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Au moment où ces lignes sont écrites, un congrès réformateur de
la constitution se réunit une fois encore à Versailles. 906 députés et
sénateurs doivent s'y prononcer sur une orientation dont personne, ou presque,
n'ose dire le nom. Car il s'agit essentiellement de renforcer le
parlement ; mais comme le chef de l'État y a mis son poids personnel, il
rencontre une double opposition. À celle des parlementaires socialistes, s'est
jointe celle du dernier carré des inconditionnels de la Ve
république. On notera par exemple que M. Bernard Debré, député du 16e
arrondissement, renâcle à cette 24e dénaturation de l'œuvre
d'art paternelle dont il se veut le dépositaire.
Mon propos ne vise ni à tenir cette péripétie comme décisive ni à en détailler trop précisément l'énumération gourmande. On se trouve en présence d'un fouillis, plus ou moins voulu, de dispositions proposées en vrac et en bloc.
Irrésistiblement d'ailleurs cet ensemble nous ramène à un autre jus d'énarque produit par la mission Giscard et destiné naguère à donner une constitution écrite et explicite à l'Union européenne. Ici le brillant Balladur, assisté de l'étincelant Jack Lang, s'est proposé de corriger les rouages défectueux de nos institutions. Certes, ces coprinces ont tous reçu, à l'ombre des lambris officiels, leur part de bénéfices. Mais on leur a demandé de satisfaire à un exercice de critique des pratiques du système, dans le confort des palais nationaux.
Comment leur force de conviction ne souffrirait-elle pas d'une telle contradiction confinant à l'imposture ?
Les Français, en 2005, ont voté majoritairement contre Chirac, et non contre l'Europe. On retrouve d'ailleurs cette dimension dans le référendum irlandais. S'y sont engouffrés tous les mécontentements intérieurs, démontrant l'absurdité de cette procédure dans les relations internationales. Mais indiscutablement aussi la manière cauteleuse dont on prétend unir les nations du continent, en faisant mine de ne pas le désirer, obère un projet pourtant visible et légitime, depuis 1951. Lancé par Churchill dès 1946 il tenait alors au danger soviétique. Aujourd'hui nous nous trouvons tous confrontés à d'autres périls, non moins urgents. Ainsi, face à la guerre que nous a déclarée la version terroriste de l'islamisme la gestation d'une union de l'Europe occidentale, capable d'y répondre aux côtés des Américains et des Russes, s'impose. Et cette évidence ne saurait se voir opposer le faux discours de la classe politique et les demi-mesures technocratiques adoptées par tel ou tel réseau de pouvoir.
Il en va de même de l'évolution institutionnelle.
Ainsi, la nécessité de renforcer le rôle du parlement n'appartient ni au président de la république, dont l'intervention peut paraître plus que paradoxale, ni à M. Balladur ni à M. Lang. Cette orientation devrait même convenir à l'opposition socialiste si celle-ci savait surmonter ses propres divisions et son absence de programme autrement qu'en disant non à tout ce qui vient du pouvoir.
Entrant un peu dans le détail, on sourira par exemple à l'idée qu'à la chambre d'enregistrement soit octroyée désormais la maîtrise de la moitié de son ordre du jour : qu'est-ce à dire ? À elle seule cette proposition reflète la commodité de la situation pour ces équipes gouvernementales habituées à ne tenir aucun compte de la représentation nationale. Comme la plupart des privilégiés confrontés à l'obsolescence de leurs rentes de situation ils n'acceptent de les liquider que de manière cosmétique.
Non sans raison, Jack Lang fait remarquer que sa position ne
constitue en aucun cas une rupture avec le parti socialiste. "Par leur
nature certains textes, notamment les textes constitutionnels, peuvent
justifier un vote concordant de l'ensemble des formations politiques",
précisant que "cette conception est celle de nos amis des autres
démocraties européennes".
"Le projet soumis au Congrès de Versailles, dit-il,
comprend 50 propositions qui, toutes, marquent une avancée positive et parfois
plus audacieuse que ne l'était le projet socialiste de juin 2006". Or le
citoyen Lang rappelle que "beaucoup de nouveautés viennent de la gauche
elle-même" et il admet que le texte "comporte des lacunes auxquelles,
en 15 ans de pouvoir, nous n'avons jamais su porter remède".
50 années après le demi-coup d'État joué au bonneteau et
accompli en mai-juin 1958, 50 mesures réformant cette république autoritaire
cela peut sembler un étrange catalogue. On remarque, à l'instar des
dispositions eurocratiques, qu'on voudrait toujours tout prévoir. Et on en
arrive à insérer en des textes à prétention définitive certaines velléités de
nature essentiellement transitoire. Mais après un demi-siècle, d'usages
inacceptables, de fonctionnement bancal et de règne arbitraire, cela ne saurait
être considéré comme trop tôt.
Tous nos glorieux auront donc joué dans cette affaire, comme dans celle des 300 propositions de la commission Attali, à front renversé. La droite au pouvoir opère des réformes dont une gauche intelligente aurait volontiers rêvé, à condition de désirer sinon le libéralisme économique, du moins la circulation des élites.
Certes la logique des dinosaures et des politiciens s'y oppose. On ne s'étonnera pas d'entendre le fringant Dupont-Aignan, jamais décevant, regroupant son élégante rouspétance naturelle avec celle du Modem. Notre coupable accoutumance nous prépare naturellement à de telles confluences d'un jour.
"Il est, disait Péguy, quelque chose de pire que d'avoir une âme perverse c'est d'avoir une âme habituée."
JG Malliarakis
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(je cite) "Les Français, en 2005, ont voté majoritairement contre Chirac, et non contre l'Europe. On retrouve d'ailleurs cette dimension dans le référendum irlandais. S'y sont engouffrés tous les mécontentements intérieurs, démontrant l'absurdité de cette procédure dans les relations internationales."
L'électeur a souvent ses raisons, petites ou grandes, que la raison ignore. C'est vrai quel que soit le bulletin choisi, en l'occurence "oui" ou "non". Je dois dire que je trouve pénible que, presque toujours, seules les raisons négatives du vote "non" sont discutées. Est-ce la faute de l'électeur lorsqu'un référendum se veut plébiscite ? Soi disant "pour l'Europe". En fait pour une étape de plus dans la construction du Machin U.E. ...
Pour en revenir à la réforme constitutionnelle, nous serions curieux d'avoir des commentaires sur le moment où elle intervient, qui ne semble qu'ajouter au désordre. Quant à son contenu, ce qui est important au yeux de l'oligarchie n'est peut-être pas ce qui est mis le plus en avant.
Sans être particulièrement démocrate, je considère qu'une constitution digne de ce nom doit être assez facilement lisible, éviter les longueurs, et choisie par le peuple, car c'est un acte fondateur.
Les modifications successives de la constitution française ne sont pas bon signe. Elles sont entre autre le signe d'un texte trop fait sur mesure pour le Général. On notera aussi que l'élection du Président de la République au suffrage universel, donc d'un homme médiatique plus que d'un homme d'Etat -- qui tourne à la Star'Ac. -- subsiste.
Rédigé par : gros chat | mercredi 23 juil 2008 à 02:01