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On doit toujours se méfier des logiques binaires. Ainsi l'hebdomadaire VSD a-t-il cru bon de publier cette semaine un entretien avec la directrice de cabinet du p-de-la-r Mme Emmanuelle Mignon.
Ce personnage, si l'on en croit Le Monde exerce une sorte d'influence dans notre pays puisqu'elle aurait, au dire du quotidien dans son édition du 20 février, largement contribué, et peut-être même écrit de sa propre main, va savoir, l'intéressant discours historique prononcé par l'héritier légal des rois de France à Saint-Jean-de-Latran.
"Quant à la Scientologie, dit Mme Mignon, je ne les connais pas, mais on peut s'interroger. Ou bien c'est une dangereuse organisation et on l'interdit, ou alors ils ne représentent pas de menace particulière pour l'ordre public et ils ont le droit d'exister en paix".
Pour l'ordre public cette dame a tellement raison que pendant des décennies la doctrine officieuse du Ministère de l'intérieur a consisté à une protection assez systématique des sectes, y compris de la Scientologie, cependant que les autorités judiciaires adoptaient mais de manière alternative une attitude inverse constatant de nombreuses infractions commises systématiquement par des groupes que nous avons pris l'habitude de désigner péjorativement et d'amalgamer en vrac par le mot de "sectes".
Une telle appellation s'étend à la fameuse Scientologie marque commerciale déposée dans les années 1950 par Lafayette Ron Hubbard, et dont la figure de proue actuelle semble l'acteur Tom Cruise auquel je reconnais volontiers une sorte de talent ou d'efficacité, y compris dans la communication et les relations publiques.
Le premier point à retenir dans la déclaration si mignonne de Mme Mignon consiste à dire : je ne les connais pas.
Eh bien Madame si vous ne connaissez pas un phénomène, n'en parlez pas et cela vaudrait mieux pour vous et pour celui qui vous emploie, pour lequel 53 % des Français ont voté. De cette large victoire de mai 2007, suivie de sa confirmation parlementaire de juin, on doit certainement se féliciter tous les matins. Car sans cela nous n'aurions pas seulement Delanoé comme maire à Paris mais également Ségolène Royal à l'Élysée avec ou sans son compagnon du moment qu'elle n'épouserait pas. Imaginez le scandale. Et je n'ose imaginer qui siégerait à la place actuellement occupée par François Fillon.
Le deuxième point erroné de Mme Mignon, je le répète tient au sophisme "ou bien ou bien".
Assorti du sujet impersonnel "on", — si en vogue actuellement : "on" va faire ceci "on" est en train de faire cela, — il nous rapproche dangereusement d'une logique totalitaire insidieuse, comme si la société tout entière s'occupait en ce moment de rénover le métro parisien puisque des affiches nous le disent, et tant d'autres exemples.
Cela devient terrible dès lors qu'une personne exerçant l'influence attribuée à Mme Mignon se permet de dire "on" interdit.
Or il existe malgré tout au moins au plan formel un État de droit c'est-à-dire une société précisément découpée en libres individus et en autorités distinctes théoriquement responsables.
Je sais bien que les Renseignements généraux fonctionnent de manière anonyme et que leurs rapports sont appelés des "blancs" précisément parce qu'ils ne comportent ni en-tête ni signature. Fourmillant d'erreurs souvent ridicules, et j'ai pu le mesurer en ce qui me concerne sans disposer du moindre recours, ils permettent de diffamer tranquillement tel ou tel. Parallèlement, autre exemple d'irresponsabilité, les magistrats syndiqués ne relèvent pratiquement d'aucune autorité de contrôle démocratique contrairement à la déclaration des Droits de l'Homme de 1789 affirmant en son article 15 que "la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration."
À l'époque ceci visait essentiellement, quoique subrepticement, le roi. Je pense aussi que les parlements et cours souveraines de l'Ancien régime tombaient sous le coup de ce principe nouveau.
Mais aujourd'hui qui peut demander des comptes aux juges au nom de la société puisque le garde des sceaux lui-même, je devrais dire en ce moment "elle-même", ne dispose pas vraiment des moyens de faire valoir la politique judiciaire du gouvernement approuvée par la majorité de l'opinion et du parlement.
En cela le tort de Mme Mignon consiste à parler de "on", de dire "on" les interdit ou "on" les laisse tranquilles.
L'idée sous-jacente à cette version new-look du laïcisme à la française part d'une nouvelle interprétation de la déclaration de 1789 "article 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi."
Ceci permet de laisser imprimer par Le Monde du 20 février, le jeu des guillemets ne permettant pas de savoir si ce fait matériel supposé ressortit du jugement de Mme Mignon ou d'une affirmation du rédacteur que l'article que "la Scientologie est considérée comme une secte dans les rapports parlementaires français, mais bénéficie du statut de religion dans d'autres pays comme les Etats-Unis."
Ce dernier argument n'a précisément aucun sens dans le contexte constitutionnel américain puisque le premier amendement de la constitution des Etats-Unis ratifié le 15 décembre 1791 dispose :
"Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu'a le peuple de s'assembler paisiblement et d'adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre."
Ceci veut expressément dire qu'aucun statut des religions n'existe dans la libre et chrétienne Amérique, de fondation protestante, et que la seule disposition particulière aux phénomènes religieux y est d'ordre fiscal puisque les corporations se disant religieuses sont exemptées de l'impôt sur les sociétés. Il semble bien que c'est cela qui a incité la scientologie fondée en 1951 en tant que "Science de la survie" à commencer à s'instituer, localement à Los Angeles en 1954, en tant que soi-disant église, alors que les écrits de son fondateur ne font référence à aucune sorte de divinité.
Au milieu des années 1990 le fisc américain qui n'était pas dupe a institué un compromis administratif expérimental avec cette corporation. En France on l'a surtout poursuivi pour exercice illégal de la médecine. À tout prendre elle fonctionne comme une sorte de psychanalyse organisée, avec cette légère différence que les supposés psys de l'organisation enregistrent et fichent méthodiquement tout ce que déclare le patient.
Voila ce que Mme Mignon devrait comprendre avant de porter des jugements péremptoires et binaires sur un phénomène aussi grave mais également aussi ambigu que les sectes à propos duquel j'ai en son temps dénoncé pour ma part les grosses ficelles du xième rapport pondu en 1995.
Je ne fais donc aucun procès d'intention à Mme Mignon. Je crains simplement que par une réaction de rejet elle entraîne dans sa chute le principe essentiel de liberté religieuse qui s'énonce si simplement dans les deux premiers artciles définissant les bases de la loi 1905.
"Article 1er La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
Article 2 La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte."
De ces principes les gouvernements radicaux-socialistes ont détourné le sens dès le départ.
On gagnerait au contraire à y revenir dans leur clarté.
Et rien n'interdit parallèlement, ou plus exactement tout commande, de réfléchir et d'agir face aux délits organisés, l'association de malfaiteurs appartenant d'ores et déjà à notre Code pénal. Les lois existent : le premier devoir des gouvernants comme celui des magistrats, consisterait particulièrement dans ce domaine, à les appliquer.
JG Malliarakis
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