À l'approche de la réunion du G20 le 2 avril, un certain nombre d'annonces ont tourné autour de la question dite des paradis fiscaux. J'ignore à vrai dire quelle définition vraiment opératoire on peut donner de ce faux concept. On y mêle joyeusement, peut-être même cyniquement, dans l'esprit du public, divers amalgames. On joue de la répulsion naturelle qu'inspirent les souvenirs de la piraterie, la proximité mémorielle de l'île de la Tortue et des îles Caïman. On l'associe sans complexe à la crise, aux fonds spéculatifs, aux comptes en banque des mafieux, et à leurs crimes, à la corruption des politiciens.
On se prépare donc, contre les paradis fiscaux, ou soi-disant tels, des mesures poudre aux yeux qui donneront satisfaction à quelques charmeurs de serpents.
Dans une moderne version du Dictionnaire des idées reçues Flaubert écrirait certainement à la rubrique de ces pays : "tonner contre".
Qui oserait d'ailleurs en dire du bien ?
Pourtant, le journal même de la bien-pensance, le quotidien Le Monde vient de consacrer quelques articles à ce sujet à la mode.
Ô surprise, on apprend de cet organe indiscutable que l'univers nous envie que
"Londres ou New York sont aussi des paradis fiscaux car on ne peut pas dissocier Jersey de la City de Londres, les îles Caïman de New York, le Luxembourg du continent européen. C'est cousin cousine". (Le Monde en ligne le 24 mars)
Qu'à l'inverse de sa réputation, hospitalière en comparaison de l'enfer fiscal français
la Confédération helvétique est "mécontente d'être considérée comme un paradis fiscal car la Suisse n'est pas un paradis fiscal, pas un État voyou, pas un État non coopératif, a martelé Mme Calmy-Rey, estimant que la liste de l'OCDE a été concoctée de manière non transparente sur mandat de quelques États". (Le Monde du 18 mars)
Je serais d'ailleurs heureux d'apprendre explicitement de la bouche de Mme Calmy-Rey à quels pays elle pense exactement.
Car en réalité toujours d'après le même journal réputé indiscutable
"les nombreuses filiales que possèdent les sociétés du monde entier - c'est le cas aussi en France - dans des États sans fiscalité leur ont permis d'alléger considérablement leurs charges d'impôts, au cours des dernières années." (Le Monde du 25 mars)
Constatation globale du Monde :
"Il est difficile d'établir une liste des paradis fiscaux, leurs caractéristiques suffisamment floues permettant d'y inclure les coffres-forts suisses."
Sous le nom de blanchiment, on confond allégrement en effet le recyclage des capitaux issus d'activités criminelles et l'évasion fiscale que les juristes et les spécialistes veulent considérer comme de l'optimisation gestionnaire permettant aux très grandes compagnies de mettre, en toute légalité, les administrations en concurrence, avec pour effet la baisse des prélèvements.
Haro sur les paradis fiscaux ? Haro surtout sur les petits concurrents qui envisageraient d'organiser la délocalisation statutaire artisanale à l'instar d'un Christian Poucet assassiné mystérieusement sans que personne n'ait vraiment cherché à éclaircir qui avait bien pu débarrasser le système d'un tel gêneur.
Mais le Monde cherche aussi à propager une image plus large du problème posé.
Le journal fait donc appel sous forme d'entretien aux lumières supposées de
John Christensen est le directeur du Tax Justice Network (Réseau mondial pour la justice fiscale), une organisation regroupant des associations qui luttent contre les effets négatifs de la finance offshore
on laisse donc ce personnage proférer l'énorme affirmation suivante :
"Avec des actifs de particuliers sous gestion de l'ordre de 11 500 milliards de dollars, les 72 places offshore répertoriées sont au cœur du capitalisme financier. Ce n'est pas un phénomène marginal.
Cette estimation datant de 2005 est aujourd'hui largement dépassée." (Édition datée du 25 mars, jour de l'Annonciation)
Nous pataugeons par conséquent dans une grande hypocrisie et on doit en sortir.
Appelons donc les choses par leur nom.
Quand un jacobin prononce le "doux nom de patrie" nous savons qu'il s'agit comme l'avouait lui-même au XIXe siècle l'affreux chansonnier républicain Béranger de "l'horreur de l'étranger".
Quand son homologue socialisant contemporain, et par "socialisant" on doit entendre tous les défenseurs du fiscalisme, parle de "justice fiscale" il s'agit de tondre encore plus la matière imposable, et d'en empêcher les moutons de migrer en faisant aboyer très fort les chiens de garde de la vertu civique.
Ce projet ne repose nullement sur la critique du système capitaliste mais tout simplement sur la haine des riches.
Et la crise actuelle nous donne un exemple parfait des conséquences de ce ressentiment absurde : quelle merveilleuse situation que cette ruine des milliardaires dont le nombre sur la liste de Forbes a été, grosso modo pendant l'année 2008 divisé par deux.
Quelle aubaine n'est-ce pas pour tous ceux qui les détestent ?
Eh bien au lieu d'applaudir aux exploits d'un Bernard Madoff, qui a sans doute ruiné un nombre considérable d'ennemis du clown Dieudonné, on se trouve contraint de déplorer que ces affreux ploutocrates, malgré et peut-être même grâce à leurs 72 centres offshores, soit un peu plus du tiers des États siégeant aux Nations Unies, assuraient hier et procureront à nouveau demain plus d'emplois et de meilleures conditions de vie aux millions de gens qui entendent vivre honnêtement de leur travail, plus sûrement en tout cas qu'en Corée du nord et beaucoup plus honnêtement dans la plupart des cas que les hommes de l'État.
Nos gouvernants ayant édifié un enfer fiscal veulent nous faire craindre les dangers d'un purgatoire relatif : ils baptisent cela des paradis fiscaux et veulent les diaboliser. Voilà la vérité.
JG Malliarakis
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Vous pouvez écouter la version audio de cette chronique sur le site de Lumière 101.
BRAVO POUR LE FONDS ET AUSSI POUR LA FORME
Rédigé par : RACLIN | mercredi 25 mar 2009 à 08:16
Je fais le pari que les paradis fiscaux ne seront jamais régulés ou du moins pas en profondeur.
Car au-delà des problèmes techniques , il y a tellement d'intérêts divergents de part le monde à ce que les paradis fiscaux existent ou pas que trouver une réponse commune à ce sujet est mission impossible. (Même Hitler durant la seconde guerre mondiale n'avait pas envahi la Suisse pourquoi ...????)
De plus, à chaque grande crise, on nous ressort les paradis fiscaux comme problèmes, ce fut le cas en 1998 lors de la crise du hedge fund LTCM , En 2001 avec le 11 septembre et aujourd'hui avec les subprimes. Et après? qu'y aura-t-il de plus cette fois ci ?
Rédigé par : sfourne | mercredi 25 mar 2009 à 11:22
Comme vous le dites fort justement cette histoire de paradis fiscaux n'a rien à voir avec la crise économique et financière actuelle.
S'en prendre à la liberté de circulation des capitaux est contre productif et j'espère que le G20 au contraire rappellera la nécessité de laisser les marchés et les frontières ouverts.
Rédigé par : Jacques Peter | mercredi 25 mar 2009 à 12:34
Madoff n'est qu'un prête-nom. Dans une Pyramide-Ponzi le triangle sommital est de connivence : Spielberg continuera de tourner et Wiesel de fouiner...
Rédigé par : Incrédule | mercredi 25 mar 2009 à 15:43
J'ai eu l'occasion d'écrire sur Lumière 101 http://lumiere101.com/2009/03/25/hypocrisie-autour-des-paradis-fiscaux/#comments
que les premiers paradis fiscaux sont les institutions internationales.
Rappelons en passant que la première grande institution internationale qui a vu le jour et a donc inauguré cette forme de socialisme mondial est la Banque des règlements internationaux.
Elle l’a vu à la fin de la décennie 1920 pour gérer les réparations que l’Allemagne devait payer aux pays “vainqueurs de la guerre de 1914-18″.
Le FMI ne date que de 1944.
Les bureaucraties respecives des institutions internationales ont des rémunérations, dans le meilleur des cas, exemptes de fiscalité, dans le pire, assujetties à une fiscalité plus que privilégiée.
Les bureaucraties ont donc beau jeu de dénoncer les paradis fiscaux : “cachez ce sein que je ne saurais voir”.
Il faut dénoncer les institutions internationales et leur bureaucratie hyper privilégiée, paradisiaque.
Elles sont le fer de lance du socialisme mondial qui a perclu l'économie mondiale à partir du XXème siècle.
Elles ne sont pas étrangères au sérieux ajustment financier mondial qu'on connait aujourd'hui - cf. mon dernier sur http://blog.georgeslane.fr/ -
Elles sont les petites mains - qu'elles voudraient invisibles - des réglementations étatiques nationales, causes de celui-ci.
Internetttement vôtre
Rédigé par : Georges Lane | jeudi 26 mar 2009 à 12:03
T'aurais pas un euro ? Mes fonds n'ont pas la forme...
Rédigé par : minvielle | mardi 31 mar 2009 à 16:09
Et je complète par :
Il fallait le trouver, le G20 l'a fait !
http://blog.georgeslane.fr/post/2009/04/03/Il-fallait-le-trouver
Rédigé par : Georges Lane | samedi 04 avr 2009 à 11:25