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L'annonce, ce 8 septembre, par Le Parisien-Aujourd'hui du projet d'Air France d'exploiter ses propres TGV, en concurrence avec ceux de la SNCF, a sans doute surpris une partie du public. Le 15 septembre Air France-KLM et Veolia constitueront en effet une société nouvelle destinée à faire rouler des TGV privés aux couleurs de la compagnie aérienne dès que les liaisons internationales seront ouvertes à la concurrence le 1er janvier 2010.
La compagnie aérienne franco-néerlandaise subit actuellement de plein fouet ce qu'on appelle dans le jargon des transports la compétition intermodale. On argue par exemple de la hausse récente et considérable du prix du kérosène. Mais personne ne peut douter non plus que, sur des trajets de moins de trois heures, sur des liaisons comme Amsterdam ou Londres, – ne parlons même pas de Bruxelles au départ de Paris la supériorité du rail ne fait guère de doute. Ce nouvel opérateur du train à grande vitesse en Europe se propose de concurrencer Eurostar et Thalys. Le groupe est d'ores et déjà entré en discussions avec Alstom pour acquérir l'Automotrice à grande vitesse, capable de rouler à 350 km/h.
Le vieux monopole historique de la SNCF avait été étatisé déplorablement en 1937 sous des prétextes politiques. Il s'agissait de donner une nouvelle revanche aux grévistes de 1920, cette année mythique du congrès de Tours où une partie des socialistes français votèrent leur transformation en parti communiste. La nationalisation se proposait de complaire à la rhétorique unitaire du Front populaire. Elle répondait même au fameux refrain dit "anti-Rothschild" de "l'Internationale : "Hideux dans leur apothéose les rois de la mine et du rail", etc. — La prochaine fois je vous le chanterai. Le vieux dinosaure bureaucratique va enfin se trouver confronter à des confrères français. Veolia, l'associé d'Air France compte d'ailleurs parmi les plus grands transporteurs ferroviaires privés du monde.
Or, si même la compagnie britannique Virgin, qui exploite depuis mars 2008 un train pendulaire sur la ligne Londres-Birmingham, s'intéresse à de tels projets sur des parcours français, on peut en déduire leur éventuelle rentabilité.
Avec la Deutsche Bahn allemande en voie de privatisation on dispose de la certitude expérimentale que cette profitabilité du chemin de fer peut se réaliser pour l'ensemble des métiers du transport ferroviaire.
Voté par le Bundestag en mai, le processus portera partiellement d'abord sur 24,9 % du capital de l'entreprise. Le gouvernement allemand en attend une valeur de 8 milliards d'euros, en dépit du climat boursier morose.
On doit observer dans cette affaire un changement considérable de culture économique de nos cousins germains. On la doit en grande partie au dirigeant de cet énorme bastion de l'économie étatique, Hartmut Mehdorn. Ancien directeur de la division aérospatiale de Daimler, il a entrepris depuis près de 10 ans de transformer le vieux mastodonte monopoliste. Devant sa nomination au gouvernement Schröder, en décembre 1999, son étoile avait menacé de pâlir après 2005 et avec la constitution du cabinet bi partisan mené par Angela Merkel. Du fait du "match nul" des élections de 2005, avec 226 députés à la CDU-CSU, 222 au SPD, et 166 aux trois autres partis, il n'existe pas de majorité Outre Rhin. Mais à vrai dire la tendance venait de trop loin pour être renversée par une quelconque conjoncture politique. Dès 1993, à l'époque du chancelier Kohl, une loi avait été votée conférant à Deutsche Bahn un statut de société anonyme appartenant à l'État fédéral. Il aura donc fallu 15 ans pour passer juridiquement à la seconde étape.
Entre-temps Lufthansa, dès les années 1990, mais aussi la poste fédérale (Deutsche Post) et les télécommunications (Deutsche Telekom) sous des formes différentes et avec des réussites inégales avaient connu des évolutions du même ordre, avec plusieurs années d'avance sur la France.
Parallèlement, les gains de productivité et de profitabilité de l'entreprise sous la gestion de Hartmut Mehdorn méritent salués : grâce à eux le processus de privatisation peut se concrétiser.
Certes au début des années 1990, DB comptait un effectif de 335 000 salariés et ce chiffre a été ramené à 241 000 sans crise majeure. Et très certainement le statut adopté il y a de cela 15 ans, mettant la gestion du chemin de fer à l'abri d'un contrôle politique direct, impliquant la charge émotionnelle que l'on connaît en France a permis cet assainissement sans diminution du service réellement offert au public.
En 2008 le chiffre d'affaires prévisionnel de Deutsche Bahn devrait dépasser 30 milliards d'euros : 16,2 milliards pour le premier semestre, en hausse de 6,8 % par rapport à l'année précédente. Or, pour la même période le résultat se solde par un bénéfice de 1,9 milliard.
De quoi faire rêver notre malheureuse SNCF qui dépend de nombreuses pompes à subventions et qui, selon le dernier rapport de la cour des Comptes, ne parvient même pas à couvrir véritablement les frais réels d'entretien de ses voies, supportés par RFF propriétaire juridique des infrastructures.
Le chemin de fer peut redevenir rentable en France, à condition de s'inspirer de la réussite allemande, et de changer de paradigme quant à nos prétendus services publics à la française.
Cette évolution me paraît indispensable, surtout si l'on souhaite, et on ne peut que le désirer, voir se développer l'offre de transports en commun.
JG Malliarakis
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Bonjour à vous et à tous..... je ne manquerai pas de rappeler que le ferroutage est une très bonne voie pour le rail français, avec les implications que l'on subodore, à savoir le moins de camions sur les routes, le moins de pollutions diverses, de nuisances, et le plus de voies rentabilisées. A dépenser trop l'argent public, notre sncf donne raison aux adeptes du "Sans Nous C'est Foutu"...
Rédigé par : minvielle | mardi 09 sep 2008 à 22:12
L'intérêt du projet n'a pas échappé au sous-ministre Bussereau qui annonce déjà la création d'une "autorité de régulation", assortie probablement d'une taxe kilométrique pour le "préjudice moral" de Sud-Rail et de la CGT.
En France, tout succès économique doit être puni !
Rédigé par : Catoneo | mercredi 10 sep 2008 à 10:38
imaginons un instant que la France ait opté pour l'aérotrain en lieu et place du TGV... nous serions les rois du pétrole sur la planète.... Malheureusement, la SNCF ne supporte pas d'autres projets que les siens....
Rédigé par : delcourt Didier | lundi 15 sep 2008 à 18:11