Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
L'élection de M. Abdullah Gûl à la présidence de la république à Ankara ce 28 août apparaît sous une forme paradoxale. Sans surprise elle achève un processus de conquête de l'État par les islamistes. Le gouvernement d'Erbakan (juin 1996-juin 1997) avait constitué une première expérience. Aujourd'hui, elle paraît convenir aux démocrates européens. Une audience électorale de plus en plus forte la soutient. Le parti Refah en décembre 1995 représentait 21,3 % des suffrages. Le parti AKP, plus modéré, obtenait 34.3 % des voix (et 363 sièges sur 550) en novembre 2002. Il est passé à 47,6 % (et 340 sièges) aux élections de juillet 2007. L'opposition acharnée des forces laïque freinait le processus. En avril M. Gül avait obtenu 357 voix. Blocage par l'armée. Dissolution. Et malgré le triomphe de son parti aux élections législatives, c'est seulement au 3e tour, où la majorité des 2/3 n'était plus requise qu'il s'est imposé.
Entre-temps le général Buyukanit, chef d'état-major interarmées, avait publié le 27 août, une mise en garde au nom de la laïcité constitutionnelle remontant à la fondation de la république en 1923. Celle-ci se voit grignotée dans les mentalités depuis environ 60 ans, depuis la guerre froide où l'on redonna plus de liberté aux fondations et aux écoles musulmanes.
Dans l'armée turque, on chasse encore les officiers dont les épouses portent le voile islamique. Or, en acceptant d'avoir pour président, chef des armées, le mari d'une femme voilée, la Turquie donne paraît-il le signal d'un changement de paradigme. Cette question qu'on veut significative en Europe irrite profondément les intéressées. "Mon voile recouvre ma tête, pas mon cerveau" déclare ainsi Mme Gül. Rappelons d'ailleurs que Latifé Usakligil (1898-1975) qui fut l'éphémère épouse de Kémal portait elle-même le voile (voir photo). Personne n'y trouvait à redire en occident. Quant aux Turcs eux-mêmes ils considèrent à 72,6 % que ce détail n'a aucune importance, contre 19,8 % de laïcs qui s'en irritent. Et 28,4 % seulement affirment que le chef de l'État turc doit respecter les valeurs républicaines laïques (1).
À la vérité, un contresens a longtemps prévalu en occident et singulièrement en France. Les bons esprits imaginent et propagent le mot d'ordre selon lequel la modernité turque devrait tout à la tradition kémaliste, elle-même héritière des jeunes-turcs. Plusieurs réseaux de manipulation de l'opinion la propagent. Les francs-maçons du Grand Orient de Franc étalonnent leur sympathie proportionnellement au fanatisme antireligieux et à l'acharnement antichrétien. En ce sens les jeunes-turcs (1908-1918) et le kémalisme (depuis 1923) ont battu des records au détriment des Arméniens, des Grecs, des Jacobites, des Nestoriens syriens et kurdes mais aussi des sectes dissidentes soufies, etc
Considéré comme une force stabilisatrice le parti AKP semble recevoir de plus en plus les satisfecit de l'occident. Il va voir les portes de l'Europe s'ouvrir, à mesure d'ailleurs que le projet d'Union européenne perdrait de plus en plus son caractère politique et identitaire, affirmé à Maastricht en 1991 et à Amsterdam en 1997.
Immédiatement le président de la Commission, José Manuel Barroso, s'est trouvé contraint de déclarer qu'un "nouvel élan" aux négociations d'adhésion serait impulsé. Parallèlement la position intransigeante de Paris s'estompe. C'est, peut-être, plus encore que de l'existence d'un gouvernement turc à Ankara, de cette faiblesse collective européenne qu'il convient de s'inquiéter.
JG Malliarakis
Notes
- Sondage publié par le quotidien libéral Milliyet le 28 août.
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Bonjour à tous. Si l'on doit considérer que ce fichu doit passer les frontières, cela me semble un peu léger. Et si la légèreté de Barrozozo cache un plan B, c'est fichu. On ne va quand même pas rester les bras balands devant ces allers et venues du cerveau de ces technocrates du super marché commun! Si Sarko tient devant la Turquie, c'est qu'il a son mot à dire en Europe, bientôt la maison mère de nos fédérations. Sinon, il joue des fausses notes et cela est très désagréable à mes oreilles nourries aux violons de Bartok et aux amours de Maupassant. Mais Bush aime bien les Turcs. Et un burger-kebab sera dur à digérer pour les arriéristes dont je fais partie, même si quelquefois je l'avoue, je me paye un Donner-royal-double. Bon appétit messieurs. PMS.
Rédigé par : minvielle | mercredi 29 août 2007 à 12:36
Une faute de frappe nous prive d'une partie du 4e paragraphe. Et c'est dommage...
Vous nous manquiez.
Réponse : Merci de votre vigilance, grâce à elle le 4e paragraphe est maintenant corrigé.
Rédigé par : saintcast | mercredi 29 août 2007 à 15:40
Est-il possible de connaître le contenu des différents messages de félicitations adressés par les différents chefs d'État et de gouvernement au nouveau président turc ?
À mon sens, ils devraient nous permettre d'évaluer le degré de sympathie qu'ont ces différents États vis-à-vis de ce nouveau parti islamique modéré (avec plein de guillemets) qui va diriger la Turquie.
En ce qui me concerne, la Turquie a déjà un pied dans l'Europe, les islamistes (pas modérés du tout) dans nos banlieues, et nous nous attendons la fin des négociations et un referendum, pour nous retrouver avec l'Irak, la Syrie et l'Iran pour voisins.
Arménien d'origine et pro européen convaincu, je conseille à mes enfants d'apprendre l'anglais, l'américain ou l'australien.
Rédigé par : Gourbetian | mercredi 29 août 2007 à 17:39
Nicolas a dit le Mercredi 29 août 2007 à 14:09
Chronique d’autant plus intéressante qu’elle arrive au moment où la presse anglo-saxonne nous parle d’un “ex-islamiste”, et au moment où M. Sarkozy — refusant explicitement de bloquer les négociations de l’UE avec la Turquie — déclare devant les ambassadeurs de France qu’il faut à tout prix éviter la confrontation avec le monde islamique, dans un discours que Jacques Chirac n’aurait pas renié.
Petite réponse :
Excellente question en effet.
L'islam punissant de mort l'apostasie, et l'islamisme le prenant au pied de la lettre, un "ex" islamiste est un islamiste mort.
Meilleurs sentiments
JGM
Rédigé par : Boîte aux lettres de Lumière 101 | jeudi 30 août 2007 à 08:05
Évidemment si l'on prend Baroso comme référence... le problème c'est qu'ils sont tous du même niveau...
ces "soi disant" représentants des peuples feraient bien de nous écouter un peu plus, mais leur égo est tel...
Rédigé par : Richard | jeudi 30 août 2007 à 15:43
L'élection du président islamiste est due à la connivence des dirigeants européens suivant en cela les pressions de Washinton.L'armée est paralysée pr la" volonté démocratique" des européens .
La Turquie laïque est désormais un rêve du passé trompant l'opinion publique sur la vraie nature de ce géant eurasiatique.
Sarkozy joue un double jeu et n'y peut rien malgré ces déclarations souvent contradictoires. Tout se règlera au niveau des parlements contre l'avis de lamajorité des populations européenne.
C'est la raison principale du blocage dans la reconnaissance des racines chrétiennes fondatrices de la vraie europe et non de la passoire actuelle sous la pression agressive des laïcistes rétrogrades aniti chrtiens qui préfèrent le turban ou le "voile" à la tiare du papr.
Rappellez-vous, alors , le funeste jour du 29 Mai 1453 qui a sonné le glas de l'empire chrétien millénaire Byzantin.
Pierre
Rédigé par : Eïd Pierre | mercredi 05 sep 2007 à 17:42