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Au moment où le président colombien Uribe s'apprête à rencontrer les dirigeants français, je me fais un devoir et un plaisir de lire et de reproduire cette lettre qu'Eduardo Mackenzie (1) vient d'envoyer au journal Le Monde :
Dans un long commentaire publié le 15 janvier 2008, Nicolas Joxe affirme bien connaître « la situation colombienne ». Soit. Si tel est le cas, il ne respecte pas les faits. En se servant des supputations farfelues, sorties d’obscures officines de persuasion idéologique, il nous sert la sempiternelle légende d’un président méchant et d’une guérilla, les Farc, dont les « dérives criminelles » ne dateraient, selon lui, que de 1980 !
La violence aveugle et ciblée des Farc dans les années 1950, 60 et 70 contre les paysans, les industriels, les militaires, les religieux, les ouvriers, les étudiants et les intellectuels, ne serait donc que des actes légitimes et justifiés car destinés à construire le socialisme ? Joxe trouve que la « dérive criminelle » des Farc réside uniquement dans le fait de s’être embarqué dans le trafic de drogues. Voici l’étonnante « vérité » de Nicolas Joxe sur les Farc !
Il n’est pas le premier à essayer de donner un certificat de bonne conduite aux Farc. Certains sociologues parisiens qu’il connaît fort bien légitimaient eux aussi l’action des Farc. En 1998, ils prêchaient (je les ai interviewés), que les Farc étaient juste « une guérilla d’autodéfense » qui prétendait « réformer le régime agraire » et qui « n’avait pas l’ambition de s’emparer de toute la Colombie ». Les faits montrent que cette approche était inepte.
Nicolas Joxe écrit que l’Etat colombien a « déchaîné la violence existant dans le pays ». Faux. Il ignore probablement que ce sont les bandes armées organisées par le Parti communiste colombien, avec des instructeurs venus de Moscou, qui ont relancé la lutte armée offensive fin 1957, après que les accords signés par les deux grands partis colombiens avaient ramené la paix, retirant à la violence politique toute raison d’être. Dès lors, le terrorisme en Colombie sera une activité arbitraire et guidée depuis l’extérieur. Il sera le fait des bandes marxistes. Et seulement d’elles. Omettre, gommer, ce fait, pourtant capital, a été le pivot de la propagande des Farc. Avec cette opération de manipulation de l’histoire, les Farc ont toujours essayé de justifier leurs bombes, leurs massacres, leurs trafics et leurs enlèvements en tous genres.
Insulter le chef d’Etat d’un pays démocratique est facile, et lâche. On ne court aucun risque. Sauf le ridicule. Nicolas Joxe calomnie le président Uribe et son père, assassiné par les Farc, en répétant le mensonge des tueurs : qu’il était « lié aux parrains de la drogue du cartel de Medellin ». Joxe parle de « certains parrains ». Lesquels ? Il n’en sait rien car le fait est bidon. Ces immondices furent lancées contre le candidat Alvaro Uribe en 2002, en même temps que des tueurs tentaient de l’abattre. Les journalistes américains et colombiens les plus tenaces, les plus anti-Uribe, ont enquêté sur Uribe. Et qu’ont-ils trouvé ? Rien. En 2007, l’histoire de l’hélicoptère « de la mafia » a été ressortie par l’ancienne maîtresse de Pablo Escobar, en mal de publicité. Le ministère public colombien a rouvert une enquête, retrouvé la documentation pertinente et a établi que l’affirmation était fausse.
Messieurs anti-Uribe, un peu d’imagination. Vos révélations ne sont que des pétards mouillés.
Uribe « compromis dans l’entreprise criminelle du paramilitarisme » ? Mensonge. Uribe, au contraire, a réussi à démanteler les organisations paramilitaires. Plus de 31 000 paramilitaires et près de 10 000 guérilleros ont été démobilisés par le président Uribe. Ils ont déposé les armes. Les chefs paramilitaires sont en prison. La phase d’instruction du procès de leurs chefs les plus connus a commencé. L’Organisation des États Américains surveille de près ce processus. Une démobilisation d’une telle ampleur n’avait pas connu de précédent en Amérique latine.
Les paramilitaires ont commis des crimes abominables. Mais ils n’ont pas commis plus de crimes de masse que les Farc et que les autres guérillas dites d’extrême gauche. Les paramilitaires ont appris la technique de l’horreur de leurs maîtres, les Farc et l’Eln, qui les ont bel et bien précédés. Le fascisme des paramilitaires est identique au fascisme des Farc. Les Farc ont détruit avec leurs obus 130 petits villages dans la seule année 2001. Les Farc ont tué plus de 50 000 personnes depuis les années 1960. Se fixer sur les paramilitaires pour dédouaner les Farc est-il admissible ?
Il y a, certes, une poignée de députés et de sénateurs colombiens accusés d’avoir eu des liens avec les paramilitaires. Ils ont été arrêtés. Mais les accusations concernaient des faits bien antérieurs à l’arrivée d’Alvaro Uribe au pouvoir. Aucun de ces hommes n’a été encore condamné. Mieux, l’un d’eux a été blanchi par la justice, qui a reconnu avoir été abusée. Pour les autres, des enquêtes sont en cours. Certains de ces politiciens ont été accusés à tort. Alvaro Uribe a-t-il tenté de saboter ces procès ? Jamais. « Tous sont des proches du président Uribe », croit savoir Joxe. Inexact. Ces personnes militaient dans des partis uribistes, la nuance est de taille.
Nicolas Joxe assure que le président Uribe « a tout mis en œuvre pour parvenir à une amnistie générale des paramilitaires ». C’est faux. La justice colombienne a demandé de lourdes peines pour les chefs paramilitaires. Plusieurs d’entre eux seront extradés vers les Etats-Unis si l’on constate qu’ils ont menti pendant la phase d’instruction.
Le texte de Nicolas Joxe tombe au moment où les opinions publiques de Colombie et de France expriment plus fort que jamais leur rejet des Farc. Les atrocités commises sur les otages par les hommes de Manuel Marulanda, ne laissent personne indifférent. Nicolas Joxe préfère, en revanche, nous rassurer en disant que les Farc ne sont pas le « diable ». Quelle étrange analyse.
Eduardo Mackenzie
Notes
- Journaliste et écrivain. Dernier ouvrage paru : Les Farc ou l’échec d’un communisme de combat (Publibook, Paris, 2005).
- Sur l'Amérique latine : Voir également L'Insolent du 24 octobre 2007 : Les communistes assassinent des élus et des candidats en Amérique latine. Assassineront-ils la démocratie ? et le Dossier Amérique latine à visiter sur le site de Lumière 101 Entretien avec M. Philippe Chesnay : Revisiter le régime de Pinochet au Chili 10 décembre 2007 http://lumiere101.com/2007/12/10/revisiter-le-regime-de-pinochet-au-chili/ 18 mai Eduardo Mac Kenzie : l’affaire Betancourt http://lumiere101.com/2007/05/18/eduardo-mac-kenzie-laffaire-betancourt/ Libre entretien de JG Malliarakis du Vendredi 18 mai avec Eduardo Mac Kenzie directeur de Columbian News à propos de l’affaire Betancourt, de la dictature rampante de Chavez au Venezuela, la situation de l’Amérique latine http://lumiere101.com/2007/02/23/pierre-rigoulot-castro-et-le-communisme/ 15 octobre 2007 Les impostures du mythe du “Che” dénoncées par les écrits de Guevara http://lumiere101.com/2007/10/15/les-impostures-du-mythe-du-che-denoncees-par-les-ecrits-de-guevara/
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Chavez a sorti la ficelle énorme de la respectabilité des FARC. On vit dans un monde formidable.
Rédigé par : minvielle | dimanche 27 jan 2008 à 04:01