Pour commencer la CGT le dit clairement dans son tract diffusé à des centaines de milliers d'exemplaires :
"Le 19 mars sera le rendez-vous de tous les mécontentements face à cette crise que nous n'avons pas à subir, ce sera le rendez-vous de toutes les luttes, des salariés qui se sont mobilisés le 29 janvier, comme celles et ceux qui ont soutenu ce mouvement ou qui ont engagé des actions sur leur lieu de travail.
En mettant en place le service minimum, après avoir remis de l'ordre dans la rémunération des grévistes, les gouvernements Raffarin puis Fillon ont largement modifié le caractère de ces grandes journées. Bien entendu, les désagréments continueront pour beaucoup d'usagers, mais ils s'adoucissent.
Voici à 6 h 15, pour la région parisienne ce qu'indique le site de la RATP :
"À la suite du préavis des Syndicats CFDT, CGT, FO et SUD pour la journée du jeudi 19 mars :
Métro : trafic normal.
RER zone RATP : RER A Trafic normal (interconnexion maintenue à Nanterre-Préfecture). RER B : 1 train sur 3 (interconnexion suspendue à Gare du Nord).
Bus et Tramway : Trafic Normal ou quasi normal".
Plus dure semble la situation dans les grandes villes de Province, plus tendue l'attitude des syndicats de cheminots à la SNCF.
En vérité, ce qui préoccupe les bureaucraties dirigeant ces centrales tient plus à la démonstration de force par des défilés.
Une vingtaine de secteurs professionnels ou de grandes entreprises ont reçu des appels à la mobilisation. Sept syndicats, la CGT, la CFE-CGC, la CFTC, la CFDT, la FSU, Solidaires et l’UNSA ont lancé un appel à venir "tous ensemble à Paris le 19 mars".
Sur le site Internet de la CFDT son secrétaire général François Chérèque rappelle l’importance d’être nombreux, mobilisés :
"Pour faire pression sur le patronat et le gouvernement en faveur d’un véritable changement de cap et obtenir de nouveaux résultats pour les salariés. Je suis persuadé que les salariés, étant donné ce qu’ils vivent, sont déjà mobilisés. Et qu’ils seront aussi nombreux, dans la rue, que le 29 janvier dernier.
Son homologue de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, le 16 mars sur Canal + a développé son point de vue selon lequel :
"Les réactions parfois violentes de salariés licenciés comme chez Sony et Continental, relevaient de la légitime défense. Est-il inquiet de cette poussée de violence ? Non, elle ne m'inquiète pas, parce que d'une certaine manière, elle est légitime. C'est de la légitime défense. Chez Continental comme chez Sony, les salariés n'ont plus rien à perdre, ils ont le sentiment qu'on ne s'occupe pas d'eux, qu'on les méprise (...) C'est une réaction légitime, je ne dis pas que je la souhaite. Mais c'est une réaction légitime et je les comprends (...) La mobilisation sera au moins du même niveau que le 29 janvier. Cela veut dire puissant, avec une détermination plus grande encore des salariés, qu’ils soient du privé ou du public.
Un examen un peu méthodique montre donc que, comparé à de telles déclarations très creuses au contenu très vague, l'élément moteur se situe du côté de la CGT. Dans le département de l'Essonne par exemple, elle affrète 35 cars au départ de la SNECMA Corbeil, de l'EDF Évry, de la faculté des sciences d’Orsay, de l'hôpital de Sainte-Geneviève-des-Bois, du Centre de l'Énergie Atomique des Ulis, minutieusement ses permanents et délégués ont fait les comptes de la participation à la manifestation parisienne.
Tout cela résulte d'une bonne vieille technique additive parfaitement rodée. Quiconque manifeste son mécontentement, même légitime, peut trouver sa place dans le cortège. Cela vaut certes pour la journée considérée et à condition de répéter ce que l'on entend dans le porte-voix.
Ainsi l'Humanité du 17 mars se fait-elle l'écho d'une préoccupation parfaitement compréhensible chez les travailleurs sociaux s'occupant d'enfants inadaptés ou handicapés mentaux. Cette belle profession, à la fois éprouvante et méritante, se révèle, malheureusement, terriblement nécessaire. Or, après 40 ans de bons et loyaux services, la convention collective de 1966, tenant compte des spécificités du métier se voit remise en cause par des bureaucraties désireuses de gains de productivité, certes difficilement quantifiables, etc. L'inquiétude de cette profession va donc se trouver cyniquement mise en avant comme si la société tout entière devait fonctionner comme une maison d'accueil au service des handicapés. Le cauchemar brejnevien d'avant-hier se transforme de la sorte en aubaine pour la démagogie cégétiste d'aujourd'hui.
On construit donc cette agglomération de microdrames humains pour accuser le gouvernement.
Car,
- en comparaison des constats un peu fatalistes et vides de sens de ses concurrentes CFDT et FO,
- loin des querelles déprimantes du PS et des petites rêveries des Verts,
- le vieil appareil de la CGT fait (presque) figure de force neuve et fraîche.
Il a même mis en place une "coordination CGT jeunes" confiée à la camarade Sabine Génisson. Il fallait y penser et d'ailleurs, elle ne manque pas de chantiers revendicatifs, dans un pays où un étudiant sur deux travaille pour financer ses études et où de ce fait :
"50 % des emplois saisonniers sont occupés par des jeunes de moins de 25 ans, avec une durée du contrat inférieur à 1 mois. Comment envisager de lutter pour améliorer ses conditions de travail, alors que l’on ne fait que passer ? Assis sur un siège éjectable avec un salaire de misère, il est impossible d’envisager des projets de vie ! Voici ce qu’offre la France aux jeunes générations : aucune perspective d’avenir. Le patronat exploite cette situation afin de précariser le droit du travail et tirer les contrats et salaires vers le bas.
Ciel ! les méchants patrons !
Or, dans tous ces amalgames et toutes ces approximations négatives, la centrale CGT se positionne comme la seule capable d'avancer ce qu'elle appelle "des propositions". Il faut les lire… sans rire…
Résumant ainsi la situation :
"Les chiffres du chômage de janvier 2009 sont dramatiques 90 000 chômeurs de plus (12 000 en Ile-de-France) en janvier, après les 64 000 en novembre et 45 000 en décembre. Pour le seul mois de janvier, cela représente 3 000 personnes se retrouvant sans emploi chaque jour.
On note donc que tout se joue selon la CGT dans l'Hexagone. Et elle avance de s'en sortir par les slogans suivants :
"- obtenir un droit suspensif sur les suppressions d'emplois et mise en débat des propositions alternatives des organisations syndicales.(lesquelles ? fabriquer des pneus qui resteront en stock dans les entrepôts de Continental ???)
- refuser les 30 000 suppressions d'emplois dans la fonction publique. (afin de peser un peu plus sur l'économie productive privée ?)
- faire reculer toutes formes de précarité (temps partiel subi, intermittence). (afin sans doute d'empêcher les jeunes de travailler ?)
- conditionner les aides publiques à des engagements favorables à l'emploi ou aux salaires. Les entreprises qui licencient devront rembourser ces aides !(… mais le pourront-elles ? La question n'est jamais posée !)
- la revalorisation du Smic à 1 600 euros bruts immédiatementafin sans doute de freiner encore plus l'embauche?.
À noter enfin que le mot d'ordre gauchiste qu'on croit venir de la Guadeloupe "200 euros supplémentaires égalitaires pour tous", et que le LKP a voulu lier à la hausse des prix dans l'île, apparaît dans un département comme la Haute Loire.
Ainsi aux usines Michelin du Puy-en-Velay les ouvriers chôment partiellement plusieurs jours par mois, avec perte de salaire (que le gouvernement se propose d'indemniser).
De la sorte la position de la CGT est de dire :
"Dans un groupe qui a réalisé un bénéfice de 357 millions d’euros en 2008 Michelin fait suffisamment de bénéfices pour maintenir l’intégralité des salaires pendant le chômage partiel et les augmenter d’au minimum 200 euros.
Et FO embraye en estimant "le temps venu de porter une revendication commune qui soit chiffrée, comme en Guadeloupe." Sur ces bases, le 29 janvier, près de 80 % des salariés de l’usine avaient débrayé.
La vacuité et la nocivité de telles soi-disant "propositions" ne sauraient échapper à personne.
Il n'empêche que le pouvoir politique va devoir s'y confronter car leur élément moteur cégétiste est devenu son principal interlocuteur. Le vieil appareil communiste de la CGT constitue dès lors une sorte digue face aux éléments d'extrême gauche de SUD et à l'épouvantail trotskiste.
Et cette force syndicalo-stalinienne, si démonétisée qu'elle puisse paraître, prend le relais d'une opposition socialiste incapable de formuler autre chose.
JG Malliarakis
Vous pouvez écouter l'enregistrement de cette chronique sur son lien permanent sur le site de Lumière 101.>
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On notera que la notion de grève à la RATP a par ailleurs (semble-t-il) disparu puisque ce matin on pouvait entendre dans les couloirs de la Défense "en raison d'un arrêt de travail". Ah. Ils se sont tous fait porter pâle?
Rédigé par : Ours | jeudi 19 mar 2009 à 12:43
Il en faut, du courage, pour regarder en face cette nuisance au point d'en être un expert.
Rédigé par : Claurila | jeudi 19 mar 2009 à 15:07