jour lors de la dernière visite des représentants de la communauté à Ankara auprès de Gul, Erdogan et Ntavouglou. Cette sorte de «délocalisation» attire déjà le PASOK. Un de ses membres, Tzemil Kapzal en profite pour marteler : «La communauté turque de Thrace occidentale fait partie intégrante de la grande nation turque».
2/ Influence de l’organisation non gouvernementale PEKEM : elle est basée en Allemagne, elle vise essentiellement à démontrer l’ « oppression » exercée par les autorités grecques sur la minorité musulmane. Elle mène des actions sur les questions douloureuses de l’histoire en interférant sur les contenus des manuels scolaires, sur l’éducation (elle a réussi à ce que des écoles musulmanes soient créées avec des fonds publics). Dernièrement, elle a appuyé des parents dont l’enfant s’est bien comporté en classe pour qu’il puisse défiler avec un drapeau turc dans les mains au défilé du 25 mars, fête nationale commémorant le début de l’insurrection contre les Ottomans en 1821 et au cours de laquelle les bons élèves se joignent au défilé, un petit drapeau grec à la main. C’était sans compter sur la résistance des parents d’élèves grecs.
3/ Influence de la banque Ziraat : à l’inauguration de la succursale, tous les cartons d’invitation ont été rédigés en turc ! L’installation d’une succursale Ziraat fait partie de la prise de conscience d'Ankara à l'importance de la pénétration économique au 21e siècle. La banque, dont le taux d'intérêt des prêts à des musulmans mais aussi à des chrétiens est faible, cherche-t-elle à construire un consensus social ? Ou faut-il la considérer essentiellement comme un moyen de promouvoir l'aide au développement pour les musulmans de Thrace par l’intermédiaire d’Ankara.
Rédigé par : Josette V. | samedi 28 mar 2009 à 10:43