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Dans un entretien publié par Libération le 17 décembre, M. Guillaume Pépy annonce tranquillement, en pleine période de marasme, que son entreprise monopoliste va augmenter ses tarifs sur les Trains à grande vitesse. Ceux-ci sont pourtant ressentis unanimement comme trop chers.
Reconnaissons-le cependant : personne ne lui en voudra de ne pas préciser le pourcentage exact des hausses envisagées. Un tel taux ne servirait aucunement à l'information des voyageurs puisqu'on ne connaît déjà pas le montant de départ auquel il s'appliquera. Car de toute façon, le mode de calcul du prix d'un billet de chemin de fer relève en France d'une sorte de secret d'État. Il doit s'agir d'une recette sophistiquée, protégée contre toute forme d'indiscrétion, et gardée pour cette raison par quelque corporation d'eunuques dont on aurait précautionneusement coupé la langue.
Pourquoi d'ailleurs s'en inquiéter ? puisqu'il suffit de demander à la souriante guichetière : combien vous dois-je ? et de présenter gentiment sa carte bleue. Et le tour est joué.
Sur internet la démarche se complique. On peut choisir, on peut ne pas cliquer, on peut abandonner la transaction. Mais M. Pépy nous promet désormais que 3 tarifs possibles seront affichés. Ceci facilitera la décision de tous ceux qui aiment à choisir le prix le plus élevé.
Monsieur Pépy contrairement à une tradition bien établie dans le ferroviaire n'appartient pas aux réseaux polytechniciens. Voila un bon point, s'écrieront les polémistes et les grincheux de la veille école ! Enfin un homme qui n'a pas été déformé par les mathématiques ! Las ! Les sectaires déchanteront en apprenant que le personnage nous vient de l'énarchie la plus caractéristique.
Technocrate de gauche, autant dire : humaniste, Guillaume Pépy appartint de 1991 à 1993 au cabinet de Mme Aubry avant de se mettre enfin au service de la grande entreprise nationale où il succéda à Louis Gallois après l'avoir servi comme collaborateur le plus proche.
On ne doit certes pas le tenir pour un méchant homme. Il se fait un point d'honneur à voyager en seconde classe. Et il s'affirme préoccupé des trajets de la vie quotidienne en TER ou RER, il défend les droits sociaux de son personnel, etc.
Notons bien ceci : avec de tels arguments la SNCF peut encore espérer attendrir un futur gouvernement de gauche, le pousser à ralentir le processus de libéralisation et de mise en concurrence. Car toutes ces évolutions sont supposées contraires aux intérêts populaires précités. Ceux-ci pourront donc être brandis dès demain comme autant de prétexte pour justifier le protectionnisme, en faveur des légendaires "services publics à la française" concept mis à l'honneur depuis quelques années avec le rapport de M. Marceau Long.
Car la journaliste de Libération a parfaitement compris que la "guerre", ou plutôt la situation future de concurrence avec Deutsche Bahn, mais aussi avec Air France sur les trains transfrontaliers se situe dans un avenir très proche : au 1er janvier 2010. Cela constitue la préoccupation véritable et centrale de M. Pépy.
À cette question d'ailleurs il répond à côté, en évoquant l'arrivée d'opérateurs privés sur le marché subventionnaire des trains régionaux. Mais il commet l'erreur de chercher à se barricader dans sa culture monopoliste en prenant ses aises tant qu'il peut augmenter ses propres tarifs. On le voit aussi théoriser l'importance financière des investissements dans les lignes à grande vitesse qui dédoublent effectivement le réseau. Mais le hic de son raisonnement tient cependant au fait que la SNCF ne réalise pas ses opérations, qui sont depuis plus de 10 ans confiés à une autre structure totalement distincte du vieux monopole, le Réseau Ferré de France. Celui-ci a été constitué en 1997, à la fin du gouvernement Juppé, pour se conformer aux engagements communautaires. Il s'agissait d'abord d'évacuer la dette ferroviaire, compte tenu des critères de Maastricht. On a imaginé dès lors de la compenser par un patrimoine foncier considérable. Et surtout on voulait préparer l'ouverture à la concurrence européenne, comme il en va dans le secteur énergétique et dans les télécommunications. Le grand public est tenu largement dans l'ignorance de cette évolution car les monopolistes cherchent à retarder l'échéance espérant un retournement d'une tendance qu'il faut souhaiter irréversible.
Dans un tel contexte le rapport de 170 pages publié par la cour des Comptes en avril 2008 met en lumière le fait que la SNCF ne semble pas en mesure de payer à son vrai prix de revient le simple usage des voies.
Or "près de la moitié du réseau est en mauvais état", souligne la Cour, précisant que, même si "les ralentissements et un entretien coûteux ont jusque-là permis de maintenir la sécurité des circulations", "la régularité des trains en souffre déjà et l'absence de renouvellement des installations ne sera plus longtemps supportable". Cette carence, entièrement due à la gestion étatique de la SNCF crée une situation gravissime et demain on la mettra, bien évidemment, sur le dos du libéralisme économique, et même de l'ultra-libéralisme.
Or la lecture du rapport de la cour des Comptes supervisé par Philippe Séguin en avril 2008 ne laisse aucun doute quant aux responsabilités de la vétusté, déjà soulignée par un rapport d'experts suisses en 2005 : les équipements sont entretenus depuis 10 ans par les 50 000 personnels SNCF affectés à cette tâche, cette dernière refacturant ses propres prestations à son propriétaire qui n'a qu'un droit, celui de payer la note sans disposer de la faculté de mettre de tels "marchés" en concurrence.
Comment dans de telles conditions M. Pépy ose-t-il parler d'autres investissements que ceux qu'il fait financer dans un matériel roulant inutilement pour ne pas dire ridiculement sur-performant : à quoi sert-il d'envisager des locomotives pouvant atteindre 360 km/h si ces systèmes tombent en panne ? La clientèle souhaite-t-elle des trains plus rapides ou plus fréquents ? Ce genre de questions bassement commerciales irrite toujours les technocrates monopolistes.
Tous les investissements fixes nouveaux sont en fait financés par l'État ou par les collectivités locales.
Or, toute autre apparaît aujourd'hui la situation de la Deutsche Bahn. Cette entreprise bénéficiaire, gérée dans une conception privative, investit elle-même dans le développement de son réseau, et elle ne saurait d'ailleurs opérer autrement du fait de dispositions remontant à la Loi fondamentale allemande Gründgesetz de 1949.
Le seul secteur où la SNCF "couvre" à 100 % les frais d'usage qu'elle occasionne correspond aux TER régionaux où elle reçoit des subventions équivalentes de la part des collectivités locales.
Dans la structure et la culture monopolistes où elle s'enlise, la "société nationale" créée en 1937 pour "unifier" le réseau hexagonal ne peut que péricliter selon un cercle vicieux : augmentation de ses tarifs, érosion de sa clientèle, recours aux subventions, etc.
Que M. Pépy évoque dans ce contexte la sauvegarde de l'emploi et les droits sociaux ne peut que faire sourire amèrement : une entreprise non rentable ne maintient durablement aucun emploi et n'assure solidement aucun avantage social. Dans la perspective actuelle où l'État central parisien annonce un déficit prévisionnel estimé à 79 milliards d'euros pour 2009, on voit mal quel effort de subvention nouveau pourrait être raisonnablement envisagé pour la SNCF, ou pour quiconque.
JG Malliarakis
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Vient de paraître
LA FIN DE L'EMPIRE D'OCCIDENT
Le Ve siècle, si oublié, si lointain, et cependant si proche du nôtre,
à tant d'égards, représente une période essentielle dans l'histoire de
l'Europe. L'effondrement de la partie occidentale de l'empire romain ne
s'y résume nullement en une simple “conquête barbare". De nombreux
facteurs entrent en ligne de compte et notamment la décomposition de la
société. Le parti pris des hommes des Lumières, relayé par celui des
historiens marxistes, a construit un certain nombre de mythes. Grand
spécialiste de la Gaule et de l'Antiquité tardive, Amédée Thierry
répond, non par l'Histoire idéologique, mais par des faits, sur la base
de sources solides, dans une langue claire.
Fascinante se révèle la survie de cet empire qui n'en finit pas de
mourir : "Les rouages administratifs continuèrent à fonctionner. Les
lois restèrent debout ; les coutumes séculaires ne furent point brisées
; enfin le vieil attirail des césars environna le mi-patrice sous les
lambris du palais de Ravenne. Odoacre eut un préfet du prétoire, un
maître des milices, un questeur pour préparer ses lois ou les rapporter
au sénat, etc." ••• 370 pages 25 euros ••• Pour commander ce livre •
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LE PÉRIL SOCIALISTE
par Vilfredo PARETO
préface de Georges Lane.
Vilfredo Pareto ne fut pas seulement le père de la sociologie moderne.
Ingénieur brillant, puis directeur des chemins de fers italiens, ses
écrits remarqués lui vaudront d'enseigner l'économie à Florence, puis
de succéder à Walras dans sa prestigieuse chaire de l'université de
Lausanne.
Dans ces écrits, il souligne, après la période romantique de
l'unification de l'Italie, combien les réseaux de pouvoirs
interviennent de plus en plus dans la banque, dans la "protection"
démagogique de l'industrie nationale, ayant pour effet de la détruire,
et de provoquer le marasme du pays. Et le socialisme d'État alimente le
“péril socialiste”. Sa formation technique et scientifique permet à
l’auteur de donner des preuves tangibles des faits qu'il analyse ainsi.
Or, les lois qu'ils dégage, et de son observation, et de sa
connaissance de la théorie économique, s'appliquent singulièrement à
l'Europe contemporaine et aux fausses solutions que les politiques
imaginent d'apporter aujourd'hui à la crise. ••• 426 pages 29 euros •••
Pour commander ce livre • par correspondance : ••• vous pouvez imprimer notre catalogue en pdf et un bon de commande
La Poste, SNCF, c'est bientôt le début de la fin et l'ouverture à la concurrence.
Je peux prévoir que ca va grincer que les tarifs, bizarrement vont prendre du plomb dans l'aile...
Rédigé par : Seb | vendredi 19 déc 2008 à 14:20
lol Il va moins rigoler, Pépy, quand la concurrence arrivera sur les chemins de fer Français.
Il devra massivement réduire les tarifs des voyages en train (disons de 40-50%), soit mettre la clef sous la porte.
Autant appliquer la première solution dès maintenant !
Rédigé par : Rémy | vendredi 16 jan 2009 à 01:33