Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Un certain autisme de la classe politique consiste à ne percevoir parmi les attentes populaires que celles se traduisant par des sollicitations personnelles, par des revendications sectorielles, par des demandes d'allocations.
Le courant de rejet global de la surcharge fiscale et sociale demeure perçu, et ordinairement dénoncé, comme strictement protestataire, comme négateur de la solidarité nationale, et peut-être même comme attentatoire à la démocratie.
Si le travail quotidien de nos parlementaires et de leurs secrétariats submergés de courriers individuels explique en grande partie cette vision fausse des courants de l'opinion, il faut reconnaître aussi que la conception du monde véhiculée par les journalistes y contribue grandement.
Comme certains me soupçonnent, chaque fois que je cite le Figaro Magazine, de prendre mes informations dans le Figaro quotidien, et qu'on me reproche de mentionner Le Monde, j'évoquerai modestement aujourd'hui le traitement de l'information par le quotidien régional monopoliste de mon département, cette Nouvelle République qui est au centre ouest ce que Rantanplan est au far west.
Gros titre en première page dans l'édition du 8 juin : "Réforme fiscale : un coût de 11 milliards d'euros".
Sous-titre encore plus ahurissant "On connaît le détail des mesures promises par le candidat Sarkozy. Les réformes coûteront 11 milliards d'euros, selon François Fillon. Qu'il faudra financer."
La ponctuation mérite l'attention car la virgule avant "selon François Fillon" suggère au lecteur malin que le coût se révélera plus lourd encore. "Et qui paiera ?" est-on de la sorte conduit à se demander ; la réponse qui vient alors à l'esprit est : "encore le contribuable bien sûr !". La boucle est bouclée.
Je n'entrerai donc ici ni dans la défense ni dans la critique des quelques mesurettes annonçant quoiqu'il arrive une sympathique petite décrue fiscale. On pourrait trouver cela bien timide, si on devait en rester là jusqu'en 2012. Au moins se consolera-t-on en pensant à ce que Mme Royal aurait fait.
Le point que je tiens à signaler tient avant tout à la présentation.
En bas de sa première page la "NR" cultive l'habitude d'insérer ce qu'elle tient pour un éditorial. Ici le terme désigne une sorte de commentaire d'écriture automatique signé de M. Jean-Pierre Bel : "Choc fiscal" Opportunément celui-ci rappelle les promesses de Jacques Chirac dans son discours du 27 février 2002 à Saint-Cyr-sur-Loire "près de Tours" précise-t-il, comme si un seul de ses lecteurs d'Indre-et-Loire pouvait l'ignorer : "Pour créer l'élan nécessaire à notre croissance, l'impôt sera baissé d'un tiers en 5 ans". À l'échéance on se retrouve assez loin du compte, et sur ce point la promesse de rupture entre le chiraquisme et le sarkozysme devra s'entendre régulièrement rappelée si elle n'est pas tenue. Le président élu ne pourra pas s'en abstraire, ne disposant lui-même d'aucune autre légitimité nationale, que celle de son programme et de quelques discours bien rédigés.
Quant à M. Bel, il analyse de la sorte les mesures concrètes détaillées le 7 juin : "un choc fiscal pour créer un choc de confiance. Il mêle adroitement des mesures séduisantes pour Monsieur Tout le Monde, quelques coups de règles sur les doigts des méchants dirigeants profiteurs et plusieurs primes surtout intéressantes pour les plus aisés". Une telle présentation, évidemment hostile, évacue la double réalité de toute baisse d'impôts :
1° La baisse des impôts profite par définition à ceux qui les supportent. Et donc, en dehors du plaisir de manier le pléonasme, ce sont les plus sollicités des contribuables qui verront le plus leur feuille d'impôts allégées.
2° D'autre part, toute baisse d'impôts, même modeste, profite au bout du compte à l'investissement, à l'emploi productif, donc à la nation tout entière, donc, en bénéficient, prioritairement, les pauvres.
3° À partir de cette double réalité, dans le cas précis, M. Bel et la Nouvelle République du Centre Ouest" se plaignent de l'habileté consistant à répartir les mesures de manière équilibrée.
Je sens ainsi depuis le début du mois de mai, une nouvelle rhétorique antidroite poindre de la part des gens de gauche, et en cela ils font preuve d'esprit novateur. Ils reprochent à la droite de se montrer habile. Un soupçon affreux, on doit en convenir.
Alors, comme osait s'interroger en privé le regretté Pierre Gripari, à propos des contes les plus fantastiques on se permettra de poser la question : "et si c'était vrai ?"<.
JG Malliarakis
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