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Il ne se passe pas de semaine depuis 15 mois, sans que n'apparaisse une certaine contradiction du gouvernement actuel. Elle tient son importance de ce que le pouvoir exprime, simultanément, sa volonté de maintenir le cap des réformes et son désir politique de développer l'ouverture à gauche.
Sans se vouloir exilé sur Sirius, notre point de vue consiste ici à n'appartenir à aucune coterie. On voudrait pouvoir viser à une certaine hauteur, et se situer au-delà d'inutiles polémiques partisanes. Envisagés de la sorte, les concepts de droite et de gauche ne sauraient plus correspondre qu'à des références historiques. Autant de courants, classés sous Louis-Philippe ou Napoléon III, parti de l'ordre ou parti du mouvement, autant de prises de positions plus ou moins périmées, autant de définitions essentiellement jetables, en notre XXIe siècle. Difficile par exemple de présenter aujourd'hui le parti socialiste, auquel n'adhère pratiquement aucun ouvrier, comme une force prolétarienne. Symétriquement, jusqu'à l'ascension de l'actuel président aucun homme politique ne se réclamait de la "droite".
En revanche 40 à 45�% de l'électorat votait pour elle quasi constamment depuis près de 50 ans. Depuis les présidentielles de 1965, la bipolarisation donne à cette fraction du peuple l'illusion qu'elle accorde ses voix à de véritables adversaires de la "gauche".
Notons aussi que le positionnement au "centre", qu'on pourrait imaginer attractif, voire habile, s'est toujours révélé perpétuellement décevant. Les politologues conformistes et les commentateurs agréés voudraient nous faire croire que les élections se gagnent grâce à lui, comme au jeu d'échecs. Mais les partis se situant eux-mêmes en ce lieu improbable perdent toujours.
Depuis une dizaine d'années, notamment depuis la campagne de 1995, une autre pesanteur s'est développée en France�: les candidats du camp réputé autrefois conservateur se réclament désormais des "réformes".
Pratiquement, cependant, ils n'ont, jusqu'à une date récente, investi que très peu d'énergie à les réaliser. La déception qui en a résulté a largement contribué à l'éviction politique, après 30 ans de nuisance de leur maître, des diadoques de Chirac, Villepin et Juppé principalement.
Ceci aura constitué le tournant majeur de l'année 2007.
La nouvelle tendance juste avant l'élection présidentielle était allée jusqu'à se réclamer de la "rupture".
Or, comme dit le proverbe, "au pied du mur on voit le maçon". Et, tout en gommant partiellement ladite référence légèrement provocatrice, les nouveaux dirigeants parisiens ont parfaitement perçu le besoin de donner corps à leurs promesses.
De plus, une majorité composite est sortie des deux scrutins. Car ceux-ci n'ont pu se révéler victorieux que par le ralliement de 80% de l'électorat dit "populiste". Ce détail, lui aussi, eût appelé une forme d'élargissement.
Une telle situation s'est traduite, dès le mois de mai 2007 – par une démarche politique d'ouverture à gauche. Et actuellement, le gouvernement Fillon comporte 6 ministres et secrétaires d'État issus des rangs socialistes et radicaux.
Rappelons les noms et les fonctions de ces six personnalités venues de la gauche:
Bernard Kouchner: ministre des Affaires étrangères.
Jean-Pierre Jouyet: secrétaire d'État chargé des Affaires européennes.
Éric Besson: secrétaire d'État chargé de la Prospective, de l'Évaluation des politiques publiques et du Développement de l'économie numérique.
Jean-Marie Bockel: secrétaire d'État chargé de la Défense.
Fadela Amara: secrétaire d'État chargée de la Politique de la ville.
Martin Hirsch: haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté.
Toute cette distribution des maroquins ne relèverait cependant que de l'anecdote, de la chronique de l'assiette au beurre et du retournement des vestes, si, parallèlement, on n'avait confié à divers personnages étiquetés à gauche des missions d'études capitales. Et ceci donne parfois le sentiment que les réformes relèvent vraiment plus de la "sociale démocratie", ou de ce que nous nommerions volontiers du "socialisme intelligent" plutôt que de la libre entreprise.
Les 300 propositions de la commission Attali ont, pour certaines d'entre elles, défrayé la chronique. On a beaucoup entendu de crispations autour de la corporation du taxi. Idem pour les "réformes" de l'université. Présentées comme "ultra-libérales" ces dispositions eussent parfaitement convenu à la gauche. Si cette dernière avait occupé les allées du pouvoir, les seules protestations systématiques fussent alors certainement venues des rangs de la droite.
La réforme constitutionnelle proposée par la commission Balladur n'a pas manqué non plus de déchaîner des passions. Elle incluait en réalité tout ce que la gauche socialiste avait réclamé tout au long des années 1960 et 1970, à l'époque de la FGDS, avant le congrès d'Epinay. Il s'agissait de renforcer du rôle du parlement. Les vieux gaullistes renâclaient. Il fallait pour aboutir, rallier de gens comme Jack Lang et comme les radicaux de gauche.
Prenons un autre exemple, crucial�: la défense nationale. On se proposait de rompre avec de très veilles chimères. L'idée d'une défense soi-disant "tous azimuts", basée sur la détention de l'arme nucléaire remonte ainsi à plus de 40 ans. Elle date de l'époque du retrait de l'OTAN. L'archi gaulliste général Ailleret l'avait formulée dans un article de la "Revue de Défense nationale" de décembre 1967. Continuée par de petits épigones technocratiques, alimentée auprès de l'opinion grâce aux subsides de quelques corrupteurs cette rengaine contre-productive paraît aujourd'hui dépourvue de sens et elle met la France en danger.
Il fallait donc, de toute urgence, associer à sa liquidation un véritable consensus bi partisan.
On a donc confié la rédaction du Livre blanc sur la défense à un homme de gauche. Le tollé orchestré là-contre par les vieux rogatons du souverainisme fait plaisir à voir. Mais il montre bien la nécessité de les contourner, sachant que les périls liés à l'islamo-terrorisme qui menacent la France et l'Europe n'attendront pas que nos chers passéistes adhèrent à la modernité.
Faisant fi de leurs récriminations contre le Livre blanc, le président de la République est allé encore plus loin dans le soutien à son rédacteur. Dans une lettre du 28 juillet, il écrivait à celui-ci, M. Jean-Claude Mallet�:
"Je souhaite que vous prolongiez, auprès de moi, la mission que je vous ai assignée (...) J'en attends que vous veilliez à la cohérence entre les projets de loi ou de textes réglementaires et le Livre blanc. Je vous demande de prêter votre concours à l'ensemble de ces travaux - qui relèvent de la responsabilité des ministres concernés jusqu'à ce que les projets concernant la programmation aient été finalisés par le gouvernement".
On comprend donc que ce normalien classé "à gauche", supervisera encore quelque temps l'action de deux ministères, celui de la Défense mais aussi celui de l’Intérieur. Les relations du ministre de la Défense Hervé Morin avec Jean-Claude Mallet demeurent d'ailleurs notoirement exécrables et cela pose quand même problème.
Dès le départ, la stratégie d'ouverture prônée par le vainqueur de l'élection présidentielle avait fait grincer des dents à certains membres de l'UMP. Ainsi, Jean-Pierre Raffarin exprimait-il, lors des journées parlementaires de Strasbourg en septembre 2007 son souhait de la voir "maîtrisée", expression qui fait sourire quand on se souvient de la maîtrise de l'ancien Premier ministre et fondateur de l'UMP.
Or tout cela soulève la question de cette tactique politique au service d'une volonté et d'un besoin historique de réformes. Trancher ce nœud gordien constituera la tâche majeure de l'année 2009.
Elle ne pourrait guère intervenir avant la fin des 6 mois de la présidence tournante de l'Union européenne.
Mais après cette éprouvante période, les dirigeants parisiens devront, quoiqu'il arrive, continuer de réformer le pays, peut-être encore à marche forcée.
Après tout, les choses attendent depuis 1871, année où Renan publiait sa fameuse "Réforme intellectuelle et morale de la France". Ce beau, cet excellent programme n'avait jusqu'ici guère connu sa réalisation.
Qu'au moins on en profite aujourd'hui pour ne pas se tromper de dispositions et pour promouvoir la liberté et la responsabilité des Français.
JG Malliarakis
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Il est bien connu que la droite française n'a jamais été vraiment à droite ni... adroite !
Rédigé par : CC RIDER | jeudi 07 août 2008 à 22:01