Vous pouvez écouter l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique : sur le site de LUMIÈRE 101.com
Avez-vous passé de bonnes fêtes de Noël ? J’en forme le vœu rétrospectif. Pour ma part, tout s’est déroulé chaleureusement, et même délicieusement dans un cadre quasi villageois du Perche. La petite église historiquement catholique comme ans presque toutes les campagnes françaises, abrite de nos jours une liturgie quant au déroulement de laquelle j’avoue mon incompétence. Faut-il s’en étonner ou même s’en irriter ? Pour faire bonne mesure, je dois en effet reconnaître que le récital de cantiques - un très beau Minuit chrétien notamment – donné largement en solo par un desservant à la voix de stentor pouvait consoler mes grincheries. Assez pleurniché par conséquent, du moins pour aujourd'hui, sur les effets et les méfaits de la déchristianisation.Dans la seconde partie de la soirée, celle des cadeaux surabondants, je reçus un livre très intéressant que je dévorai dans la nuit : « L’islamisme en face » mis à jour en 2007. L’auteur, François Burgat, directeur de recherches au CNRS, publiant à La Découverte, ne cache pas sa sympathie pour l’objet de ses travaux. Il la revendique même assez hautement et ses arguments, sans me convaincre, ne manquent pas d’intelligence.
Une fois compris, et surmonté, le caractère polémique de ses positions, – favorables à une identité arabe qu’exprimerait l’islamisme, identité dont le ressentiment anti-occidental ne saurait rencontrer que notre propre repentance – on entre quand même dans une masse très riche d’informations, de citations utiles et éclairantes, de références bibliographiques dont chacun pourra éventuellement faire son miel.
On s’accordera d’ailleurs avec M. Burgat au moins sur la remarque suivante (1): "Le non-dit est parfois plus important que l’explicite, l’allusif plus significatif que l’énoncé. Une fois coupé le micro, un aparté sur la coupe du monde football et deux remues sur le comportement de l’arbitre en disent souvent plus long sur la capacité d’un individu à intérioriser les exigences d’une culture pluraliste que le décryptage littéral de ses credos convenus sur la question."
Parfait. Reste cependant un problème : le choc des civilisations n'a pas plus été inventé par le département d'Etat américain que les attaques contre le World Trade center n'ont été manigancées par le Mossad ou la CIA.
Sur le choc des civilisations, on pourra ironiser, tout d’abord, et sans aucun doute, sur certains aspects du livre mythique de Samuel Huntington (2) ayant familiarisé le public avec le concept. M. Burgat le démolit au marteau-pilon. On ne l’a pas attendu pour se demander — sinon sur quelle base arbitraire Huntington trace sur la carte de l’Europe une ligne péremptoire séparant les orthodoxes des occidentaux, — du moins pourquoi il ne suggère aucune sorte de pointillés analogues permettant de distinguer l’Europe catholique du sud et celle protestante du Nord. N'a-t-il jamais entendu parler des événements d'Irlande, ou de la frontière inexplicable entre Flandre et Pays-Bas ? S’agissant de l’Allemagne certains ont pu observer que cette coupure, qui la divise encore largement, correspond au "limes" de l’Empire romain : doit-on tenir pour une broutille cette cicatrice de l’Histoire ?
En revanche, au-delà de cette thèse et de son auteur, en dehors des fameux « néo-cons » de si fâcheuse réputation en France, il existe bel et bien un choc entre civilisés et barbares. Et quoique nous puissions saluer la civilisation des Omeyyades de Damas ou celle, plus récente, des Abbassides de Badgad, détruite au XIIIe siècle par la conquête mongole, il nous semble difficile de dissocier, selon nos critères, la poussée islamo-terroriste de l’idée que nous nous faisons de la barbarie. Et ce n'est certainement pas l'assassinat de quatre touristes français en Mauritanie par des salafistes qui me fera changer d'avis.
D’autre part, si l’on admet les subtiles suggestions de M. Burgat relativement au non-dit, sur quel filtre, sur quels critères objectifs disposerons-nous de la faculté de discerner la réalité, sinon sur une connaissance objective et non mythique du fait islamique.
Je crains fort que tout cela ne nous renvoie à un livre que j'aime. Et qui expose sur l'islam la base de ce qu'un occidental cultivé devrait connaître pour démêler le vrai du faux dans ce qu'on lui ingurgite quotidiennement. Il s'agit de l'ouvrage de Henri Lammens, dont la découverte d’abord, et l’intériorisation ensuite par le travail d’éditeur artisan (3), m’a permis de comprendre – une fois pour toutes je le crains, – que le monde de l’islam et le monde de l’Europe demeureront durablement distincts.
Et le moyen le plus sûr de les amener à l’affrontement serait de faire semblant de les confondre contre toute évidence.
JG Malliarakis
Notes
- page 12
- Le Choc des civilisations ed. française Odile Jacob. Sa thèse a été développée pour la première fois dans Foreign Affairs en 1993.
- La première réédition par mes soins de ce livre date de 1991. L'édition précédente avait été réalisée à Beyrouth en 1943. Ce qui s'est produit depuis lors n'a guère démenti les conclusions de l'auteur.
Et pourquoi pas une petite ligne de publicité de bon goût…… pour les Éditions du Trident.
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