Vous pouvez entendre le premier enregistrement de cette chronique : installé en date du 25 février sur le site de Lumière 101
L'IFOP évalue désormais à dix-neuf points l'écart sans précédent de popularité séparant le p. de la r. du Premier ministre ce dernier bénéficiant d'une cote étonnamment positive.
Dans la dernière livraison du baromètre IFOP, publiée par le Journal du Dimanche du 24 février, le chef de l'État enregistre en février par rapport à janvier une baisse de 9 points de ce qu'on appelle les bonnes opinions, à 38 %. Cette mesure du recul a été confirmée depuis une semaine par les études d'autres instituts de sondage. Ainsi selon Le Figaro Magazine du 1er mars, 37% des Français feraient "confiance au chef de l'Etat pour résoudre les problèmes de la France", et 61% ne lui font pas confiance.
Pour l'IFOP, le taux des insatisfaits bondit à 62 %. Ce pourcentage très voisins du précédent cité s'est augmenté de 10 points en un mois. Il a doublé par rapport à mai 2007 au moment du scrutin présidentiel.
On doit observer, et ce point me paraît capital, que le chef du gouvernement n'est aucunement tiré vers le bas par cette baisse du niveau des opinions favorables au pouvoir. Il gagne même 7 points par rapport au mois précédent. Cette nouvelle hausse lui permet de retrouver, à 57 %, une popularité guère éloignée des 62 % de l'époque de sa nomination.
Cette configuration, quoique rare, ne saurait être présentée pour totalement inédite en elle-même.
En 1993, venant après la déroute historique de la gauche aux élections législatives, un Mitterrand président en déconfiture voyait son premier ministre Balladur le devancer de 22 points.
On doit la réalisation de tels sondages aux services de M. Dabi directeur du département Opinion publique de l'IFOP. Celui-ci rappelait à l'Agence France Presse (1) qu'il s'agit ici de la première fois qu'un tel écart d'une telle importance est enregistré en faveur du chef d'un gouvernement de même tendance politique que le chef de l'État.
L'IFOP, créé en 1938 au moment des accords de Munich [si bien accueillis par l'opinion], bénéficie après 70 ans d'existence d'une indiscutable expertise et son baromètre mensuel de popularité remonte exactement à un demi-siècle.
Depuis la naissance de la Cinquième république en 1958, des écarts significatifs un président et son Premier ministre ont été enregistrés mais presque toujours en faveur du chef de l'État.
Fondateur du système, le général De Gaulle n'a jamais été devancé par un de ses chefs de gouvernement successifs (Debré, Pompidou ou Couve de Murville). Giscard d'Estaing qui n'eut pour Premier ministre que Chirac puis Barre n'a pas non plus connu cette désagréable situation. Pompidou n'a guère été confronté quelque temps qu'à Chaban-Delmas et à sa "nouvelle société" ce qui lui valut d'être prié de déguerpir.
Les désastreux Mitterrand puis Chirac se sont trouvés plusieurs fois l'un comme l'autre dans cette situation inconfortable. En 1985 Laurent Fabius ou en 2002-2003, Jean-Pierre Raffarin l'emportaient sur leur président. À noter que l'image de ce pauvre M. Raffarin pâtit cruellement de la canicule de 2003 dont on ne le tint injustement pour responsable. De son côté le ridicule Villepin fit illusion auprès de bien des braves gens jusqu'à sa déroute peu glorieuse du Contrat première embauche.
Mais les écarts alors observés, rappelle l'IFOP, ne dépassaient guère jamais les 5 ou 10 points.
La situation actuelle peut donc être dite nouvelle car même auprès des sympathisants et électeurs de l'UMP, la popularité de François Fillon dépasse actuellement celle de son patron nominal.
En réalité le président actuel a écarté une vieille et prudente règle posée par le fondateur du système. Selon De Gaulle, dans les institutions créées par lui, le Premier ministre devait "durer et endurer".
L'actuelle inversion du mode de gouvernance me paraît, au fond, plutôt bénéfique. La grande tare de nos institutions les fait trop reposer sur un seul personnage d'essence bonapartiste, omniprésent et plébiscitaire. Elle réside dans l'abaissement systématique du Parlement et plus généralement des corps intermédiaires. À l’époque de Machiavel le secrétaire florentin tenait ce trait pour caractéristique de l'empire ottoman. Et le père de la science politique y voyait la grande faiblesse des Turcs.
Je me dois donc d'exprimer ici une certaine reconnaissance au président actuel d'abaisser sa fonction comme il le fait, spontanément. Venant même après Chirac on peut tenir ce résultat pour une manière d'exploit.
JG Malliarakis
Notes
- AFP du 23 février, dépêche reprise par d'innombrables médias.
Et pourquoi pas une petite ligne de publicité de bon goût…… pour les Éditions du Trident.
M.Fillon n'est pas le "chef du gouvernement", ce terme n'existant pas dans la constitution, il n'est que le premier des ministres.
Si on veut parler de "chef du gouvernement" dans la configuration actuelle, ça ne peut être que Sarkozy lui-même, n'êtes-vous pas d'accord?...
Rédigé par : V.Astanoff | lundi 03 mar 2008 à 12:28