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Voilà au moins une information dont on ne me disputera pas la qualité puisqu'il s'agit d'un commentaire… Ah, il vient de M. Christian Estrosi récemment élu maire de Nice. J'entends d'ici les remarques sur l'homme, sur son parcours, sur la ville ou sur son climat. Je le redis si nécessaire : je me sens capable de l'écrire moi-même ces objections, d'une plume automatique. Mais je me moque des concerts de petites casseroles que l'on agite dès qu'un homme politique commet une déclaration n'allant pas dans le sens voulu des catalogues du prêt à penser.
Mon sujet n'a rien à voir avec le personnage dont je tire simplement les déclarations à l'Express (1) publié aujourd'hui. Je me préoccupe d'un contexte tout à fait exceptionnel depuis 1873. Exactement, depuis ce que Beau de Loménie (2) appelait la Restauration manquée, pour la première fois, la France dispose d'un parti de droite unique, l'UMP. On pouvait ironiser à bon compte en 2002. Je n'ai pas manqué d'exprimer alors mes doutes lorsque M. Juppé, flanqué de M. Raffarin et de M. Douste-Blazy, assemblait péniblement en mettant beaucoup d'avoine dans les divers petits râteliers les partisans de la majorité présidentielle d'alors.
Aujourd'hui je constate que ce parti a transformé la signification de son propre sigle, et que ses trois fondateurs demeurent en réserve, s'enfonçant plus ou moins momentanément dans les profondeurs d'un salutaire oubli, – envisageant certainement, du moins pour deux d'entre eux, de repartir quand l'occasion s'en présentera.
Ne nous leurrons pas non plus sur le fait que cet assemblage se présente de manière informe, et qu'il nous paraît affaibli par les municipales et les cantonales des 9 et 16 mars. Certes le conseil général de Corrèze et la ville de Tulle sont entre les mains du premier secrétaire du parti socialiste. Mais toutes les victoires locales de la gauche l'ont hérissée de rivalités féodales éclatantes. La droite elle, même repliée, même affaiblie, même potentiellement divisée à nouveau demain, dispose pour quelque temps d'une situation stratégique totalement inédite. Je sais bien que quelques scuds et trolls viendront m'agonir, m'accuser de ralliement dès lors que j'invite mes lecteurs à y réfléchir. Cette tâche dépasse en général l'horizon des imprécateurs. Je me contente ici de poser des questions. À chacun d'y répondre.
Simplement, je constate en effet que pour tirer parti de sa situation paradoxalement profitable, la droite devra ou devrait surmonter d'autres handicaps.
Et le témoignage de M. Christian Estrosi nous le confirme. Ses considérations méritent d'autant plus d'être prises au sérieux qu'il vient de préférer sa mairie de Nice à un portefeuille ministériel (3).
Voici donc ses déclarations
À la question : "Dans quel état jugez-vous l’UMP dix mois après la victoire de Nicolas Sarkozy et au lendemain de municipales perdues ?"
Le maire de Nice répond : "L’UMP a besoin de retrouver l’espace de liberté et de confrontation d’idées qu’avait su lui donner Nicolas Sarkozy avant son élection. "
Et il ajoute : "Nous avons perdu la dimension du débat permanent : nous ne faisons plus bouger aucune ligne, nous ne portons plus aucun message, nous n’apportons plus aucune proposition concrète."
À la question : "D’où vient le dysfonctionnement ? Faut-il garder une direction bicéphale ?" M. Estrosi dit regretter l'époque où l'on jouait, d'après lui, "la bonne partition", où "le violoncelliste n’était pas en désaccord avec le pianiste. Aujourd’hui, cet orchestre a disparu, car il n’y a plus de chef d’orchestre ! La direction bicéphale apporte une bonne réponse, car l’autorité morale reste celle du président de la République. Le problème, c’est qu’elle n’a pas trouvé la voix de la complémentarité. Notre mouvement ne tient plus le rythme. Son âme et son esprit sont dénaturés."
À la question enfin : "Quelle part de responsabilité attribuez-vous au secrétaire général ?" M. Estrosi répond qu'il a "commis beaucoup de maladresses, il n’a pas su créer de synergies entre les différents acteurs de notre mouvement." Se posant évidemment lui-même comme l'un des "garants d’un retour aux fondamentaux" et citant "l’ouverture, la réforme, le mouvement permanent", il affirme qu'il y a "urgence - si nous ne retrouvons pas ces fondamentaux, nous irons à l’échec à chacune des prochaines échéances électorales".
Ne prenant évidemment aucune part à ces débats quant aux personnes, je crois qu'il faudrait surtout s'intéresser ici à la rénovation des idées et des pratiques politiques dans notre pays.
Je ne sais pas non plus si en parlant de "l’ouverture, la réforme, le mouvement permanent" on s'est vraiment situé sur les terrains d'aucune idée précise. On demeure dans le flou habituel à la tradition bonapartiste.
Je voudrais simplement prendre date et dire qu'une droite rénovée et restauratrice peut l'emporter, et se servir de ses basses eaux de ce printemps, à une condition.
Elle devra, elle devrait, réaffirmer, selon moi que
1. les réformes – les réformes de liberté —
2. et la rupture – la rupture avec le chiraco-socialisme, -
3. et même la rigueur financière - tant de fois présentée comme un épouvantail,
- resteront nécessaires si l'on veut redresser la France.
JG Malliarakis
Notes
- Édition papier du 27 mars. Propos recueillis par Éric Mandonnet et mis en ligne sur le site de L'Express le mardi 25 mars 2008 sous les tires et sous titres : Estrosi: "Il n’y a plus de chef d’orchestre à l'UMP". Le nouveau maire de Nice critique vivement l'évolution de son parti.
- L'historien des Dynasties bourgeoises n'était certes pas un adepte ni de l'union des droites ni du parti unique de droite. Je reconnais toute ma dette à cet esprit non-conformiste, mais je tiens à souligner qu'il écrivait dans des contextes fort différents. Sa dernière grande bataille politique fut de soutenir, avec succès, dans le 7e arrondissement en 1967 Édouard Frédéric-Dupont contre Couve de Murville. De cœur, Beau de Loménie était légitimiste et d'instinct adepte du régime parlementaire.
- Qui n'était pas sans aigres douceurs cf. l'affaire de son déplacement à Washington agitée par le Canard enchaîné en février
Et pourquoi pas une petite ligne de publicité de bon goût…… pour les Éditions du Trident.
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