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Ce 19 décembre, allant réserver des places bon marché pour Mme Butterfly, je lisais distraitement à la devanture d'un kiosque en première page du Monde un gros titre semblant s'indigner que des épargnants français aient pu se trouver lésés par le scandale Madoff. On devrait toujours se contenter de l'Opéra Bastille. En effet, hélas, à Garnier, j'avais rencontré la veille au soir le cas de victimes parisiennes. Certains le trouveront surprenant puisque seuls des New-Yorkais sont supposés assez stupides pour succomber à de telles sirènes.
En gros mon étonnement à moi reposait sur la notion suivante. Madoff proposait des rendements, dit-on, de l'ordre de 10 % par an, qu'il pleuve ou qu'il vente. Il prétendait bien entendu les réserver à une élite triée sur le volet. Évidemment, cela ne tenait pas debout sur le long terme. De la même manière d'ailleurs l'hypothèse de prêts à taux zéro, qu'il s'agisse de crédits immobiliers, de banques islamistes ou des nouvelles générosités de la FED américaine doit être considérée comme dépourvue de bon sens. Et, dans cette mesure même comment un peuple aussi rationnel que celui des compatriotes de Descartes aurait-il pu croire, de la sorte, au Père Noël ?
Eh bien la chose pour improbable s'est révélée possible, chez des bourgeois honnêtes, intelligents et cultivés qui s'intéressent à la musique et qui consentent même à entendre une version un peu modernisée du Fidelio de Beethoven. Rappelons que ce drame à l'argument un peu niais avait été créée entre 1805 et 1814, sans beaucoup de succès. Or à cette époque, on savait parfaitement situer le taux "naturel" de l'intérêt autour de 2 ou 3 % maximum, en fonction de ce que les économistes appelleront un demi-siècle plus tard l'efficacité marginale de capital.
Le Wall Street journal du 18 décembre révélait, lui, que, dès 2005, le financier américain Markopoulos avait tiré la sonnette d'alarme auprès de l'autorité locale des marchés. Sans trop de difficultés cet adversaire de Madoff avait pu démontrer que le système incriminé aujourd'hui en faillite s'apparentait à une escroquerie connue depuis les années 1920 aux États-Unis sous le nom de système de Ponzi.
À la suite de quoi la SEC avait entrepris une enquête en janvier 2006.
Or, ce qui distingue Ponzi de Madoff, proportionnellement sépare de la même manière ce dernier de ceux de nos caisses de retraites monopolistes. Les un comme les autres s'apparentent dans leur institution mathématique aux mécanismes généralement connus sous le nom français de "boule-de-neige"(1) : une banale question de proportions, une simple différence quant à l'énormité des rendements promis.
Or cette folie Madoff a pu séduire des Français normalement lettrés ayant lu dans leur jeunesse le Bossu de Paul Féval. Nos compatriotes ont connu l'affaire Law depuis l'année 1721, et la destruction de son papier-monnaie en 1722, deux siècles donc avant les aventures nord-américaines de l'escroc Ponzi. Et je précise qu'on ne s'est pas contenté de seulement duper des vedettes du chaud bize sous l'emprise de la cauque. Je compte d'ailleurs assez peu de spécimens de cette nature dans mes relations.
À cela, à cette aberrante efficacité du mirage, il faut, j'y insiste, chercher les motifs là où ils se trouvent en réalité. Ils découlent de l'effroyable sentiment de frustration qu'inspire, aux élites comme aux classes moyennes, le système français, dit de "répartition" pour la retraite, combiné au désir des catégories productives de prendre une revanche sur une fiscalité délibérément spoliatrice.
Répartition pour répartition Madoff n'a pas construit autre chose que le mécanisme illusoire promis en 1936 par le Front Populaire, institué en 1941 par le maréchal Pétain, celui de pensions considérées comme "réparties" parce que non provisionnées. Après la Libération ce système fut élargi progressivement des seuls "vieux travailleurs" à l'ensemble des salariés, puis aux cadres, puis aux agriculteurs, puis aux indépendants.
Le système a reposé pendant quelque 60 ans sur cette prestidigitation d'une patate chaude que se sont refilée les générations et les majorités politiques successives. On en touchait les prétendus intérêts sans jamais constituer le capital lui-même puisqu'aucune obligation assurancielle n'en imposait ce qui techniquement s'appelle les actifs congruents. Pendant des décennies on a imaginé de faire reposer ceux-ci sur la virtualité de la seule croissance de l'économie nationale, et sur l'accaparement étatique des initiatives individuelles. Dès lors, voyez aujourd'hui la panique des gouvernants devant le simple retournement de tendance avec l'hypothèse d'un reflux du PIB en 2009 de seulement 1 ou 2 %. Si ces pourcentages eux-mêmes ont un sens, il s'agirait seulement pourtant d'un retour aux niveaux de prospérité des années 2006 ou 2007. Personne sauf erreur ne mourrait vraiment alors de faim en France. Ainsi des dizaines de milliers de gens bravaient encore les lois, les mers et les déserts dans l'espoir de grignoter les miettes de nos richesses.
Madoff n'a guère procédé autrement que nos caisses. Il opérait sur une clientèle plus étroite mais plus riche, plus sûre d'elle-même, etc.
La répartition française a donc servi du 4 % environ de 1950 à 1990. Aujourd'hui elle revient aux alentours de 2 %. Elle se situe désormais au-dessous de l'efficacité séculaire du capital, évaluée à 2,9 % depuis 200 ou 300 ans en occident. La seule différence avec Madoff se situe donc dans l'ordre quantitatif. Le principe reste le même. Le résultat ne différera que dans le délai d'effondrement du système. Au moins les victimes de Madoff savent dès maintenant la vérité : elles n'attendront pas 40 ans de cotisations et la visite du bon Dr Alzheimer dans leurs maisons de retraite pour découvrir le diagnostic
JG Malliarakis
Notes
- Portant sur des biens ou des services, ces mécanismes sont décrits de la sorte dans le Code pénal français sous l'article L122-6 (Loi n° 95-96 du 1 février 1995 art. 13 Journal Officiel du 2 février 1995) Sont interdits: 1° La vente pratiquée par le procédé dit "de la boule-de-neige"(...) 2° Le fait de proposer à une personne de collecter des adhésions ou de s'inscrire sur une liste en lui faisant espérer des gains financiers résultant d'une progression géométrique du nombre des personnes recrutées ou inscrites (...)
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Vient de paraître
LA FIN DE L'EMPIRE D'OCCIDENT
Le Ve siècle, si oublié, si lointain, et cependant si proche du nôtre,
à tant d'égards, représente une période essentielle dans l'histoire de
l'Europe. L'effondrement de la partie occidentale de l'empire romain ne
s'y résume nullement en une simple “conquête barbare". De nombreux
facteurs entrent en ligne de compte et notamment la décomposition de la
société. Le parti pris des hommes des Lumières, relayé par celui des
historiens marxistes, a construit un certain nombre de mythes. Grand
spécialiste de la Gaule et de l'Antiquité tardive, Amédée Thierry
répond, non par l'Histoire idéologique, mais par des faits, sur la base
de sources solides, dans une langue claire.
Fascinante se révèle la survie de cet empire qui n'en finit pas de
mourir : "Les rouages administratifs continuèrent à fonctionner. Les
lois restèrent debout ; les coutumes séculaires ne furent point brisées
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lambris du palais de Ravenne. Odoacre eut un préfet du prétoire, un
maître des milices, un questeur pour préparer ses lois ou les rapporter
au sénat, etc." ••• 370 pages 25 euros ••• Pour commander ce livre •
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LE PÉRIL SOCIALISTE
par Vilfredo PARETO
préface de Georges Lane.
Vilfredo Pareto ne fut pas seulement le père de la sociologie moderne.
Ingénieur brillant, puis directeur des chemins de fers italiens, ses
écrits remarqués lui vaudront d'enseigner l'économie à Florence, puis
de succéder à Walras dans sa prestigieuse chaire de l'université de
Lausanne.
Dans ces écrits, il souligne, après la période romantique de
l'unification de l'Italie, combien les réseaux de pouvoirs
interviennent de plus en plus dans la banque, dans la "protection"
démagogique de l'industrie nationale, ayant pour effet de la détruire,
et de provoquer le marasme du pays. Et le socialisme d'État alimente le
“péril socialiste”. Sa formation technique et scientifique permet à
l’auteur de donner des preuves tangibles des faits qu'il analyse ainsi.
Or, les lois qu'ils dégage, et de son observation, et de sa
connaissance de la théorie économique, s'appliquent singulièrement à
l'Europe contemporaine et aux fausses solutions que les politiques
imaginent d'apporter aujourd'hui à la crise. ••• 426 pages 29 euros •••
Pour commander ce livre • par correspondance : ••• vous pouvez imprimer notre catalogue en pdf et un bon de commande
Comment moi, un fidèle lecteur et parfois fin bretteur, faisant d'ailleurs partie du Chaud Bise Naisse, ne peut-il ressentir les effluves de ces magouillettes? Déjà l'euro, la pilule amère, les augmentations frénétiques, et les Man-Brothers, clowns de la finance enfin! Quel homme êtes vous pour ignorer une partie de la population...; mesquin tout cela, mais n'est pas chobiz qui veut, le pestacle, c'est le pestacle, et nous on s'en fiche, on aime chanter, danser, rire, faire rêver! Mais ça nous rapporte pas un fifrelin! Pas un iota, une once d'or, que du mérite, de la gloire, du vent! Des chaises vides...les places sont chères. Bien à vous, bien que je ne compte point d'économiste docte dans mes relations directes... Pims.
Rédigé par : pierre mInvielle | mercredi 24 déc 2008 à 14:11
Je m'étonne qu'il n'y ait pas eu encore - à ma connaissance - de jeu de mots avec Madoff : Mad... off...
"Mad in" quand on est "fou" dans le droit et "mad off" quand on est "fou" hors du droit.
Cela mis à part, Jean Gilles, vous évoquez avec justesse la "retraite par répartition obligatoire" comme système de Madoff. Cf. http://blog.georgeslane.fr/ - II. Retraites du futur : la capitalisation -
Et en particulier, vous considérez que :
"La répartition française a donc servi du 4 % environ de 1950 à 1990. Aujourd'hui elle revient aux alentours de 2 %."
Je suis trés réservé sur ce dernier point car vous ne tenez pas compte de l'augmentation des cotisations obligatoire en assiette, taux et durée.
Dans le système de Madoff, vous n'étiez pas au moins obligé de renouveler des "placements" de montant toujours plus élevé.
Trés cordialement et que 2009 réponde à vos souhaits.
Rédigé par : Georges Lane | dimanche 28 déc 2008 à 22:14