Le site de L'Insolent est alimenté en toute liberté par les chroniques d'actualité sociale, culturelle, économique et politique rédigées par JG Malliarakis.
Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique : sur le site de LUMIÈRE 101.
Chacun connaît le proverbe "une hirondelle ne fait pas le printemps". D'autre part, comme on le sait également, l'information ne se préoccupe habituellement pas des trains qui arrivent à l'heure mais de ceux qui déraillent. Par conséquent je voudrais dire que je ne suis pas fâché d'éprouver le double sentiment d'en avoir fini avec l'ère chiraquienne et d'avoir évité le pire où nous eussent assurément conduit une victoire cauchemardesque de Ségolène Royal en mai ou une majorité socialo-communiste en juin à l'Assemblée nationale.
Ce 28 novembre à l'aube je pointe, les deux titres du Monde en ligne :
1° "A Villiers-le-Bel, le dispositif policier renforcé pour éviter de nouvelles violences" et voila comment la chose nous est présentée par le grand quotidien de la gauche.
"La ministre de l'intérieur a affirmé, mardi soir, que l'objectif était d'éviter une contagion de la violence. Sur place, le maire a demandé aux parents d'empêcher les enfants de sortir".
Mais, malgré le titre ampoulé et la déformation bien connue de ce journal, le plus faussement objectif et le plus objectivement faux, le point important, reconnu par Le Monde lui-même est que : "En début de soirée, aucun incident n'avait été signalé."
Voila précisément ce que dit l'AFP à 0 h 55 "Val d'Oise : la pression retombe à Villiers-le-Bel. Des appels au calme et un impressionnant déploiement policier sont parvenus à faire retomber la pression mardi soir à Villiers-le-Bel"
Bien sûr Le Monde nous dit encore que "La police de proximité" doit être"à nouveau au cœur des débats" et que "Six maires socialistes demandent plus de moyens". J'en suis d'ailleurs d'accord.
Une photo Reuters nous montre aussi des CRS patrouillant dans les rues de Villiers-le-Bel, mardi 27 novembre 2007 en début de soirée.
2° Autre titre à la Une du Monde en ligne à 4 heures du matin : "Autonomie des universités : l'UNEF fait état d'avancées importantes";
Bruno Julliard, président du syndicat étudiant, a jugé, en effet, que la ministre de l'enseignement supérieur, Valérie Pécresse, propose des "garanties de nature à lever bon nombre d'inquiétudes des étudiants mobilisés".
Tout cela peut évidemment évoluer.
Mais souvenez-vous quand même du passé récent, souvenez-vous des 20 dernières années.
Dans les deux circonstances que nous venons d'observer on sait très bien comment les réformes auraient été bloquées par une agitation montée en épingle par les médias, et comment d'autre part, on aurait manipulé les drames.
Souvenons-nous de l'automne 2005 qui avait même vu un certain ministre de l'Intérieur de l'époque critiqué par toute la Chiraquie et désavoué par M. de Villepin, et bien entendu par les journalistes de gauche.
Qu'on me comprenne bien : il ne doit s'agir ni de se rallier systématiquement à un gouvernement que je qualifierais, au fond, de "socialiste réformiste intelligent" ni de s'illusionner trop sur le contenu actuel des réformes en cours. Il s'agit de comprendre que certaines choses en France bougent enfin et qu'elles doivent bouger encore plus. Il s'agit aussi de repérer le discours imbécile des partisans de la politique du pire qui nous ont servi pendant toute la période de l'hiver et du printemps 2006-2007 leur délétère slogan "Tout sauf Sarkozy"(1).
Il y a beaucoup de choses à faire en France. Beaucoup de batailles à mener contre les ennemis de la Liberté. Beaucoup de chemin à parcourir, dans une direction où l'équipe en place vient à peine d'accomplir quelques pas. Beaucoup d'idées fausses à corriger, notamment sur le terrain économique où je demeure, quant à moi, relativement sceptique quand j'entends certains discours protectionnistes officiels ou quand j'observe les projets de lois de finances ou sur la sécurité sociale.
Raison de plus pour se féliciter honnêtement quand le gouvernement semble agir bien et quand les forces du désordre, du dénigrement et du ressentiment se trouvent en échec.
JG Malliarakis
Notes
Refrain dont, au passage, je tiens absolument [et lourdement] à rappeler ici que l'un des plus odieux et ineptes perroquets s'appelait alors, et s'appelle encore, Lesquen, aboyant inutilement son venin sectaire dans les milieux de la petite extrême droite qu'il s'emploie à manipuler, en qualité de président de "la Voix des Français", en tant que fossoyeur du "club de l'Horloge", aujourd'hui propriétaire-exploitant de "Radio (ex) Courtoisie" (à Paris, 16e arrondissement) et comme candidat de désespoir à la mairie de Versailles (Yvelines).
Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique : sur le site de LUMIÈRE 101.
L'agitation étudiante s'est vue relayée, depuis les violences du Val d'Oise dimanche soir, au second rang de l'actualité hexagonale. D'autre part, une réunion aujourd'hui au ministère avec les 5 organisations étudiantes considérées comme représentatives pourrait bien calmer le jeu par des négociations d'ordre budgétaire tournant autour du passage de 10 à 15 milliards d'euros en 2012 de la dotation des universités.
Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Valérie Pécresse m'a, d'ailleurs, heureusement surpris au cours de divers débats. Elle intervenait ainsi, ce 25 novembre, dans l'émission souvent intéressante de Christine Ockrent, "Duel sur la 3" pour débattre de sa loi d'autonomie des universités. Et au reproche de l'essayiste Frédéric Martel de "jouer petit bras" avec une réforme tout à fait élémentaire, elle a su intelligemment acquiescer. Elle a donc développé un programme et des orientations assez agréables à entendre. Je m'exprime évidemment dans l'esprit de ceux qui souhaitent voir le système de notre pays évoluer. Si tout se met en place, on peut et on doit espérer vers un peu plus d'efficacité. Le but sur lequel chacun peut s'accorder tend à la promotion des jeunes de toutes origines sociales et de toutes aspirations professionnelles. Cela s'appelle depuis Pareto la circulation des élites.
Or, ce 26 novembre s'ouvrait sur le front de cette agitation traînant en longueur dans les facultés une période clé. La semaine du 19 au 25, a fait apparaître les divisions de la coordination gauchiste. Car le syndicat officiel de la gauche, la vieille Unef, dirigée par un militant du parti socialiste Bruno Julliard, s'est retirée de la Coordination des agitateurs, sachant le mouvement certes capable d'empoisonner la vie d'une partie des facultés, mais au bout du compte ultra-minoritaire dans les faits. Le 26 au matin encore 29 sites universitaires en France demeuraient quand même bloqués, et les études paralysées.
La ministre Valérie Pécresse va donc recevoir les représentants officiels des étudiants en position de force.
Car, dans la journée du dimanche 25 novembre, la coordination, réunissaient à Lille quelque 300 délégués venus de 67 universités et IUT. Cette structure, la 4e apparue en un mois, se veut "la seule légitime à parler" au nom des étudiants. Cette coordination gauchiste prétend accorder les étudiants bloqueurs sur le contenu de leurs revendications. Elle se dit "composée de délégations issues des AG de chaque université". Et elle ajoute pompeusement : "aucun organe politique ou syndical ne peut parler au nom des étudiants, contrairement à la coordination nationale". Donc pas l'UNEF.
La coordination exige l'abrogation pure et simple de la loi. Et elle reproche à l'Unef de chercher à négocier. Certes elle appelle désormais le principal syndicat étudiant de gauche à "réintégrer" ses rangs. Mais elle lui demande aussi "de prendre clairement position pour l'abrogation de la loi Pécresse et de cesser toute négociation jusqu'au retrait de cette loi".
Je voudrais, simplement souligner ce fait symbolique.
Écartant l'Unef dirigée par les socialistes réformistes, la coordination en a déplacé les délégués dans une salle à part.
Et il y était marqué sur un tableau noir "bienvenue au goulag"(1).
Il est donc "un peu tard d'appeler à l'unité une fois que l'organisation de la coordination a refusé de nombreux mandatés de l'Unef", dit simplement le vieux syndicat bien connu lui-même héritier des soixante-huitards. Et, pour faire bonne mesure les réformistes proclament encore : "Nous appelons les assemblées générales à continuer à se réunir et à organiser elles-mêmes leur mouvement".
De son côté, la Coordination a appelé à diverses mobilisations à la réussite incertaine :
- le 29 novembre, "manifestation nationale étudiants/lycéens",
- le 3 décembre, "une journée de solidarité nationale avec les sans-papiers",
et le 4 décembre "journée de mobilisation interprofessionnelle ".
Il ne manque plus qu'une conjonction avec les émeutiers du Val d'Oise et pourquoi pas le 2 décembre avec le plébiscite de Ugo Chavez.
L'agitation continue également dans les lycées.
La prétendue Fédération indépendante et démocratique lycéenne cette Fidl, association créée par les communistes il y a 20 ans au moment de la loi Devaquet, se remue un peu partout.
Elle constitue beaucoup plus qu'une force d'appoint au désordre universitaire et à ses assemblées générales truquées.
La Fidl se prétend "syndicat lycéen", expression qui évidemment ne veut rien dire.
Sa réaction ressemble fort à celle de très vieux apparatchiks car elle dit "regretter la division du mouvement étudiant qui s'est révélé ce week-end pendant la coordination nationale".
Dans la même logique elle continue dans son style stalinien d'un autre âge à "appeler l'ensemble des lycéens à se mobiliser" pour les manifestations indiquées plus haut, demandant aux lycéens de s'unir contre "la sélection à l'entrée de l'université" avec une conclusion que l'on retiendra "le mouvement lycéen reste lycéen et ne dépendra pas des déboires du mouvement étudiant".
Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :On m’avait amicalement convié à venir participer ce 19 novembre à un Congrès à Berlin. Les conservateurs russes y évoquent en compagnie de représentants des partis de droite, français et allemands, leur relation avec l’Europe.
L’idée de fond, la perspective à long terme et la nécessité permanente, de cette relation continentale me paraissent en elles-mêmes certainement plus intéressantes que tel ou tel discours politique conventionnel, ou circonstanciel entre représentants des appareils gouvernementaux de la CDU allemande et de l’UMP française.
Le 16 novembre, recevant à Paris le Premier ministre russe, M. Victor Zoubkov, que l'on dit présidentiable, le chef de l'État français affirmait nettement "sa volonté de travailler avec M. Poutine et d'entretenir à titre personnel avec M. Poutine et avec la Russie des relations confiantes et amicales" (1). Nous verrons donc, dans l'avenir, ce qu'il convient de penser de tels discours officiels.
1. Mais tout d’abord entendons-nous sur le mot de conservateur
"Les mots, nous dit Pareto, sont les étiquettes que nous collons sur les choses." Quand on mesure les effets catastrophiques des utopies totalitaires s’emparant du mot de révolution au cours du XXe siècle on ne peut que chercher à leur opposer un concept, et surtout un faisceau de convictions antirévolutionnaires actives. Dès le XIXe siècle avant d'être lui-même chassé de Vienne Metternich envisageait la nécessité d'une force de gouvernement capable de s'opposer aux éléments révolutionnaires.
Pendant très longtemps donc nous nous sommes préoccupés en occident de l’idée d’une révolution en sens contraire du communisme, comme on avait pu penser en termes de contre-révolution face à la Terreur robespierriste, puis à l’époque des guerres napoléoniennes qui ont endeuillé l’Europe. Cette vision fausse a été analysée par l'un des plus importants observateurs du phénomène : Jacques Mallet du Pan (1749-1800), aujourd'hui bien oublié.
La phrase la plus digne jamais écrite au sujet de la furie jacobine a le mérite de la brièveté. Les amis de la littérature russe la connaissent puisqu’elle se trouve dans la grande fresque de Tolstoï consacrée à la Guerre et la Paix : "Tu es un monstre, Napoléon". On n'y ajoutera rien.
Non, aucune utopie terrestre, ni l’Égalité, encore moins la Liberté, ne mérite la dénaturation sanglante, à laquelle se sont employées successivement nos diverses révolutions et contre-révolutions rouges, brunes ou noires.
Cette conclusion nous amène donc à revoir entièrement toutes les déductions, toutes les certitudes systématiques, toutes les abstractions philosophiques tendant à transformer radicalement et matériellement le monde pour assurer de force le bonheur de l'Humanité.
Le génie millénaire du christianisme orthodoxe n'est donc pas d'y participer en sous-traitance, sous la tentation de faire du social en transformant les pierres en pain.
Le mot de conservateur s'entache d'une mauvaise presse. Il rencontre le discrédit que lui infligent les modes changeantes dont leur destinée les invite constamment à se démoder. Il peut se prévaloir du grand héritage des sagesses les plus anciennes, celui d'un Aristote rectifiant la part d'irréalité de Platon, celle de Lao-zi comparant le gouvernement d'un vaste peuple à une grande poêle dans laquelle on cuisinera, de manière obligatoirement lente, habile et prudente, une foule de petits poissons.
Si cependant sous le mot conservateur on entendait dissimuler une nostalgie quelconque pour les héritages putrides, comme on le voit parfois dans nos médias de la confusion, si l'on devait confondre conservatisme et maintien des réglementations socialistes, comme on le fait souvent en France, il faudrait en trouver évidemment, sans ambiguïté un autre.
Mais plus sérieusement je me souviens d’une tribune libre lue dans cette étrange période des années 1985-1990 qui prétendait se vouer à la "Perestroïka", à la reconstruction, dans Les Nouvelles de Moscou, lues alors avec avidité dans leur version française : on déboise plus rapidement une forêt qu'on ne la fait repousser. Profitons donc du voisinage de la Sainte-Catherine où le proverbe français nous dit que "tout bois prend racine" pour planter nos petites espérances.
2. Coût et leçon des politiques passées et nécessité d'une vision d'avenir.
Oui nous espérons donc que la Russie va se joindre à la famille des nations occidentales, sa famille naturelle de nations, nous l'espérons pour l'Europe.
Depuis Paris, nous ne pouvons, certes, juger sérieusement de la politique russe, pas plus d'ailleurs que de la politique allemande et je me garderais de donner la moindre leçon à mes interlocuteurs russes ou allemands.
On peut tirer cependant certaines conclusions objectives de quelques observations douloureuses de l'Histoire passée.
Pendant des années la politique extérieure de l’Union soviétique, lancée par le léninisme, annoncée dès 1913 dans le texte fameux "Orient avancé, occident retardataire", définie par Radek et reprise ensuite par le stalinisme s’est fondée sur les fraternités idéologiques avec les révolutionnaires du monde entier.
Dès 1920 d’ailleurs cette politique du Komintern s’est trouvée dirigée :
- A/ Contre les Alliés victorieux de 1918, jugés désireux d'étrangler, je cite Radek "la révolution bolchevique, mais aussi le peuple allemand et le peuple turc"
- B/ Donc contre le système des traités découlant de celui de Versailles, qui domina la situation de l’Europe jusqu’en 1939,
- C/ Et particulièrement aussi, dans le Proche orient, contre celui signé à Sèvres en 1920, dont les immortels principes se virent balayés dès le traité de Lausanne de 1923.
Dès lors qu’il s’est agi de soutenir les révolutions de l’orient puis celles du tiers-monde, cette politique purement idéologique a coûté matériellement très cher à l'économie russe et au peuple russe qui a soutenu à bout de bras les échecs industriels cuisants des "pays frères" : subventionnés largement et généreusement depuis Moscou ces petits pays n’utilisaient le mot d’amitié qu’à proportion des espérances de subsides correspondant. Le sucre et les cigares des aventuriers de La Havane n'ont pas dû beaucoup nourrir, je crois, le développement des espaces sibériens.
Rappelons d'ailleurs au besoin la contradiction profonde entre les écrits de Marx et Engels, d’une part, et cette pratique d’autre part.
Et cette promiscuité inaugurée à partir du congrès de Bakou entre une nation héritière d’une aussi haute culture et les brutes épaisses brandissant leurs sabres au nom des peuples de l’orient, et parfois même de l'islam, me semble n'avoir rien rapporté de durable.
Ne perdons pas de vue que la France, elle aussi, s'est inoculée à ses frais une action tiers-mondiste profondément dommageable, y compris pour les pays d'Afrique, et que cette déperdition d'énergie, de capitaux et de substance s'est opérée au nom de l'idéologie.
Mais, en dehors de ces cas, s‘agissant d’un pays comme la France au contraire, ou de l’Allemagne, selon les circonstances et les aléas de l’Histoire les relations entre nos pays, y compris à l’époque soviétique, ont été dominées d'abord, par des considérations d’ordre géopolitique, beaucoup plus qu'idéologiques.
Parler d’amitiés et d’alliances traditionnelles fait cependant partie des facilités oratoires stériles. On devrait y renoncer et elles ne devraient plus tromper personne. J’ai ainsi hérité d'une jolie statuette familiale en "barbotine" évoquant l’alliance franco-russe nouée à partir de 1892. Oubliant ses mobiles circonstanciels, sans trop faire non plus attention aux conséquences terribles en 1914, décrites dans la Roue rouge de Soljénitsyne, j’aime conserver dans mon bureau cet objet symbolique.
Mais je n’ignore pas non plus que les deux hauts lieux de la présence russe à Paris, chers à tous les orthodoxes français et aux amis occidentaux de l'orthodoxie, qui se recrutent parmi les plus fervents des chrétiens, des gens de toutes origines, se situent cocassement l’un rue de Crimée, l’autre rue Daru. Daru, médecin de la Grande Armée ! Effaçons le souvenir de ces deux guerres déplorables entre nos deux pays. En son temps Pierre-Joseph Proudhon dénonçait dans la guerre de Crimée son caractère "antigrec" : je ne puis évidemment que souscrire à cette dernière condamnation, et à son argumentaire implacable. Comment un quart de siècle après la glorieuse bataille de Navarin, où l'alliance franco-anglo-russe mit fin en 1827 aux atrocités ottomanes dans l'Archipel et le Péloponnèse, la France et l'Angleterre ont-elles pu se retrouver, de la sorte, soutiens de l'obscurantiste Turquie contre leur ancienne alliée russe ? Il faut reconnaître qu'en France cette alliance cynique et retournée a heurté la conscience d'un nombre considérable d'esprits libres.
3. Attachons-nous à la définition de nos vœux à long terme
La politique concrète et immédiate des États ne saurait sans doute confondre rêve et réalité.
On ne saurait accepter d'un gouvernant qu'il sacrifie complètement le court terme au long terme, fût-il le plus pertinent. Dans une démocratie on se trouve même, pratiquement toujours, en présence d'une impossibilité. Une Margaret Thatcher a pu savoir sacrifier, d'une manière totalement impassible, très britannique, toute popularité pendant les deux premières années de ses mandats cherchant à ne gagner les élections suivantes qu'à la quatrième ou cinquième année de sa législature, encore n'a-t-elle pu agir de la sorte que pendant une dizaine d'années. Cette femme a redressé certes la Grande-Bretagne entre 1979 et 1990. Mais en général la plupart de nos dirigeants, tétanisés devant les humeurs médiatiques et les sondages d'opinion, se trouvent astreints à une gymnastique beaucoup plus sommaire, au mépris bien souvent du mandat confié par les électeurs. Ceci nous amène à rendre hommage, en tant que conservateurs, à la constitution empirique et non écrite du Royaume Uni.
Les gazettes de Paris ne nous cachent pas que la Russie se prépare à une échéance électorale. Pour ce très court terme l'on ne peut que se réjouir d'y voir le communisme à moins de 17 % des intentions de vote.
En revanche aux intellectuels, et aux citoyens il est permis non seulement de rêver, mais plus solidement de se préoccuper d'Histoire prospective, de construction de l'avenir. Le long terme doit nous importer alors infiniment plus que le court terme, le jeu fugace des opinions et des personnalités, fussent-elles les plus brillantes. D’ailleurs, à courte échéance, qui donc prévoyait il y a un quart de siècle ce qu’il allait advenir de l’immense ensemble eurasiatique de la défunte URSS, ou, à l’inverse du bouillonnement du monde musulman ? Qui, donc prévoyait naguère que l’Inde serait en passe de devenir le pays émergent extraordinaire que nous commençons à percevoir. Les futurologues, au contraire, nous annoncent ainsi toujours des événements qui ne se produisent pratiquement jamais. Vous connaissez sans doute la plaisanterie, à moins qu’elle ne circule pas à Moscou ou à Berlin quand nous disons : "le Brésil un pays de grand avenir, depuis très longtemps, et qui le restera encore longtemps".
4. La Russie membre à part entière de notre famille.
Le but à long, et même à moyen terme, sera d'arrimer la Russie comme membre à part entière de la grande famille qu'on appellera occidentale au sens très large du terme puisque depuis les années 1970 nous avons pris l'habitude d'y faire figurer le Japon. Un pas essentiel a été effectué en faisant entrer la Russie dans le G8; sa vocation trouvera sa place probablement aussi dans l'OTAN redéfini.
Aux côtés du pays du Soleil Levant, comme de l'Amérique du nord et de l'Europe occidentale, il s'agit bien d'un club civilisé, appelé à s'élargir bien sûr mais dont l'adversaire actuel demeure bien la horde terroriste qui frappe indistinctement dans le Caucase que dans le Cachemire, sur les tours de Manhattan comme dans le métro de Paris, n'épargnant pas plus l'Angleterre, et dont même les Chinois civilisés ont commencé à tâter la mesure dans leur partie de "Turkestan", le Sin-kiang.
Le seul obstacle permanent à une telle perspective nécessaire cela portait un nom. Cela s'appelait le communisme international, malencontreusement installé entre 1917 et 1991 à Moscou, comme la révolution a pollué Paris et endeuillé l'Europe entre 1792 et 1815.
5. L'interlocuteur européen.
Car l'interlocuteur c’est l’Europe occidentale et non la seule France toujours hélas entachée de l'héritage jacobin.
Il existe certes divers débats au sein de l’Union européenne, et vous ne l’ignorez pas.
Les discussions en cours portent par exemple sur le degré de symbolisme attaché aux institutions en cours de consolidation. Faut-il ou non inscrire le drapeau ou l’hymne à la Joie dans un texte à prétention définitive ?
Nous savons bien que les constitutions les plus durables ne reposent pas sur l’écrit mais sur la pratique. Elles durent quand elles conviennent aux peuples et aux époques qui les ont produites. Elles gagnent donc, quand elles tiennent à y faire référence à reposer sur des textes brefs et clairs à évolution lente et empirique. Constater cela fait aussi partie de la philosophie conservatrice. Ah ! Quant à elle, la philosophie politique révolutionnaire préfère à coup sûr de prétendues constructions définitives.
Mais nous devons savoir plusieurs choses
- Tout d'abord chacun doit prendre conscience de ce que pratiquement l'idée d'une coordination de plus en plus effective de la politique extérieure de l'Europe est devenue incontournable. Elle ne trouve pratiquement plus d'autres obstacles que les réticences un peu corporatistes et surannées de fonctionnaires du Quai d'Orsay et du Foreign Office réticents à la mise à disposition du futur haut-commissaire et vice président de la Commission de moyens trop substantiels à leur détriment. Certes, on ne l'appellera plus, ou pas encore, "ministre des affaires étrangères" comme on l'avait prévu dans le texte du projet éphémère bloqué depuis 2005. Cela fait désordre un ministre en l'absence d'un gouvernement. Ministre en latin cela veut dire "serviteur". Mais l'important est que la chose devient indiscutable. L'énorme bloc de 492 millions de citoyens, et de consommateurs, ne peut plus penser à long terme sa diplomatie comme divisible par 27, et encore moins les moyens militaires dont on ne saurait trop oublier qu'ils constituent l'ultima ratio de la politique internationale. Je ne suis pas en mesure de savoir ce qu'il en est exactement de l'idéologie dominante en Allemagne, mais je constate que la France voit encore le monde avec des lunettes roses. À tort ou à raison l'Europe pourra intervenir de manière moins désincarnée. Aujourd'hui elle en est encore aux balbutiements de la jeunesse ; un certain nombre de nouveaux adhérents sont en cours de ralliement à un espace commun. Les récentes élections polonaises l'ont prouvé. Soyons certains que les jeunes générations qui bénéficient du programme Erasmus, qui voient se transformer les grands espaces mondiaux, la Chine, l'Inde voire l'Amérique latine ou l'Afrique ont parfaitement conscience que les guerres intra-européennes appartiennent à un passé révolu.
L'euroscepticisme, comme on l'appelle à Londres, pourra ramener le rythme de l'évolution à plus de modération, à plus de raison conservatrice, il ne l'empêchera pas.
Or nous le disons fortement, dans le même temps : l'idée essentielle pour nous sera que cette Europe se construise avec la Russie, et certainement pas contre elle, pas plus qu'elle n'a jamais eu vocation non plus à développer son unité contre les Etats-Unis. Cette certitude, cette nécessité avancera d'autant plus dans un avenir proche, que Moscou cessera définitivement de faire l'objet, et/ou de prêter le flanc par telles ou telles erreurs de communication, à sa propre diabolisation.
6. Pourquoi et comment la France est devenue le maillon faible
En fait nous gagnerions tous à réfléchir aux erreurs historiques de la France. Elle s'est révélée incapable depuis 1815, donc depuis 192 années, d'effacer les traces funestes de la révolution jacobine. En deux siècles elle s'est vue pratiquement rayée de la carte, reléguée au rang de puissance très secondaire, presque anecdotique.
Les travaux historiques inégalés de Beau de Loménie l'ont démontré. La nostalgie et l'idéologie des guerres révolutionnaires et napoléoniennes furent entretenues par les dynasties bourgeoises issues des acquéreurs de biens nationaux. Or, cela forme aujourd'hui encore le soubassement de l'idéologie nationale autodestructrice française.
On doit par exemple s'attacher à comprendre que l’idéologie faussement égalitaire, comme le centralisme des jacobins, comme la dénatalité, devenue aujourd'hui natalité importée, se sont révélées destructrices de la substance française. Et qu'elles le demeureront aussi longtemps que dans toute l'Europe, jusqu'à l'Oural et même jusqu'à Vladivostock, la sagesse et la liberté ne l'auront pas emporté sur la fureur totalitaire et sur l'utopie. Voila ce que je voudrais développer.
JG Malliarakis
Notes
Reuters du 16 novembre 2007 à 18 h 36.
Et pourquoi pas une petite ligne de publicité de bon goût…… pour les Éditions du Trident.
Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Événement plus ou moins inattendu, ces 15 et 16 octobre : les assemblées générales de grévistes n'ont pas suivi la démarche cousue de fil rouge des bureaucraties syndicales subventionnées. Or dans le contexte d'une exaspération générale, des heures perdues par des millions d'habitants de l'île de France, des trains paralysés, des voitures contraintes, par centaines de milliers, à sortir de leurs garages, les Français ne reçoivent pas à ce sujet l'information nécessaire. Les salles de rédaction veulent ignorer comment fonctionnent les piquets de grèves, les assemblées du soir où les agitateurs gauchistes tiennent le haut du pavé, les votes à main levée ou par acclamations.
Par hasard, un article paru dans Libération le 15 novembre lève un coin de ce voile d'ignorance. Fort incomplet d'ailleurs, cet article décrit l'agitation qui se développe actuellement dans certaines facultés. Celle-ci ne met pas les usagers du métro en péril. Mais elle indique bien la tonalité : « Le comité de grève n’accorde aucune espèce de légitimité au vote à bulletin secret. Nous considérons ce vote comme une tentative déguisée de briser le mouvement sous couvert de démocratie ». "Démocratie" avec des guillemets. Voila la doctrine du syndicat "Sud". Dans le secteur ferroviaire ce mouvement est dirigé par le camarade Mahieux dont le photo (ci-dessus) orne ou plutôt dépare le texte de notre chronique.
Les assemblées générales ne représentent par définition que les gens présents sur le tas : autrement dit, non seulement ceux qui n'ont pas pris le travail, mais qui, de surcroît se sont déplacés. Quand ils votent le soir, après avoir laissé un piquet de grève contrôler l'accès aux dépôts de bus aux terminus des lignes de métro ou aux gares, on devine la représentativité respective des différents courants.
Si l'on en croit l'agence Reuters (16 novembre) « Gouvernement et syndicats se renvoient la responsabilité de la poursuite du conflit. » En fait, les deux ont raison de refuser de porter le chapeau : la situation leur échappe.
Qu'en est-il effectivement de la grève : non seulement elle est devenue, aux alentours de 43 % minoritaire dans la journée du 15, mais dès la mobilisation du 14, celle du premier jour on savait que le nombre des grévistes et plus encore celui des manifestants, à peine 50 000 sur toute la France, se trouve en net recul par rapport au coup de semonce du 18 octobre. Autrement dit, certes, les bénéficiaires de régimes spéciaux ne peuvent accepter de gaîté de cœur un allongement de leur nombre d'annuités contractuelles sans contreparties notables, mais ils savent leur mouvement impopulaire dans la masse des Français qui travaillent et ils ne se montrent guère enthousiastes vis-à-vis de leurs 7 ou 8 chefs syndicaux. On s'y perd en effet entre ces faces grises.
On doit bien comprendre aussi que le plus blafard, Thibault-la-vedette agace. Et non seulement la "base" syndicale n'en a rien à faire. Cet ex-jeune porte-parole médiatisé du prétendu "mouvement" de 1995, fut imposé à la tête de la CGT en 1999. Mais, de plus, que le secrétaire de la fédération CGT des transports, 29 000 syndiqués, le camarade Didier Le Reste, appartient à une autre tendance au sein du PCF. On ne s'y préoccupe pas dans les mêmes termes de l'alliance avec le parti socialiste en cours de négociations à quelques mois des élections municipales. La question essentielle pour l'appareil dirigeant encore le parti communiste c'est de conserver ses 36 villes de plus de 20 000 habitants, ses 806 maires, ses 256 conseillers généraux et ses 12 000 conseillers municipaux, sous son étiquette. Il ne peut le faire que par un accord avec le parti socialiste où celui-ci reconnaisse la CGT comme représentant unique du "mouvement social". François Hollande au contraire, envisage soit de tenir compte des scores électoraux les plus récents, ce qui ferait passer un certain nombre de villes de gauche du PC au PS, soit même des primaires. D'où l'enjeu actuel.
Cela coûte aux salariés contraints à la grève 100 ou 120 euros par jour et aux Franciliens 2 ou 3 heures supplémentaires harassantes de transport en automobile.
Il n'entre certes pas dans mes habitudes d'appeler à des manifestations de rue auxquelles je ne suis pas certain de participer. Et d'autre part, je sais trop l'ambiguïté des "réformettes" proposées. Mais un fait objectif amènera tous ceux qui le pourront à se retrouver à 15 heures le dimanche 18 novembre, place de la République, à Paris, contre les blocages.
JG Malliarakis
Et pourquoi pas une petite ligne de publicité de bon goût…… pour les Éditions du Trident.
Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Commençons, exceptionnellement, par un apophtegme. "Jamais on ne fait le mal si pleinement et si gaiement que quand on le fait par conscience." Curieusement, d'ailleurs, cette forte pensée retrouvée dans les papiers posthumes (1) de Blaise Pascal décrit assez bien le comportement de la secte janséniste aux destructions polémiques desquelles son auteur contribua avec tant de génie.
Cherchant donc, personnellement, à faire le Bien et à parler objectivement de l'affaire si scabreuse des enfants du Darfour je suis tombé sur l'incontournable et intéressante chronique de BHL dans le Point en date du 8 novembre. Tout ne relève pas de l'irrecevable dans ce texte, comme à son habitude, talentueux. Sur un jugement au moins, essentiel aux yeux des communicateurs, mais accessoire quant au fond, je donne raison à son auteur si souvent controversé (mais notre Bernard Henry Lévy national aime cela : le pire serait à ses yeux de susciter l'indifférence) : non on ne peut pas reprocher au chef de l'État de se préoccuper du rapatriement des Français.
Mais ce souci devrait connaître certaines limites. On ne peut pas plus l'ériger en droit absolu, qu'on ne saurait légitimement le faire pour la souveraineté des États. On s'étonnera par exemple d'un membre de phrase dans le propos présidentiel du 6 novembre : "J'irai les chercher, quoiqu'ils aient fait".
La réponse n'a pas tardé : le 7 novembre, le député tchadien Ngarlejy Yorongar lui adressait une lettre ouverte particulièrement violente et même franchement injurieuse. On me pardonnera, je l'espère, de la citer ici, je ne la prends pas à mon compte :
"Vous narguez les Tchadiens qui sont à vos yeux moins que vos chiens, qui demeurent toujours des esclaves et qui ne méritent ni dignité ni respect comme les traitaient vos ancêtres. "
"Venez les chercher, Excellence (…), puisqu’ils ont accompli des actes qui méritent la médaille d’honneur. Puisqu’ils n’ont enlevé et séquestré que des enfants nègres, bons pour les réseaux notamment des pédophiles, des voleurs d’organes humains, des proxénètes et des laboratoires d’expérimentation. "
Mesure-t-on les dégâts, les ressentiments réveillés sous prétexte de bonnes intentions humanitaires ? Car on ne peut pas à la fois proclamer un droit d'ingérence et chercher à fermer les yeux sur les actes délictueux voire criminels (éventuellement) commis par des Européens, des Occidentaux, des Français.
S'agissant des organisations humanitaires, BHL propose une solution qui va au rebours du concept même d'organisation non gouvernementale. "tout cela, dit-il, devrait être l'occasion d'une vaste réflexion aboutissant à doter les ONG de règles de fonctionnement, de chartes, voire de contre-pouvoirs, comme en ont tous les pouvoirs du monde. " Il suggère donc de les encadrer de manière étatique. Élève BHL revoyez votre copie.
Simplement on peut redouter du droit d'ingérence humanitaire qu'il produise des dégâts collatéraux de plus en plus irréparables : on peut reconstruire, certes, les ponts de Belgrade ; on effacera difficilement les germes de ressentiments recuits dans le souvenir des peuples ; on rétablira encore moins les liens abîmés par les folies utopiques.
Folie ? Oui ! Notre auteur ne méconnaît pas les dangers de l'utopisme car, écrit-il encore : "j'ai, dans ma longue carrière de fondateur d'Action contre la faim, puis d'observateur ou de militant de la cause humanitaire, croisé assez de personnages de cette sorte pour être prêt à parier, oui, sur leur irresponsabilité, leur ivresse du Bien, leur folie - probablement pas leur mauvaise foi."
Bonne foi : n'en doutons pas. Cela nous renvoie à la pensée retrouvée dans les écrits de Pascal.
Voilà qui pose en définitive le problème des fondements de la règle éthique, ce qui en français courant s'appelle la morale. Je m'étonne qu'un homme affublé si longtemps de la cape si élégante des Nouveaux philosophes esquive une telle interrogation.
JG Malliarakis
Notes
Publiées 15 ans après sa mort, les Pensées de Pascal ont contenu des jugements ex abrupto, parfois inattendues de la part d'un homme qui se vouait à un projet d'Apologie de la religion chrétienne tel que celui-ci : "Quand il est parlé du Messie, comme grand et glorieux, il est visible que c’est pour juger le monde, et non pour le racheter." (Ce jugement, fort peu chrétien, figure dans l'édition de Port-Royal 1670 des "Pensées de M. Pascal sur la Religion et sur quelques autres sujets". On l'a retiré des éditions suivantes.)
Ce 15 novembre à 3 h36 un lecteur du blogue fournit les précisions suivantes : "l'Arche de Zoé est la déclinaison française de la Zoe’s Ark Foundation Inc. (154 A’Becket Street, Melbourne 3000, Victoria, Australie). Tous les responsables français sont membres de l’organisation-mère australienne, y compris Paris Biotech Santé, domicile de l'association."
Écoutez l'enregistrement de cette chronique : en date du 14 novembre sur le site de LUMIÈRE 101
Nous vivons vraiment une époque bouleversante, où l’intelligence pétille à tous les coins de rue. Ainsi nous avons appris hier que le parti socialiste se situe résolument du côté des grévistes bénéficiaires des régimes spéciaux de retraites, et qui entendent bien le rester. Son Bureau national a tenu à le faire savoir au monde. Il a donc rédigé un communiqué diffusé par l’AFP le 13 novembre à 23 h 30. Celui-ci nous informe que "Le Parti socialiste apporte son soutien aux salariés en grève contre une offensive gouvernementale qui annonce pour demain la même méthode et les mêmes objectifs pour l'ensemble des salariés de ce pays."
Dans le même temps la direction actuelle de l'UNEF, autre intéressante réalité rétrospective, développe une ligne soixante-huitarde identique. Pour s’opposer à la loi en cours sous l’impulsion de Mme Pécresse, quoi de plus logique, et j’ajouterai quoi de plus performant pour les universités que de se raccorder sur la classe ouvrière en appelant à bloquer les gares. Les petits mickeys socialistes qui ont prétendu s’y employer bloquent déjà il est vrai, contre le désir de la majorité des étudiants, 17 universités françaises sur 85.
Je ne dis pas ici que le PS manque de logique.
À certains égards je le crois même en avance sur le projet fort modeste de M. Fillon et de son gouvernement. Je note ainsi qu’il évoque "la nécessité d'une réforme globale des retraites garantissant la pérennité du système par répartition".Si l’on avait vraiment voulu au PS sauver ce système lamentable, misérabiliste et périmé, – on pourrait encore ajouter ici une épithète : ce système pétainiste (1)– qu’est la répartition, si donc les socialistes avaient appliqué leur doctrine actuelle à l’époque du gouvernement Jospin ils n’auraient pas en l’an 2000 fait appel au rapport Teulade devant le Conseil économique et social. Celui-ci tendait à démontrer que le régime pouvait perdurer. Il utilisait pour cela des arguments totalement irrecevables mais on fit voter ce document. À l’époque je m’étais permis d’appeler cette démarche d’un néologisme qui n’a pas fait florès, et je le déplore : le teuladisme". Teulade, vieux routier du lobby des mutuelles faisait figure de docteur tant mieux. Le gouvernement socialiste l’avait instrumentalisé. On l’avait opposé au rapport remis en 1999 par M. Jean-Michel Charpin, alors Commissaire général du plan (bigre). Ce dernier concluait dès cette époque de manière infiniment plus dramatique. Mais la gauche plurielle ne voulut pas en tendre parler, au nom de son alliance de l’époque avec le parti communiste et la CGT.
Ainsi donc, en maintenant cette alliance, et tant qu’il s’y accrochera, le parti socialiste d’aujourd’hui s'installe dans la stagnation. Il se disqualifie totalement pour parler de réformes. Le bureau national du PS se situe non seulement en recul par rapport à des nécessités évidentes. Mais, plus encore, il en est revenu avant le congrès de Tours de 1920.
À cette époque la minorité qui eut le bon sens de s’opposer aux communistes avait déjà repéré où mèneraient les mythes inhérents à l’alignement sur une classe ouvrière mythifiée par des bureaucraties. 1920 fut pourtant aussi l’année d’une grève historique des cheminots, à l’époque salariés des compagnies ferroviaires privées.
Mais revenons à notre [fausse] modernité. Le déroulement de la grève confirme ce que nous soulignons ici depuis un certain temps : le chef cégétiste Thibault cherche et parvient à s’imposer comme le partenaire central, et il s’apprête à poser, dans le jeu de rôles actuel, en sauveur du gouvernement Fillon. C’est sur lui que l’on compte pour arrêter la grève, alors que les mobilisations de protestataires anti-grèves se développent sur une base inégalée, tout simplement parce que l’opinion populaire en a par-dessus la tête des blocages.
Espérons quand même que le prix à payer ne s’en révélera pas trop élevé pour les heureux contribuables et pour les cotisants forcés du régime général.
JG Malliarakis
Notes
On ne dira jamais assez que son institution remonte à la charte du Travail de 1941.
Écoutez l'enregistrement de cette chronique : sur le site de Lumière 101
Je crois avoir dit l’essentiel de ce que l’on devrait savoir avant d’aborder une semaine annoncée pour très pénible pour tous les usagers des transports en commun. Après avoir développé depuis 15 ans, sur tous les tons les arguments en faveur de la liberté de la protection sociale, on ne peut plus qu’observer, finalement la redoutable persistance de l’imprégnation étatiste et post-révolutionnaire des esprits dans ce malheureux pays.
Or on hésite, et je recule moi-même devant l’affiliation abrupte et sans transition de cet héritage idéologique aux restes de l’entreprise léniniste. Plus personne ne veut plus croire que nous portons à la fois la marque d’infamie du robespierrisme et celle du stalinisme. Parler du communisme équivaut à accepter à Paris d’être considéré comme une sorte de fossile.
Alors je voudrais savoir combien de personnes, en Europe, ont ressenti à la fois comme un affront personnel et comme une nouvelle agression idéologique annonçant la marche totalitaire du personnage l’incident provoqué par le démagogue vénézuélien Chavez, roulant une fois de plus sa fange dans l’or de son pétrole à l’encontre du gouvernement espagnol.
Le Premier ministre espagnol Zapatero parlait ce 10 novembre à la tribune d’une rencontre ibéro-américaine à Santiago. Or Chavez depuis la veille ne cessait de traiter le prédécesseur de ce social-démocrate, c’est-à-dire José Maria Aznar, de « fasciste ». Or pour mieux comprendre ce que cette dénomination implique on se reportera aux commentaires que son auteur a cru bonde dispenser à l’usage des autres dirigeants du continent sud-américain réunis au Chili : "un fasciste n'est pas humain, un serpent est plus humain qu'un fasciste"
Face à un tel délire de haine, le chef du gouvernement de Madrid a déclaré : "Je voudrais dire au président Hugo Chavez que dans un forum réunissant des gouvernements démocratiques, (...) l'un des principes de base s'appelle le respect". Vainement le roi d’Espagne a tenté lui aussi d’intervenir dans le même sens que son ministre, le sens de la plus élémentaire correction vis-à-vis, doit-on le souligner, de l’adversaire de M. Zapatero.
Or il me déplaît de devoir remarquer, en consultant le lendemain les 34 réactions de lecteurs du Monde publiées par ce journal que, certes deux ou trois remarquent que la veille de ses répugnantes interventions de Santiago Chavez faisait tirer sa police politique sur les étudiants de Caracas, mais qu’au fond la majorité d'entre eux semble trouver assez normal qu’on insulte ainsi le roi d’Espagne et son Premier ministre, pourtant lui-même social démocrate.
Chavez a bonne presse en France. Principal soutien des guérilleros communistes des FARC colombiennes, Chavez a le cynisme de jouer les négociateurs dans l'affaire des divers otages détenus par ces terroristes (1). On semble à Paris lui en devoir de la reconnaissance. Successeur désigné par Fidel Castro pour continuer l’œuvre de subversion marxiste et léniniste en Amérique latine, admirateur de Guevara, ami d’Ahmadinedjad, il se réclame de la révolution dite bolivarienne. Je vous concède donc le trouver certes tout à fait d’une autre époque mais je constate qu’il se propose, en ce début de XXIe siècle, de polluer la nôtre, — utilisant le même type de complicité et les mêmes aveuglements, que ceux dont ont bénéficié ses prédécesseurs. La survivance de l'entreprise communiste n’a pas besoin, hélas, d'être démontrée : elle s’affiche impunément bien visible, bien cynique, bien totalitaire.
JG Malliarakis
Notes
Dont, parmi tant d'autres, Mme Betancourt.
Et pourquoi pas une petite ligne de publicité de bon goût…… pour les Éditions du Trident.
Écoutez l'enregistrement de cette chronique : installé sur le site de Lumière 101
Aucun événement ne doit être compris à chaud, et encore moins classé a priori dans une case arbitrairement préconçue.
Le rapprochement franco-américain, volonté très explicite du chef de l'État correspond à des préoccupations moins clairement formulées des gens qui souhaitent réformer le pays. Le monde a changé en 2001. M. Chirac ne l'avait pas compris. On doit noter que son successeur en demeure manifestement persuadé.
Mais dans les nouvelles modes, seules les sots prennent tout en admiration. Ainsi, à la grande satisfaction de la "speakerine" démocrate de la Chambre des représentants, Mme Nancy Pelosi, notre cher président a lâché que : "Ceux qui aiment l'Amérique des grands espaces, des parcs nationaux, de la nature protégée, attendent de l'Amérique qu'elle prenne, aux côtés de l'Europe, la tête du combat contre le réchauffement climatique qui menace la destruction de notre planète". On frémit à l'idée de ce qu'un tel enthousiasme pourrait produire le jour où les démocrates reprendraient aussi la Maison Blanche.
Par ailleurs il convient de mesurer la fragilité des revues de presse internationales. Les vaseux communicants aiment à nous faire croire que tel événement intéresse le monde entier sous prétexte de trois coupures de presse, elles-mêmes tronquées. Et au bout du compte cela aboutit à une fâcheuse illusion de l'importance de l'Hexagone.
Au contraire de cette aberrante optique, mon impression, toute relative sans doute, tendrait plutôt à observer le recul de l'intérêt pour le nombrilisme parisien dans les deux ou trois capitales que je puis fréquenter. Et par exemple en Italie, la "sorella latina" semble non seulement moins importante que par avant, mais pour tout dire, elle frappe par son insignifiance. Quand le 6 mai un nouveau président est élu à Paris, La Stampa souligne une déclaration particulièrement conforme à l'image négative des dirigeants français : l'arrogance pour ne pas dire la vanité.
En revanche on a pu noter ces derniers jours un regain d'intérêt pour la nouvelle politique extérieure de la France. Car elle a en changé : "la France aime l'Amérique". Ce titre inattendu jusque-là, et même l'étonnement que "Bush… ressemble à Sarkozy" inspirait ainsi le 7 novembre deux articles en premières pages du plus sérieux des quotidiens athéniens, Kathimerini peu enclin à applaudir en général aux frivolités du Quai d'Orsay. On pourrait multiplier les exemples, dans toutes sortes de pays.
Il faut évidemment une singulière candeur pour croire à des déclarations sentimentales entre États.
S'agissant des relations franco-américaines, contrairement à l'image vertueuse de la Guerre d'indépendance, on devrait noter leur refroidissement dès la proclamation de la république en 1792, encore plus après la mort du roi en 1793, et, pire encore, du fait de la désastreuse mission du citoyen Genet. Pendant le XIXe siècle les relations franco-américaines demeurèrent quasiment inexistantes. Sans doute, en avril 1917, le nouveau général en chef Philippe Pétain déclare-t-il "j'attends les tanks et les Américains". Mais les mobiles profond de l'entrée en guerre de ces derniers ne placent la francophilie, peut-être excellente pour la propagande et même pour le volontariat qu'à un rang anecdotique. La menace d'une pénétration allemande au Mexique a joué un rôle non négligeable.
Il va donc devenir essentiel de s'interroger sur la nature de ce nouveau cours de la politique française, et notamment si l'on veut en mesurer le caractère de rupture, on doit se demander ce qui a conduit, dans la seconde moitié du XXe siècle, des relations certes fluctuantes et inégales, mais néanmoins cordiales à un rapport si terriblement antagoniste.
Clairement alors, il faut considérer le rôle du gaullisme et celui de l'influence communiste. Si l'on doit assister à un réchauffement des relations entre Paris et Washington, on pourra mesurer de la sorte le recul du gaullisme et de l'influence communiste. Et, quant à ce dernier facteur, on se permettra, sans réserve, de se féliciter de son déclin.
JG Malliarakis
Notes
"Il neopresidente : « Voglio restituire l'orgoglio alla Francia »" (titre de La Stampa du 6.5.2007)
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique, installé sur le site de Lumière 101
Le 22 octobre, sur LCI le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque jugeait que la grève reconductible des syndicats Force Ouvrière et SUD-Rail, notamment à la SNCF en Île-de-France, ne "menait à rien". Il demandait simplement un "étalement" de la réforme des régimes spéciaux.
"On voit bien, disait-il ce jour-là, que cette grève ne mène à rien. Il y a eu un mouvement exceptionnel" dans les entreprises à régimes spéciaux, "en particulier à la SNCF, qui a vraiment montré un rapport de force très fort". Chérèque se félicitait également que la gêne pour les usagers eût été limitée à "une journée bien précise. Aujourd'hui, excusez-moi l'expression, mais on emmerde tout le monde pour pas grand-chose, on rend désagréable la vie de dizaines de milliers de personnes qui vont travailler, alors qu'en restant plus unis on est plus forts". En effet FO et SUD-Rail avaient appelé à une grève reconductible à la SNCF. Et ils ont pu continuer de la sorte à poursuivre leur mouvement au-delà de la grève de 24 heures organisée le 18 par les 8 syndicats de l'entreprise, suivie à 74 %, et au terme de laquelle 6 syndicats avaient décidé de reprendre le travail.
On ne doit pas s'étonner d'une telle prise de position. Au soir de la grève du 18 octobre, la CFDT, deuxième fédération ferroviaire (11 % des voix au dernier scrutin syndical), adoptait exactement la même attitude que celle de la CGT : le travail allait reprendre à la fois sur le réseau ferré national et dans les transports en commun d'Ile de France, point névralgique de ce qu'on appelle habituellement un "mouvement social" dans notre pays.
Quand des ouvriers de telle usine débrayent pour revendiquer, ils ne paralysent en effet qu'une partie de la production, celle de leurs fabrications et des clients de l'entreprise. Ceux-ci auront tôt-fait de s'adresser à une concurrence actuellement inexistante dans les transports en commun.
Quand, au contraire, les dépôts d'autobus et les terminus du métro sont bloqués à Paris, toute la France se trouve entraînée dans une situation de crise. Et celle-ci peut d'ailleurs se cantonner à un simple psychodrame.
Or le 6 novembre sur Europe N° 1, Chérèque en personne, adoptait en apparence la position inverse de celle affirmée avec lucidité et bon sens les jours précédents. Il déclarait ainsi que le gouvernement pousse les cheminots à faire grève en ne répondant pas aux demandes de contreparties formulées par la centrale syndicale sur la réforme des régimes spéciaux de retraite. "Je crois qu'aujourd'hui, disait-il, et j'en ai les preuves, le gouvernement attend la grève pour faire des propositions de contreparties".
Ceci confirme très exactement ce que nous avons développé au cours de nos deux chroniques précédentes.
Aujourd'hui, et officiellement, la CFDT adopte la position suivante : elle se dit "d'accord pour l'harmonisation de la durée de cotisation, c'est-à-dire quarante ans" pour avoir droit à une retraite à taux plein.
"Mais, souligne le secrétaire général, nous souhaitons rentrer dans des négociations pour avoir des contreparties. À partir du moment où on ne donne pas la possibilité de négocier, on est dans l'obligation de montrer notre rapport de forces pour y arriver".
Et, comme nous l'avions annoncé, la négociation devrait porter principalement sur la question de la décote.
Intelligemment mené par les bureaucraties syndicales, ce point de détail pourra permettre aux détenteurs de privilèges de les renforcer en les intégrant au régime général de la sécurité sociale. Un tel accord, s'il se concrétise, permettra au gouvernement Fillon de communiquer sur une apparence de succès puisqu'il aura alors accompli une réforme.
Cela n'empêchera pas, au contraire la paupérisation inéluctable des régimes dits de répartition, gérés par les technocrates et défendus par tous les politiciens, par la plupart des journalistes, par le plérôme des fonctionnaires et par l'unanimité factice de dirigeants syndicaux en quête de subventions pour combler leur absence d'adhésions.
Le combat pour le libre choix de la protection sociale n'en deviendra que plus urgent.
JG Malliarakis
Et pourquoi pas une petite ligne de publicité de bon goût…… pour les Éditions du Trident.
Écoutez l'enregistrement de cette chronique : installé en date du 29 octobre sur le site de Lumière 101
Au moment où ces lignes étaient écrites, Air France entamait son dernier jour d’une grève déclenchée par les hôtesses et stewards. La pagaille des aéroports de l’hexagone, l’impopularité de ce genre de situation rejaillissant à la fois sur les syndicats officiels, sur la direction de l’entreprise et sur le ministre, ne doivent pas nous égarer. Dans ce cas précis, les centrales impliquées, où la CGT brille curieusement par son absence, prennent argument des résultats positifs et de la trésorerie de leur compagnie pour demander une hausse de salaires de 15 %. Ils agissent ainsi à l’heure où une concurrence acharnée se prépare à l’échéance très proche d’avril 2008 sur les vols transatlantiques. En même temps ne l’oublions pas le monopole intérieur recule tous les jours. La contradiction, l’absurdité de ce conflit paraissent éclatantes. Manifestement, 85 % des 15 000 personnels navigants s’opposent d'ailleurs à des gestionnaires eux-mêmes issus d’un mode de désignation technocratique. On éprouve par exemple le sentiment que M. Jean-Cyril Spinetta compte moins que le ministre Bussereau. Certes, le chef nominal de l'entreprise consent, après la bataille à recevoir les délégations, mais c’est bien aux hommes politiques que ce personnage – remontant à l’ère Jospin, confirmé à la tête d’Air France par un décret signé en octobre 2003 par MM. Chirac, Raffarin et Bussereau – laisse le soin de communiquer. Nous pouvons admirer ainsi en ce moment même, captée sur le site de l’AFP, la photo du gentil membre du gouvernement s’expliquant devant les micros et les caméras au milieu des passagers bloqués banalement en ce dimanche d’automne à Orly ouest.
Dans un tel désordre établi l’appareil et l’idéologie cégétistes risquent une fois de plus de tirer leur épingle du jeu.
La véritable crise sociale actuelle touche de plein fouet les personnels à statuts. Et, comme on a pu le constater par la grève du 18 octobre, la question essentielle porte sur les avantages obtenus au fil des temps, particulièrement dans ce que nous appelons secteur public, sur le terrain des retraites. En examinant un peu attentivement les déclarations du secrétaire général de la CGT, le camarade Thibaut, on découvre un certain nombre de caractéristiques. Elles portent d’abord sur la nouvelle situation de sa centrale. N’oublions jamais que Thibault, élu à l’unanimité lors d’un congrès apparemment syndical, doit sa désignation au parti communiste. La seule différence entre son rôle et celui de ses prédécesseurs tient au fait qu’avec moins de 2 % des voix le Bureau politique évanescent compte finalement moins que les deux grandes forces syndicales qui en théorie dépendent de lui. Je dis bien : deux, car désormais la FSU, majoritaire dans l’éducation nationale compte presque autant que la vieille CGT ouvrière. Dans cette configuration, l’existence d’électrons gauchistes apparemment libres, dont les plus connus relèvent de " Sud", confère à Bernard Thibault une fausse position arbitrale auprès d’équipes dirigeantes familières.
On doit ainsi redouter avant tout la reconnaissance de l’appareil cégétiste comme force d’interposition.
Ne doutons pas de l’inquiétude des Français. Le Monde daté du 28 octobre cherche à les rassurer en soulignant qu’ils contribuent avec près de 300 000 naissances excédentaires sur les décès chaque année, à la plus forte poussée démographique d’une Europe vieillissante. Je crois tout de même qu’aucun usager du métro ne s’y trompe. Les fameux « jeunes » ne payeront sûrement pas pour ces générations précédentes, celles qui cotisent actuellement, non pour leurs propres parents mais pour ceux qui précisément n’ont pas voulu d’enfant, qui ont abandonné toute ambition pour leur pays et tout respect pour l’initiative individuelle. Sur ce fond à la fois psychologique et social, dans ce contexte maintes fois chiffrable, le grand danger viendrait d’un désir d’ordre où le jeu trouble, et probablement personnel, des dirigeants de la CGT ira en renfort d’une politique strictement conservatrice de défense des acquis. Au secours d’une telle démarche, simplificatrice et même simpliste, on voit poindre l’arithmétique toujours fausse des gens de Bercy. Pivotant l’ensemble de cette baleine vague appelée sécurité sociale, un bel et bon accord avec les cégétistes sur le niveau des pensions, prépare leur affaire ; ils en rêvent. La mission d’un Thibault et de son spécialiste et compère Le Duigou, consiste, et ils l’ont accepté, à en préparer les conditions.
La manière la plus fausse d’aborder la question des comptes sociaux consiste en effet, à envisager les soldes, autrement dit les déficits, et à poser le problème du financement.
Ceci devient dès lors : comment combler le trou ? Et très rapidement on en arrive à feindre de demander : qui va payer ? La réponse n’a pas varié depuis Maurice Thorez et les belles années 1936 : inévitablement les riches. Ils de contribuer à soulager le désastre. Car le fond de la situation doit tout de même faire l’objet de ce lancinant rappel : en France, le système de la retraite par répartition n’aura globalement fonctionné que durant une génération, en très gros des années 1940 jusqu'aux alentours 1981, c’est-à-dire aussi longtemps que la masse des bénéficiaires n’avait pas correspondu à flux de 40 années de départs en retraite. Dès 1984 André Babeau entreprenait d'écrire sur la Fin des retraites(1). Et, plus de vingt ans plus tard, la France ne mesure toujours pas la portée de la situation.
Commençons par un historique sur les sources du système français des retraites.
L’intervention de l’État dans une garantie du revenu en fin de vie peut toujours faire l’objet de références plus antérieures. Ainsi, le fondateur, si souvent cité, de la protection sociale, Otto von Bismarck chancelier du Reich allemand, de manière presque continuelle entre 1871 et 1890, peut se voir objecter Colbert, qui au XVIIe siècle avait fondé un régime social de la Marine, élargissant les dispositifs existant en matière de pensions pour les serviteurs de l’Etat. De même, parallèlement à la Prusse, les royaumes scandinaves et même certaines républiques sud-américaines avaient cherché à mettre en place une protection des vieux travailleurs contre les misères de la vieillesse. On peut, en tout état de cause, souligner l’innovation bismackienne et l’esprit qui l’anime. Dès 1863-1864, l'artisan de l'unité allemande avait développé des contacts avec un personnage tout à fait significatif : Ferdinand Lassalle (1825-1864). Aujourd’hui honni par toute l’école marxiste c'est à lui que le ministre prussien avait emprunté l’idée d’un socialisme d’Etat. L’idée d’attacher la classe ouvrière à un nouvel ordre féodal adapté à l’âge industriel, le poussa à instituer en 1883 un fond d’assurances sociales couvrant le risque de maladie, en 1884 les accidents du travail puis en 1889 des caisses de retraites et d’invalidité. Au début du XXe siècle et jusqu’aux années 1930, les dispositions adoptées par la IIIe république en France demeuraient beaucoup moins étatistes, beaucoup plus confiantes dans l’épargne des individus et dans le progrès du syndicat (1884), de la mutualité (1898) ou de l’association (1901) dont la liberté se trouva progressivement reconquise sur l’abolition des anciennes corporations, nécessaire en 1791, mais dont l'influence de l'idéologie jacobine avait interdit malheureusement toute forme de reconstitution. En 1928 quand le gouvernement de centre droit présidé par André Tardieu institua de la sorte les assurances sociales, le parti communiste les dénonça comme une « loi fasciste ». Le concept même de sécurité sociale n’apparaît cependant qu’en 1935 aux Etats-Unis sous le gouvernement de Roosevelt. Mais son Social Security act ne vise alors que la garantie d’Etat à un système de retraite minimale. Cette révolution correspond aux besoins tragiques nés de la grande crise et elle cherche à couvrir une détresse que la dépression boursière laisse désemparée. Jusqu’à cette époque, aucun pays au monde (en dehors de l’Italie fasciste avec l'INPS, Institut national de la prévoyance sociale, créé par Mussolini) n’avait envisagé un fond de l’importance et de la généralité socialisante de ce trust rooseveltien.
Le programme du Front populaire dans la France de 1936 promettra bien quelque chose d’équivalent.
Mais Léon Blum renoncera très vite à cette « retraite des vieux travailleurs », trop coûteuse aux yeux du gouvernement de gauche. L’instauration de cette avancée sociale attendra la Charte du travail du printemps 1941. Les circonstances l’imposaient car on ne pouvait imaginer, dans le contexte d’alors, faire appel aux marchés financiers pour gérer une épargne collective quelconque. À vrai dire, aucun fond de garantie ne se verra chargé dans le mécanisme, largement dicté par l’urgence, d’assumer la contrepartie de cet engagement de la puissance publique. La déclaration du chef de l’Etat demeura fameuse : « Je tiens toujours mes promesses. Je tiens même celle des autres lorsqu’elles sont fondées sur la justice. ». En somme, Philippe Pétain reprenait à son compte une revendication socialiste Mais il ne préjugeait pas de la manière dont cette répartition, autoritaire et arbitraire, essentiellement destinée à empêcher les vieux ouvriers de mourir de faim dans les difficultés du ravitaillement, pourrait continuer après guerre.
Car la retraite par répartition tend à la pérennisation des économies de pénurie.
Les générations suivantes ont largement oublié combien les misères du temps de l’occupation se sont effectivement aggravées, à bien des égards, une fois la liberté retrouvée. Le premier plan proposé par Jean Monnet en 1945 portait sur la modernisation et l’équipement. Mais la rareté des biens de consommation, de l’électroménager, cette inflation galopante, même les tickets de rationnement, durent au-delà de l’année 1950. Il suffit de lire le Procès du Maréchal Pétain pour comprendre que, pas une seconde, ses pires adversaires, y compris les communistes ne remettent en cause sa politique économique. À peine ironise-t-on sur les velléités corporatistes: il convient quand même de se reporter aux doctrines subséquentes du parti gaulliste à partir de 1947 et même sous la Ve république pour constater une grande continuité avec notamment l’idée de participation et la pratique d’une planification nationale souple. Or, il se trouve que l’occident en général, – "occident" englobant toutes les sociétés privilégiant le marché sur la programmation étatique – a connu dans la même période un développement, un épanouissement et une diversification considérables des productions. Dans le même temps bien évidemment, les innovations technologiques sont entrées dans la liste des besoins diversifiés de la consommation populaire. De ce fait, aucun modèle global de consommation ne saurait plus servir de référence à un État central, à peine capable d’arbitrer entre des intérêts régionaux, et totalement désarmé face aux forces intrinsèques au marché mondial et à ses prospérités diversifiées.
Retirer l’étatisme de la gestion des retraites.
Politiquement sans doute, on doit donc souhaiter la victoire du parti des réformes sur celui de la conservation pure et simple du système actuel. En revanche, telles les ordonnances Barrot de 1996, telle la réforme Fillon de 2003, la feuille de route du gouvernement actuel, adossée elle-même aux mots d’ordre électoraux s'apprête à commette une double erreur. Première erreur : faire de l’intervention étatique le deus ex machina d’un théâtre classique où l'on aimerait à pouvoir sauver le pauvre peuple à partir des gracieuses sauvegardes émanées d’un "prince ennemi de la fraude". Ce scénario ne tient plus. Si honnête qu’on veuille bien l’imaginer aucune équipe gouvernementale en façade, aucune administration financière en coulisse, ne détient la moindre parcelle de compétences pour gérer les besoins de la fin de vie, ni pour l’immédiat, ni au terme des 40 ou 41 années de cotisations que l’on prélèvera aux actifs actuels pour subvenir aux besoins de leurs aînés. Deuxième erreur : l’alignement systématique sur les principes du régime général réputé celui de tout le monde. Entrant dans une telle et double logique, le pouvoir s’exposerait, et il doit effectivement se préparer à l’heure qu’il est, à une prévisible épreuve. On pourrait assister à plusieurs passes d’armes dont la grève du 18 octobre suivie à 74 %, taux d’exception à la SNCF, constitue un hors d’œuvre en dépit du désaveu des usagers. Puis viendra la montée en puissance de tous les syndicats de fonctionnaires autour du 20 novembre, dans un contexte de conflits et d’escamourches artificiellement montés en épingle. Alors viendrait un arrangement. Quand on nous parle des accords de Grenelle, souvenons-nous de l’historique. La CGT, la main dans la main avec un certain Chirac, au bout de l’agitation de 1968, largement fomentée par d’autres, concocta un protocole vicieux par lequel l’économie française entra pour 20 ans dans le chaos inflationniste. Tout simplement alors la bureaucratie de Montreuil obtint de revoir à la hausse, très au-delà de la productivité du travail, les rentes de situation des bénéficiaires de l’emploi empêchant pour longtemps, l’accès au travail de la partie la plus pauvre de la population. Ce que semblent actuellement désirer les promoteurs d’un pacte technobureaucratique entre centrales et administration produirait inévitablement un effet analogue. La catastrophe durable consisterait à rehausser sinon de 20 à 25 % revendication cégétiste, mécaniquement ramené à 10 %, en échange de leur alignement les pensions des personnels à statut. Or, d’autres solutions existent : elles reposent sur le désengagement de l’Etat, la responsabilisation et la libre mutualisation. Bien entendu, le pronostic du probable va dans le sens de telles accointances périlleuses : la tradition gaulliste et chiraquienne s’est en toujours accommodée.
On doit quand même rappeler brièvement l’existence d’autres pistes.
La première consiste à libérer le contribuable du coût de ces régimes déséquilibrés. Tous les régimes spéciaux reposent aujourd’hui sur des transferts financiers provenant précisément de populations ne bénéficiant d’aucun des avantages correspondants. La seconde suppose dès lors un esprit de responsabilité individuelle privilégiant l’épargne personnelle et remettant la pension sociale à sa vraie place, celle d’un secours mutuel. À partir d’une telle logique enfin, on doit envisager une libre mutuellisation de la protection sociale : si les syndicats de cheminots veulent défendre les intérêts de leurs adhérents qu’ils gèrent les caisses auxquelles on adhérera librement. De telles solutions, sous des visages différents, se sont mises en place ces 30 dernières années dans de nombreux pays. Il faudrait une singulière dose d’ingénuité pour tenir encore le système français pour le meilleur du monde. Personne ne l’adopte à l’Étranger. Débarrassons-nous en progressivement, raisonnablement certes mais résolument.
JG Malliarakis
Notes
Livre paru en coll. Pluriel/Hachette en 1985.
Et pourquoi pas une petite ligne de publicité de bon goût…… pour les Éditions du Trident.
Les commentaires récents