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Ce 31 octobre se réunissaient à Montreuil 6 des 8 syndicats de la SNCF. Ils tiraient le bilan de la journée du 18 octobre : exceptionnellement réussie à l'interne, puisque 74 % des personnels avaient suivi le mot d'ordre de grève, et cependant non moins terriblement impopulaire puisque 55 % des Français interrogés la veille, 77 % a-t-on entendu dire par la suite, en rejetaient le principe. Ce dernier aspect n'a pas été pris en compte par les instances bureaucratiques. De la sorte, la CGT a déposé le préavis d'un mouvement "d'une durée illimitée reconductible par période de 24 heures".
Cet arrêt de travail commencera le 13 novembre.
Le 14 novembre, les salariés du secteur énergétique, bénéficiaires quant à eux du régime des gaziers et des électriciens opéreront des arrêts de travail dans le cadre d'un mot d'ordre, pour le moment limité à une journée, lancé par la CGT, majoritaire chez EDF et Gaz de France, soutenue par Force ouvrière.
Le 20 novembre est prévue une grande mobilisation de la Fonction publique à l'occasion de l'ouverture du débat budgétaire à l'Assemblée nationale.
L'épreuve de force sur la réforme des régimes spéciaux se développe par conséquent selon un schéma parfaitement prévisible, jusqu'à maintenant, les défenseurs des privilèges, – pardon : des avantages acquis de haute lutte – se montrant aussi déterminés qu'ils se savent isolés dans l'opinion.
L'attitude du gouvernement se voit analysée à la loupe. J'ignore si elle le mérite. Je constate simplement de légères divergences entre les différents ministres, et un petit décalage au fil des jours.
Ainsi, M. Xavier Bertrand, ministre du Travail s'emploie manifestement à diviser le front syndical. Dans la deuxième quinzaine d'octobre, il a rencontré séparément chacun des syndicats. Le 24 octobre, la CGT dénonçait alors de tels "contacts bilatéraux" auxquels elle oppose une demande de "négociation globale". Il est vrai que les 7 autres syndicats de la SNCF ont unanimement encaissé comme un coup bas l'accord subreptice, au soir de la grève entre la FGAAC, syndicat autonome corporatif représentant 30 % des agents de conduite, s'estimant satisfaite d'un accord partiel sauvant à 55 ans leur droit à une retraite anticipée.
Dans la plus indiscutable des traditions radicales-socialistes, M. Bertrand a cru bon de diffuser un communiqué chèvre-chou dans la matinée du dernier jour prévu pour la décision prise finalement à Montreuil d'aller au conflit. Le ministère demeurera ferme, nous assure-t-on, sur les principes de sa réforme. Le pouvoir qui ne recule pas s'appuiera donc solidement sur les principes jusqu'au point où ils finiront par céder. On s'affirme ainsi disposé à négocier sur les modalités et sur le calendrier d'application.
Or ces points de détails se révéleront, une fois de plus, décisifs.
On prétend en effet, en haut lieu, refuser de transiger sur le principe d'un allongement de la durée de cotisation de 37 ans et 1/2 à 40 ans. Mais ceci s'applique, selon l'expression consacrée à la "retraite à taux plein", celle dont sont privés la plupart des entrepreneurs individuels qui se sont rarement établis à 20 ans.
Or M. Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement a clairement admis qu'une "discussion peut être ouverte sur la question de la décote pour faire en sorte que des personnes qui travaillent plus, qui travaillent plus longtemps, que ça ne se traduise pas par une pension de retraite qui à l'issue soit plus faible". (1)
Le ministère s'avoue donc prêt à discuter sur la "décote".
Ce principe général prévoit que les employés qui partent sans atteindre les 40 annuités touchent des pensions moins élevées. Si la décote demeure pénalisante, elle institue une quasi-obligation de continuer à travailler. Si, au contraire, on institue pour les bénéficiaires des actuels régimes spéciaux un mécanisme de décote dérogatoire, simplement proportionnelle au nombre d'années manquantes, 3 ans sur 40 une baisse de pensions de 6 %, le tour est joué.
Il suffira alors que la CGT, qui prétend évaluer à 20 ou 25 % les effets de la réforme, obtienne après négociation une réévaluation de 10 % des pensions et le front des gagnants peut bomber le torse.
Un tel arrangement sauverait les avantages réputés aujourd'hui archaïques des actuels bénéficiaires de régimes spéciaux globalement condamnés dans le système dit de la répartition, car 500 000 actifs de ces corporations ne sauraient financer à eux seuls les retraites de 1 100 000 anciens.
L'accord permettrait au gouvernement de dire qu'il tient ses promesses de réforme.
"Tout le monde" au sein de la classe politico-bureaucratique y gagnera donc. "Tout le monde" : une pareille unanimité exclut seulement les contribuables et les cotisants du régime général, autrement dit les Français moyens.
JG Malliarakis
Notes
- cf. Reuters 31.10.2007 à 15h45
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