Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
La défaite divisant toujours, les prétendus jeunes lions du parti socialiste se prennent en ce moment au jeu, et au discours, de partir en chasse afin de pouvoir dévorer les fameux et vieux éléphants. Et quoiqu'en dise l'ancien trotskiste Henri Weber, aujourd'hui lové dans l'entourage de Laurent Fabius, "la culture de la délibération" s'efface ici devant les bonnes vieilles querelles de basse-cour, et de clocher, dominées depuis le commencement du monde, par les rivalités de personnes.
Il suffit pour s'en convaincre d'observer une seconde les noms mêmes dont s'affublent les courants internes, à commencer par ces improbables "royalistes". Ces factions remontent aux vieilles motions diviseuses du congrès de Rennes de 1990, souvenirs des humiliations encaissées et mal digérées depuis Épinay et la refondation de 1971 de l'ancienne SFIO.
Le parti communiste français ne sort que fort difficilement lui-même de telles équations archaïques. Les descendants des robespierristes et autres réducteurs de têtes éprouvent sans doute encore quelque sombre fierté à la pensée que Marx est devenu Marx dans les années 1840 sur les lieux mêmes où, dans les années 1950, Pol Pot deviendrait Pol Pot : à Paris. Continuateurs impavides d'un tel héritage "national", Buffet demeurerait Buffet, Hue resterait Hue et Gremetz survivrait à Gremetz, hantant à la pleine Lune le mur des Fédérés.
La raison commune à ces deux immobilités, désormais involontaires, ne saurait se dissimuler longtemps.
Ni le PS ni le PCF, malgré qu'ils en aient, ne disposent de réserves de propositions de nature à réformer, d'une manière ou d'une autre la société française. Leur seule stratégie spontanée, qu'on appelait autrefois la défense des acquis, ne relève plus que du conservatisme le plus obtus.
Les "socialistes intelligents", oui, ça existe : on les trouve maintenant, infiltrés dans les rangs de la majorité portée au pouvoir par l'électorat de la droite.
Le trouble s'en propage.
Ainsi, les élus alsaciens, tous UMP, commencent même à s'en plaindre qui voient le seul dirigeant socialiste de leur beau pays nommé ministre dans le gouvernement qu'ils soutiennent.
Le sarkozysme apparaîtrait-il ainsi comme la dernière chance de la gauche française ?
Quelle dérision et quel paradoxe, dira-t-on après ce que nous avons entendu depuis des mois !
Profitons-en pour dire notre sérénité devant une telle situation, faussement "nouvelle", si bien connue des historiens sérieux. Nous devons au contraire nous résoudre, mais seulement je le précise : provisoirement, à la reconnaître pour préférable au pire, en tant que moindre mal, après les décennies désastreuses accumulées que nous avons connues.
Même le parti radical de gauche, cette force dissidente apparue en 1972, pour les élèves étourdis qui auraient manqué l'épisode, branche depuis lors détachée de la glorieuse histoire du "parti républicain radical et radical socialiste" dit aussi "radical valoisien", fond de commerce associé en 1901, envisage un nouveau cours. Il réclame par la voix de M. Baylet que 15 députés suffisent à former désormais un groupe parlementaire. Faut-il illustrer l'événement d'un dessin explicatif ? Ah ! Que d'espérances vibrent ainsi en des cœurs si meurtris de ne plus avoir commodément accès, dans les débits de tabacs, à la lecture salubre de leur bonne vieille Dépêche du Midi.
Quand même, la gauche se remet vaguement, mollement, paresseusement en cause.
Et même Mme Royal en arrive ces jours-ci à concéder le caractère non crédible de la généralisation des 35 heures et du passage du Smic à 1 500 euros. En cet instant délicieux, voilà qui fait enrager les intégristes de son parti les Mélenchon et autres sots : à la bonne heure. Que ne l'a-t-elle découvert avant le 6 mai, cette finaude ?
Mais, incidemment la droite, ou ce qui en tient lieu, gagnerait, du moins je le pense, à faire de même.
Et cette réflexion ne s'applique pas seulement à cette partie étiquetée "nationale", dont je m'étonne toujours que les fins stratèges refusent de comprendre combien leur cloisonnement non seulement ne fonctionne pas, mais que son hypothétique étanchéité elle-même ne posséderait aucun titre à la légitimité et toutes les caractéristiques de la contre-productivité.
L'impératif de remise en cause se révélera très vite nécessaire pour la grande sœur intitulée droite institutionnelle.
Certes elle nous semble, globalement, avoir été électoralement victorieuse. Quoiqu'on en ait dit, à partir du 17 juin, venant après les 53 % de Sarkozy qui l'ont emporté le 6 mai dans quelque 300 circonscriptions, le soi-disant piétinement d'une vague bleue à l'étiage de 330 élus, représente la première reconduction d'une majorité sortante depuis la victoire arrachée si miraculeusement par le gouvernement Barre en avril 1978.
Mais on doit tout de même reconnaître que si on a pu parler, ou rêver, de renouvellement et de rupture, au niveau de l'État et du gouvernement, pas mal de cheminement resterait pour le moins désirable à la base.
Si la demande existe, l'offre demeure insuffisante.
En particulier cela s'applique bien évidemment au sommet comme à la piétaille parlementaire du clan victorieux. Car, s'il nous semble bon et souhaitable d'appliquer au fonctionnariat de ce pays une cure d'amaigrissement conforme aux promesses présidentielles, s'il apparaît comme raisonnable de ne renouveler en gros qu'à 50 % les 70 000 départs en retraite du budget 2008, la nation n'éprouve pas seulement le besoin d'un assainissement de l'État.
Ce pays attend sa guérison d'un mal plus profond. Il se révèle commun aux conservateurs et aux socialistes. Parmi ces derniers on l'observe aussi bien s'ils demeurent dans l'idiotie perverse et sectaire de l'alliance avec le stalinisme ou bien, au contraire, également s'ils rejoignent le clan subtil des sociaux-démocrates. Cette peste dont ils ne meurent pas tous quoique tous soient atteints, cela se manifeste par l'étatisme, par le fiscalisme, par le centralisme. L'urgence est de le comprendre.
JG Malliarakis
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De vos chroniques les plus récentes, cher Jean-Gilles, celle-ci n'est pas la moins savoureuse.
Formons le vœu, en vrais libéraux, qu'avec une Gauche ("de gouvernement")... moins de gauche, la Droite oserait être un peu plus de droite, ne serait-ce que pour répondre à la demande d'un marché électoral qui cherche des valeurs fortes et une offre politique claire.
Alors, aux socialistes, chantons "encore un effort camarades !"
P.S: malgré un baroud d'honneur sur la TVA sociale (qui sera "expérimentée"...) et après le souflet de Dimanche dernier, je vois sans déplaisir un gouvernement aux joues douloureuses nous reparler des régimes spéciaux, du droit de grêve dans les transports publics,etc...
Je n'ai jamais été aussi heureux de ne pas avoir été voter !
Rédigé par : Marc | vendredi 22 juin 2007 à 18:59
Oui, bien sûr, cet article m'interpelle! Mais j'y vois aussi une certaine stupeur de la gauche, qui connaît une mise en relief de ses archaïsmes, et aussi la chose polymorphe, la bête revancharde, le monstre intelligent, qui cherche à s'adapter : rappelons l'analyse assez fine de J. Monnerot dans "la guerre" en question" (ed. du trident) sur la faculté d'adaptation à de nouvelles données du cocoïsme, tout en cherchant de continuer à saper le moral des gens avec leurs casseroles rouillées anti-fasciste-anti-américaine-anticapitaliste-anti gna-gna etc...nous verrons bientôt quel masque ils arboreront pour nous reservir cette soupe insidieuse de la jalousie sociale. Mais en face, l'oignon fait la farce!
PMS.
Rédigé par : minvielle | samedi 23 juin 2007 à 13:20
Qui veut le comprendre, et jusqu'à quel point ? Certes, le pays demande de plus en plus une vraie politique inspirée, par exemple, de ce qui a pu marcher dans d'autres pays européens, mais en même temps, dans les faits, il demande de plus en plus de faveurs diverses. Dans le meilleur des cas, les sacrifices pour les autres. Dans le pire des cas, le beurre et l'argent du beurre. A ce titre, les réactions sur internet à propos des déductions d'intérêts d'emprunts immobiliers ont été édifiantes. Nul doute que la toute première de ces réactions a été plus pour les urnes que pour les échanges sur internet...
La question de fond reste donc le clientélisme, malgré une certaine volatilité de l'électorat. "L'offre" politique garde toujours au moins un volet clientélisme, qui s'avére éventuellement décevant, comme un séjour dans une île paradisaque gratuit, mais voyage non payé. Dit autrement, la notion d'intérêt commun est trop oubliée de l'électorat pour pouvoir la rappeler aux politiques. Pour en revenir à la notion d'offre et de demande, elle suppose des besoins non contradictoires, si on veut l'utiliser avec... profit.
Rédigé par : gros chat | dimanche 24 juin 2007 à 23:20