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Le conseil des ministres de ce 17 septembre examinait un projet de redécoupage des circonscriptions législatives. Son propos se veut exclusivement technique et démographique. Bien entendu…
On vote actuellement, quand on élit l'Assemblée nationale, sur la base du recensement de 1982, utilisé par M. Charles Pasqua en 1987 pour revenir au scrutin uninominal. On présentait à l'époque le ministre de l'Intérieur comme un fils de Machiavel, alors que tout en lui dénotait le clone de Fernandel. Sa réforme, calquée sur les travaux technocratiques de son administration assura une partie de la victoire de la gauche en 1988. En effet, ramenant à 577 le nombre des députés, il ne disposa d'aucune marge d'investiture permettant de ramener vers la droite classique les nombreux candidats au ralliement.
Toujours très désireux d'échapper aux critiques de ses adversaires, M. Alain Marleix, obscur secrétaire d'Etat à l'Intérieur, ne manque donc pas d'opérer les choix qu'il voudrait faire tenir pour les plus objectifs. "On ne peut pas nous accuser de charcutage électoral", a-t-il assuré. "Je reçois tous les députés concernés, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, et j'ai vu tous les responsables de l'opposition".
Cette admirable concertation ne va toujours pas, cependant, jusqu'à instiller la moindre dose de proportionnelle. La Cinquième république part en lambeaux, et je ne le regrette pas, mais elle défendra jusqu'au bout ses équations bonapartistes fondatrices.
On se prépare cependant à adopter une série de mesures, présentées pour "un paquet législatif global", qui chacunes entérinent lourdement, sur de nombreux points pratiques, l'obsolescence du système mis en place par Michel Debré en 1958-1959. Le retour automatique des anciens ministres au Parlement, par exemple, rompra avec une tradition essentielle. Celle-ci s'était déjà vue écornée par le maintien au gouvernement des vaincus du suffrage universel après les élections locales ou partielles. L'accord nécessaire entre l'Etat et "le peuple dans ses profondeurs" essence du gaullisme depuis le discours de Bayeux de 1947 avait pourtant, par fidélité à ses propres principes, conduit le fondateur du régime à l'un des actes les plus honorables de sa carrière : son départ en 1969 une fois désavoué sur un projet soumis à référendum. Son nullissime successeur Chirac ne l'avait certes pas imité en 2005, en dépit du tort considérable occasionné à l'Europe, et à la France. Nous nous éloignons donc délibérément des fondations.
On remarquera que la procédure de révision institutionnelle facilitera le recasage des ministres qui se verront remerciés lors du prochain remaniement. La loi organique sera examinée, de la sorte, par l'Assemblée nationale début octobre et par le Sénat quelques jours plus tard. Elle sera promulguée avant la fin novembre, pour un nouveau gouvernement mis en place probablement après la fin des six mois de présidence tournante de l'Union européenne.
Pourquoi, sur le découpage électoral et sur le scrutin entièrement uninominal maintient-on alors jalousement des dispositifs qu'on pourrait considérer comme mineurs ? Leur nocivité a été amplement démontrée, qui a totalement écarté les représentants de la société civile des assemblées. On s'efforce probablement de maintenir la bipolarisation dans son contexte le plus favorable aux oligarchies parisiennes, aux appareils centralisés, et aux accaparements financiers de la richesse produite par les Français.
Que ces captations se soient révélées certes alternatives, celles de la Chiraquie ayant succédé aux prédations impunies de la Mitterrandie, n'exonérera pas la classe politique de devoir un jour rendre des comptes aux Français spoliés.
La question préoccupante ne consiste donc pas à savoir si tel ou tel département perdra tant de sièges, si tel autre verra sa poussée démographique enregistrée : la population de la France est passée de 55 millions d'habitants à 64, et cette progression a vu les centres urbains progresser. Mais il y a bien longtemps que les circonscriptions les moins peuplées se situent dans des départements qui, de toute manière, comptent le nombre minimal de deux députés.
N'est-il pas ironique d'ailleurs de relever que la circonscription la plus peuplée, 2e du Val-d'Oise (188 000 habitants) envoie à l'assemblée M. Axel Poniatowski, UMP, et l'une des plus désertique, la 2e des Hautes-Alpes (avec 53 000 habitants) vote pour le socialiste Joël Giraud. Et certes le charmant Gévaudan, devenu le moins peuplé de nos départements n'en finira jamais de caresser la Bête conservatrice. Les deux plus petites circonscriptions, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna, votent socialistes. Ces bizarreries font partie des contingences de toute démocratie.
L'Assemblée nationale, le 24 octobre 2007, avait auditionné le ministre de l'intérieur, la délicieuse Mme Alliot-Marie. Celle-ci avait cru pouvoir avancer plusieurs "principes", dans la plus pure tradition du radicalisme : appuyons-nous bien sur eux, ils finiront par céder. Elle proposait pour chaque circonscription un ratio de l'ordre de 125 000 habitants, plus ou moins 10 %. Or cette doctrine laissait ouverte l'hypothèse d'une dose de proportionnelle. De plus elle en profitait pour avancer un autre dogme, à savoir : "le tracé des circonscriptions ne doit pas couper un canton en deux, ce qui suppose une réforme cantonale concomitante". Deux ouvertures intéressantes.
Soutenu en haut lieu, M. Marleix, pourtant simple secrétaire d'Etat, avait balayé toute cette construction de l'esprit. Il avait lancé : "elle n'a pas été chargée de ça". Et de proposer une autre méthode : la "répartition par tranches", celle de Pasqua. Si le "ratio" est de 110 000, attribution de deux sièges par département en dessous de 220 000 et d'un siège supplémentaire par fraction de tranche au-delà. La "règle républicaine" veut, nous assure-t-on, qu'un département ne compte pas moins de deux députés. La Lozère-Gévaudan, qui comptait 73 000 habitants en 1999, conservera donc ses deux élus. Deux UMP. Ouf.
Invoquer dès lors l'article 3 de la Constitution de 1958 qui, d'après M. Marleix, "dit qu'il faut qu'il y ait équité devant le suffrage universel" relève de la plaisanterie dès lors que la majorité des opinions exprimées par les citoyens ne trouvent pratiquement aucun écho, aucune voix pour les représenter dans les assemblées délibératives. Comment enfin imaginer qu'un sous-ministre faisant par ailleurs office de responsable des élections au sein du parti majoritaire puisse vraiment passer pour objectif.
L'avis du Conseil constitutionnel du 29 mai considérait comme impérative et urgente cette réforme.
Mais, comme on commence hélas à en prendre la fâcheuse habitude depuis 2007, il semblerait qu'on propose de se servir des "paquets législatifs" soi-disant réformateurs pour conduire à des remèdes pires que le mal.
JG Malliarakis
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Peut-être que l'on peut réformer les circonscriptions de la façon suivante :
On établit des listes nationales , comme pour le mode d'élections à la proportionnelle et la liste qui arrive en tête est assurée d'avoir la majorité +1 des sièges à l'assemblée . Le reste étant réparti proportionnellement aux différents pourcentages pour l'attribution des sièges restants . Ce qui permettrait à tous les courants politiques d'être représentés , mais , avec cette majorité +1 pour la liste arrivant en tête , le pays serait gouverné . Ce serait un peu du même type que le mode électoral allemand au Bundestag .
J'ai toujours trouvé sidérant qu'un scrutin de l'ampleur nationale telle que les élections législatives se traduise , en fait , par 577 scrutins locaux dans ces 577 circonscriptions . Un député est un élu de la nation .
En outre , ce scrutin par listes aurait un avantage certain : Celui de respecter une fois pour toutes la parité homme femme , alors , qu'avec un scrutin majoritaire à deux tours , cette parité n'est pas du tout respectée , compte tenu de l'élimination .
Rédigé par : Philippe-Arnaud BRUGIER | jeudi 25 sep 2008 à 17:39