Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Commençons, exceptionnellement, par un apophtegme. "Jamais on ne fait le mal si pleinement et si gaiement que quand on le fait par conscience." Curieusement, d'ailleurs, cette forte pensée retrouvée dans les papiers posthumes (1) de Blaise Pascal décrit assez bien le comportement de la secte janséniste aux destructions polémiques desquelles son auteur contribua avec tant de génie.
Cherchant donc, personnellement, à faire le Bien et à parler objectivement de l'affaire si scabreuse des enfants du Darfour je suis tombé sur l'incontournable et intéressante chronique de BHL dans le Point en date du 8 novembre. Tout ne relève pas de l'irrecevable dans ce texte, comme à son habitude, talentueux. Sur un jugement au moins, essentiel aux yeux des communicateurs, mais accessoire quant au fond, je donne raison à son auteur si souvent controversé (mais notre Bernard Henry Lévy national aime cela : le pire serait à ses yeux de susciter l'indifférence) : non on ne peut pas reprocher au chef de l'État de se préoccuper du rapatriement des Français.
Mais ce souci devrait connaître certaines limites. On ne peut pas plus l'ériger en droit absolu, qu'on ne saurait légitimement le faire pour la souveraineté des États. On s'étonnera par exemple d'un membre de phrase dans le propos présidentiel du 6 novembre : "J'irai les chercher, quoiqu'ils aient fait".
La réponse n'a pas tardé : le 7 novembre, le député tchadien Ngarlejy Yorongar lui adressait une lettre ouverte particulièrement violente et même franchement injurieuse. On me pardonnera, je l'espère, de la citer ici, je ne la prends pas à mon compte :
"Vous narguez les Tchadiens qui sont à vos yeux moins que vos chiens, qui demeurent toujours des esclaves et qui ne méritent ni dignité ni respect comme les traitaient vos ancêtres. "
"Venez les chercher, Excellence (…), puisqu’ils ont accompli des actes qui méritent la médaille d’honneur. Puisqu’ils n’ont enlevé et séquestré que des enfants nègres, bons pour les réseaux notamment des pédophiles, des voleurs d’organes humains, des proxénètes et des laboratoires d’expérimentation. "
Mesure-t-on les dégâts, les ressentiments réveillés sous prétexte de bonnes intentions humanitaires ? Car on ne peut pas à la fois proclamer un droit d'ingérence et chercher à fermer les yeux sur les actes délictueux voire criminels (éventuellement) commis par des Européens, des Occidentaux, des Français.
S'agissant des organisations humanitaires, BHL propose une solution qui va au rebours du concept même d'organisation non gouvernementale. "tout cela, dit-il, devrait être l'occasion d'une vaste réflexion aboutissant à doter les ONG de règles de fonctionnement, de chartes, voire de contre-pouvoirs, comme en ont tous les pouvoirs du monde. " Il suggère donc de les encadrer de manière étatique. Élève BHL revoyez votre copie.
Simplement on peut redouter du droit d'ingérence humanitaire qu'il produise des dégâts collatéraux de plus en plus irréparables : on peut reconstruire, certes, les ponts de Belgrade ; on effacera difficilement les germes de ressentiments recuits dans le souvenir des peuples ; on rétablira encore moins les liens abîmés par les folies utopiques.
Folie ? Oui ! Notre auteur ne méconnaît pas les dangers de l'utopisme car, écrit-il encore : "j'ai, dans ma longue carrière de fondateur d'Action contre la faim, puis d'observateur ou de militant de la cause humanitaire, croisé assez de personnages de cette sorte pour être prêt à parier, oui, sur leur irresponsabilité, leur ivresse du Bien, leur folie - probablement pas leur mauvaise foi."
Bonne foi : n'en doutons pas. Cela nous renvoie à la pensée retrouvée dans les écrits de Pascal.
Voilà qui pose en définitive le problème des fondements de la règle éthique, ce qui en français courant s'appelle la morale. Je m'étonne qu'un homme affublé si longtemps de la cape si élégante des Nouveaux philosophes esquive une telle interrogation.
JG Malliarakis
Notes
- Publiées 15 ans après sa mort, les Pensées de Pascal ont contenu des jugements ex abrupto, parfois inattendues de la part d'un homme qui se vouait à un projet d'Apologie de la religion chrétienne tel que celui-ci : "Quand il est parlé du Messie, comme grand et glorieux, il est visible que c’est pour juger le monde, et non pour le racheter." (Ce jugement, fort peu chrétien, figure dans l'édition de Port-Royal 1670 des "Pensées de M. Pascal sur la Religion et sur quelques autres sujets". On l'a retiré des éditions suivantes.)
- Ce 15 novembre à 3 h36 un lecteur du blogue fournit les précisions suivantes : "l'Arche de Zoé est la déclinaison française de la Zoe’s Ark Foundation Inc. (154 A’Becket Street, Melbourne 3000, Victoria, Australie). Tous les responsables français sont membres de l’organisation-mère australienne, y compris Paris Biotech Santé, domicile de l'association."
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Cher monsieur, dans l'état pauvre actuel de ma connaissance de ce dossier tchadien, celui des enfants volants ou volés, dont il ne transparaît à la luciole des médiats de chez nous que c'est pas à cause de leur faute à eux, et qu'ils se trouvent en très fâcheuse posture, là-bas, de représenter à eux seuls le parangon de l'infâmie, en tout cas si l'on suit la description de ce fameux député tchadien, inconnu jusqu'alors par de chez Swan, et qui ne mollit pas vraiment ses chamallow, façon rançonneur qui fait monter les enchères, même si on pourrait penser qu'il n'aime pas les blancs qui n'aiment pas les noirs, surtout quand ils sont petits, pas les blancs, les noirs, et que s'il y a mépris, dans cette méprise générale, c'est surtout celui de la vie des autres, un peu alter-égaux, celui qui a la queue de cheval un peu mondialiste, et la petite blonde, elle a pas fait ça quand même? (la métaphore du pansement factice signifie pour certains la raison d'état, la loi plus forte que la raison des hommes, et peut être aussi la façade!). Ça sonne un peu dingue ce tintouin,et vous m'avez compris, on n'y comprend rien tant nous sommes peu informés de ce dossier, monté en charrue par les gros papiers, et la tévé et tout ça et même la diplomatie. On devrait considérer aussi cette récupération humaine comme une tentative d'atténuer les foudres d'un jugement loin de la maison mère, dans un pays qui ne fait pas dans la dentelle de Limoges. Et puis on a des gars là-bas qui gardent les frontières... La vaisselle cassée sera lourde à payer s'ils y restent, et la coopération franco tchadienne ou tchadio-franconnaise comme il veut, selon, au choix, à l'envi, permet ces permutations! Par conséquent et par voie de fait, on se demande encore ce qu'ils y veulent à ces gosses, les sortir d'un malheur, ou peut-être cacher un forêt bien noire, quel mot, une jungle bien farouche pour les faiblards, les sans papiers de l'abandon!Une sorte de système, ou alors ça cache une autre horreur, qui en cache une autre, un abîme de souffrance. Souveraineté contre ressortissants, que faisons nous d'étrangers qui commettent ce type de délit, ou crime, nous ne savons pas encore, je le rappelle benoîtement, sur notre sol, les renvoie t-on à l'expéditeur? Et Vilnius, n'en est-il pas revenu, loin des poux et des gros durs de la tôle d'à côté? Bon je crois que j'ai fini un peu plus cette lettre, cet envoi, dans le vent de la démesure qui nous éclate aux nerfs, à l'affliction, aux non-dits de l'info en boucle......tiens! j'ai même pas parlé de BHV!
Rédigé par : minvielle | jeudi 15 nov 2007 à 21:34