Le site de L'Insolent est alimenté en toute liberté par les chroniques d'actualité sociale, culturelle, économique et politique rédigées par JG Malliarakis.
À titre exceptionnel la chronique (presque) quotidienne de l'Insolent ne sera renouvelé que le 1er juillet.
J'en profite pour vous inviter à relire mes chroniques précédentes et à m'adresser vos questions auxquelles je m'efforcerai de répondre lors d'une (ou éventuellement deux émissions que j'enregistrerai les 2 et 3 juillet).
Pratiquement donc merci de m'adresser vos questions, de préférence en utilisant la fonction "commentaire" en bas de cette chronique, au plus tard le 2 juillet à 13 heures.
Merci aussi de m'indiquer pour l'usage radiophonique un "prénom" et localisation d'auditeur par ex. Alban correspondant de Lyon qui habite Lyon, etc. ou Christopher de Hong Kong ou Estelle de Lisbonne, etc.) J'essayerai de regrouper les questions par sujets et je mettrai en ligne l'enregistrement de ce ou de ces libres entretiens prochainement sur le site d'Arcole.
Je me permettrai éventuellement d'utiliser vos commentaires déjà postés sur les chroniques précédentes., en tâchant d'y répondre.
Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Ainsi donc l'accord conclu, le 23 juin à 4 h 30, entre les 27 chefs de gouvernements constituant le Conseil européen ne consistera pas en une simple réécriture, dans une langue plus vernaculaire, du texte giscardien.
On ne se bornera pas à une volonté de simplification.
On n'élague pas seulement certaines branches supposées trop représentatives d'une supranationalité estimée effrayante. Le président du Conseil italien déplorait, quant à lui dans La Repubblica du 24 juin : "La persévérance de certains gouvernements à dénier à l'Europe tout aspect émotionnel m'a fait mal".
Ce marchandage intergouvernemental ne contente pas exclusivement la romantique Pologne inventant la représentation proportionnelle à la racine carrée.
Il prend à peine acte, enfin, du refus référendaire franco hollandais de 2005.
Il concède en effet au gouvernement de Londres une distinction nouvelle entre deux sortes d'Européens. Les uns répartis en 26 petits États devraient subir la Charte des Droits. Les autres assemblées depuis 1704 en un Royaume Uni bénéficieraient seuls de la Common Law, à peine amendée depuis les Tudors par l'introduction de l'Equity. Et la Cour de Luxembourg ne saurait y intervenir.
On se doit de le dire d'emblée : nous pouvons comprendre en grande partie les réserves permanentes de l'Angleterre.
Mais ai-je mal lu la dépêche d'Associated Press du 23 juin à 7 h 19 ?
"Les discussions ont été plus faciles avec Tony Blair, qui a obtenu des concessions sur ses "lignes rouges". Le Royaume-Uni bénéficiera notamment d'une dérogation sur l'application sur son sol de la charte des droits fondamentaux, à laquelle le futur traité donnera une valeur contraignante dans les 26 autres États-Membres."
Tiendra-t-on dès lors pour inconvenant de rappeler au Premier ministre britannique le remarquable discours qu'il prononça au parlement européen, à la veille de sa présidence de l'Union, le 23 juin 2005 :
"Je crois en l'Europe en tant que projet politique. Je n'accepterais jamais que l'Europe soit simplement un marché économique. Il y a une union de valeurs, de solidarité entre les nations et les peuples, et non pas simplement un marché social dans lequel nous échangeons mais un espace politique commun dans lequel nous vivons en tant que citoyens."
Ou bien faut-il comprendre que, l'ère blairiste finissant dans 3 jours, son successeur et néanmoins ami Gordon Brown inspirera désormais une politique beaucoup plus restrictive à l'égard des Continentaux ?
Personne ne saurait passer pour complètement innocent dans ce mécanisme.
Certes, on ne peut pas en vouloir au Times d'avoir imprimé le 20 juin un article fort lucide sur la situation française, ou la signature de M. Parris (avec deux r !) écrivant, à juste titre, me semble-t-il :
"Les Français ne semblent pas du tout dans le même état d'esprit [que celui des Anglais lorsque Thatcher arriva au pouvoir]. En clair, je ne pense pas que la France soit prête. Je ne sens pas dans la France profonde (sauf peut-être à Paris) ce sentiment palpable d'être arrivé à un tournant. La France a besoin de changement radical. Cela ne se fera pas sans douleur. Le choc sera rude et sera source de confusion. Nous, Britanniques, avons connu cela avec Margaret Thatcher. Mais, même à la fin de son premier mandat, alors qu'elle était déjà devenue un objet de détestation pour tout le pays, personne ne suggérait de revenir en arrière. Nous avions l'impression que 1979 constituait un point de non-retour que nous avions franchi en toute connaissance de cause."
On se trouve quand même perplexe lorsque l'on découvre, par ailleurs, la doctrine toujours plus protectionniste mise en avant par le gouvernement de Paris. Il se targuait même le 23 juin d'avoir obtenu un recul par rapport aux concept de concurrence libre et non faussé.
Or, pierre angulaire du traité de Rome depuis 1957, sa liquidation, sans mettre un terme à la construction européenne paraît-il, renforcerait, alors et de toute évidence à la fois le caractère technocratique de Bruxelles, et les marchandages autour des droits à subventions.
Un cauchemar, je le dis comme je le pense. Heureusement, on peut espérer que sur ce point les idées françaises ne seront pas suivies.
On se demandera si le pot aux roses n'a pas été révélé par Le Monde observant le 20 juin que la politique européenne menée par l'Élysée ne saurait se passer du feu vert de la gauche.
On doit certes reconnaître à cet accord le mérite de replacer la France dans le concert européen. L'en avaient fait sortir, progressivement, pendant ces 12 dernières années les bourdes et les mufleries de Chirac et de ses courtisans. Elles succédaient à 14 années d'inconsistance élégantes d'un Mitterrand et d'absences frivoles d'un Roland Dumas.
Cocorico soit, mais cocorico modeste et prudent. Car on tiendrait pour fâcheux qu'une certaine roublardise s'investisse exclusivement dans la préoccupation de jouer un rôle si celui-ci devait se révéler contraire aux impératifs nationaux et européens.
Je regrette donc pour tout dire que l'on ne tienne pas compte chez nous de ce qui assure depuis bientôt 30 ans le redressement de l'Angleterre. Nous ne pensons pas ici au blairisme, ce sympathique moindre mal ménageant son héritage depuis 1997, et le rongeant d'ailleurs doucement. Nous devons envier, bien plus, les acquis véritables et chirurgicaux de ses 18 années de thatchérisme.
Car ce sont des libertés analogues à celles reconnues outre-Manche que l'on désirerait ne plus cantonner au bénéfice de la seule monarchie de Grande Bretagne et de ses sujets, mais à l'ensemble de l'Europe, et au peuple créatif de France en particulier.
JG Malliarakis
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Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
La défaite divisant toujours, les prétendus jeunes lions du parti socialiste se prennent en ce moment au jeu, et au discours, de partir en chasse afin de pouvoir dévorer les fameux et vieux éléphants. Et quoiqu'en dise l'ancien trotskiste Henri Weber, aujourd'hui lové dans l'entourage de Laurent Fabius, "la culture de la délibération" s'efface ici devant les bonnes vieilles querelles de basse-cour, et de clocher, dominées depuis le commencement du monde, par les rivalités de personnes.
Il suffit pour s'en convaincre d'observer une seconde les noms mêmes dont s'affublent les courants internes, à commencer par ces improbables "royalistes". Ces factions remontent aux vieilles motions diviseuses du congrès de Rennes de 1990, souvenirs des humiliations encaissées et mal digérées depuis Épinay et la refondation de 1971 de l'ancienne SFIO.
Le parti communiste français ne sort que fort difficilement lui-même de telles équations archaïques. Les descendants des robespierristes et autres réducteurs de têtes éprouvent sans doute encore quelque sombre fierté à la pensée que Marx est devenu Marx dans les années 1840 sur les lieux mêmes où, dans les années 1950, Pol Pot deviendrait Pol Pot : à Paris. Continuateurs impavides d'un tel héritage "national", Buffet demeurerait Buffet, Hue resterait Hue et Gremetz survivrait à Gremetz, hantant à la pleine Lune le mur des Fédérés.
La raison commune à ces deux immobilités, désormais involontaires, ne saurait se dissimuler longtemps.
Ni le PS ni le PCF, malgré qu'ils en aient, ne disposent de réserves de propositions de nature à réformer, d'une manière ou d'une autre la société française. Leur seule stratégie spontanée, qu'on appelait autrefois la défense des acquis, ne relève plus que du conservatisme le plus obtus.
Les "socialistes intelligents", oui, ça existe : on les trouve maintenant, infiltrés dans les rangs de la majorité portée au pouvoir par l'électorat de la droite.
Le trouble s'en propage.
Ainsi, les élus alsaciens, tous UMP, commencent même à s'en plaindre qui voient le seul dirigeant socialiste de leur beau pays nommé ministre dans le gouvernement qu'ils soutiennent.
Le sarkozysme apparaîtrait-il ainsi comme la dernière chance de la gauche française ?
Quelle dérision et quel paradoxe, dira-t-on après ce que nous avons entendu depuis des mois !
Profitons-en pour dire notre sérénité devant une telle situation, faussement "nouvelle", si bien connue des historiens sérieux. Nous devons au contraire nous résoudre, mais seulement je le précise : provisoirement, à la reconnaître pour préférable au pire, en tant que moindre mal, après les décennies désastreuses accumulées que nous avons connues.
Même le parti radical de gauche, cette force dissidente apparue en 1972, pour les élèves étourdis qui auraient manqué l'épisode, branche depuis lors détachée de la glorieuse histoire du "parti républicain radical et radical socialiste" dit aussi "radical valoisien", fond de commerce associé en 1901, envisage un nouveau cours. Il réclame par la voix de M. Baylet que 15 députés suffisent à former désormais un groupe parlementaire. Faut-il illustrer l'événement d'un dessin explicatif ? Ah ! Que d'espérances vibrent ainsi en des cœurs si meurtris de ne plus avoir commodément accès, dans les débits de tabacs, à la lecture salubre de leur bonne vieille Dépêche du Midi.
Quand même, la gauche se remet vaguement, mollement, paresseusement en cause.
Et même Mme Royal en arrive ces jours-ci à concéder le caractère non crédible de la généralisation des 35 heures et du passage du Smic à 1 500 euros. En cet instant délicieux, voilà qui fait enrager les intégristes de son parti les Mélenchon et autres sots : à la bonne heure. Que ne l'a-t-elle découvert avant le 6 mai, cette finaude ?
Mais, incidemment la droite, ou ce qui en tient lieu, gagnerait, du moins je le pense, à faire de même.
Et cette réflexion ne s'applique pas seulement à cette partie étiquetée "nationale", dont je m'étonne toujours que les fins stratèges refusent de comprendre combien leur cloisonnement non seulement ne fonctionne pas, mais que son hypothétique étanchéité elle-même ne posséderait aucun titre à la légitimité et toutes les caractéristiques de la contre-productivité.
L'impératif de remise en cause se révélera très vite nécessaire pour la grande sœur intitulée droite institutionnelle.
Certes elle nous semble, globalement, avoir été électoralement victorieuse. Quoiqu'on en ait dit, à partir du 17 juin, venant après les 53 % de Sarkozy qui l'ont emporté le 6 mai dans quelque 300 circonscriptions, le soi-disant piétinement d'une vague bleue à l'étiage de 330 élus, représente la première reconduction d'une majorité sortante depuis la victoire arrachée si miraculeusement par le gouvernement Barre en avril 1978.
Mais on doit tout de même reconnaître que si on a pu parler, ou rêver, de renouvellement et de rupture, au niveau de l'État et du gouvernement, pas mal de cheminement resterait pour le moins désirable à la base.
Si la demande existe, l'offre demeure insuffisante.
En particulier cela s'applique bien évidemment au sommet comme à la piétaille parlementaire du clan victorieux. Car, s'il nous semble bon et souhaitable d'appliquer au fonctionnariat de ce pays une cure d'amaigrissement conforme aux promesses présidentielles, s'il apparaît comme raisonnable de ne renouveler en gros qu'à 50 % les 70 000 départs en retraite du budget 2008, la nation n'éprouve pas seulement le besoin d'un assainissement de l'État.
Ce pays attend sa guérison d'un mal plus profond. Il se révèle commun aux conservateurs et aux socialistes. Parmi ces derniers on l'observe aussi bien s'ils demeurent dans l'idiotie perverse et sectaire de l'alliance avec le stalinisme ou bien, au contraire, également s'ils rejoignent le clan subtil des sociaux-démocrates. Cette peste dont ils ne meurent pas tous quoique tous soient atteints, cela se manifeste par l'étatisme, par le fiscalisme, par le centralisme. L'urgence est de le comprendre.
JG Malliarakis
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Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Nul ne peut ignorer, à l'ombre du vieux proverbe, le rôle des meilleures intentions dans le pavage de l'enfer. Et, s'agissant des lois régissant les mœurs de notre capitalisme on doit demeurer attentif à leur inaptitude à empêcher les conseils juridiques d'en effacer les effets.
Sur le principe, par conséquent la position du Medef, définie dans un document de 10 pages publié le 9 janvier et réclamant, sous la signature de Mme Parisot, associée à celle de Bertrand Collomb président de l'Association française des entreprises privées : "une gouvernance des entreprises françaises qui soit aussi exigeante, intelligente et exemplaire que possible" me semble équilibrée. Elle découle de travaux et recommandations entrepris depuis le rapport Viénot de 1995, suivi de celui de M. Bouton en 2002. Elle écarte l'intervention d'une législation arbitraire.
L'idée, au contraire, de ne miser que sur la réglementation autoritaire de l'État hexagonal face à des structures de plus en plus transnationales distille, certes, un parfum d'autrefois. On n'en méconnaîtra pas le charme. Mais on doit mesurer d'emblée son ingénuité, et par conséquent son impuissance.
Et comme nous nous trouvons en présence d'un projet du gouvernement Fillon, renouvelé ce 19 juin, identifié à "la droite", et donc aux pires impopularités de l'oligarchie et de la ploutocratie, Le Monde daté du 20 juin imprime non sans délectation que "les avocats étudient déjà des moyens de contournement".
Si j'osais, je rappellerais à ce journal que la législation sur le sérieux de laquelle il ironise à bon droit, remonte quant à son principe à la loi grotesque et malfaisante de 2001, votée à l'ère jospinienne par la majorité parlementaire socialo-communiste, sous le nom dérisoirement significatif de Nouvelles régulations économiques.
La première leçon à retenir touche donc à cette maladresse inéluctable de l'étatisme législateur. La démarche constructiviste de notre production de normes juridiques continuera encore longtemps sans doute, tant que les technocrates et leurs sous-produits demeureront dominants dans les antichambres du pouvoir et dans les fabriques de l'opinion. Ne perdons jamais de vue en effet le rôle affreux de nos médiats dans la déformation des faits, dans la fabrication des concepts et dans la manipulation des slogans. On a pu encore le mesurer au cours de la semaine du 11 au 17 juin autour du dossier falsifié de la TVA sociale. Le voici à l'œuvre autour de la dénonciation de ce qu'on prétend appeler, d'un terme générique, les "patrons voyous".
Oui le comportement de certains dirigeants d'entreprises, au mépris des actionnaires, appelle des réactions. Nous nous trouvons ici en présence d'un principe bien connu des physiciens.
La question véritable tient à la portée de nos réprobations et à la nature des sanctions : est-ce à une administration de les définir et de les appliquer ? Honnêtement, je ne le crois pas.
Le cas le plus spectaculaire aura été celui de M. Forgeard. Ce Père Noël emporta un beau jour dans sa hotte les jouets de beaucoup de petits enfants. Ne parlons même pas du "soupçon de délits d'initiés" (selon Le Monde). La présomption d'innocence n'a pas attendu Mme Guigou : elle découle de la déclaration de 1789, et cela devrait suffire.
Citons simplement Le Monde daté du 12 avril sur les faits :
"Un document envoyé aux actionnaires en vue de l'assemblée générale du 4 mai a révélé que Noël Forgeard avait, "en vertu de son contrat de travail, eu droit à six mois de préavis, représentant 1 223 317 euros (salaire brut et bonus) et des indemnités de départ de 4 893 268 euros, soit deux ans de salaire brut annuel". Un total de plus de 6,1 millions d'euros. Ce n'est pas tout. M. Forgeard bénéficie d'une indemnité liée à une clause de non-concurrence de deux ans, qui représente un montant brut mensuel de 101 917 euros, soit 2,44 millions d'euros en tout à ajouter aux autres 6,1 millions."
M. Forgeard éprouvera beaucoup de difficulté à nous tirer une larme, pas plus que M. Meyssier.
Mais que représentent donc ces gens : ils ne symbolisent certainement pas l'entreprise, encore moins la libre entreprise, ils incarnent exactement le contraire, produits de l'étatisme à la française, de la Chiraquie et l'énarchie.
Qu'on balaye les épluchures de tels héritages, rien de plus souhaitable pour le redressement de la France.
Qu'on identifie les pratiques des voleurs à l'exercice du droit de propriété, à l'initiative individuelle et à la liberté des contrats voilà un paradoxe dans lequel on ne saurait sombrer.
JG Malliarakis
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Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Les gros médiats s'interrogent ce matin sur le nombre et sur les détails des changements à venir, de manière incessante, dans l'équipe gouvernementale dirigée par François Fillon. La vraie question cependant me semble plutôt porter sur la nature et sur l'ampleur des réformes auxquelles le chef de l'État, et l'ensemble de la coalition législative majoritaire s'apprêtent à procéder. Et certains manipulateurs professionnels de l'opinion dirigeante cherchent même à tirer profit du léger effritement de l'UMP le 17 juin pour en entraver la mise en place. Une telle manœuvre d'intoxication et d'intimidation nous ramène deux républiques en arrière, sous la glorieuse IIIe du nom, dont l'illustrissime parti radical tente ces jours-ci de manifester, autour de Borloo, son improbable renaissance.
Le sentiment populaire français va pourtant clairement à l'inverse de telles réticences. Les électeurs ont voté à 53 % dans le sens des réformes le 6 mai, et ce pourcentage était même passé à 55 % le 10 juin, les adversaires se réfugiant provisoirement dans l'abstention. Et un récent sondage, diffusé le 18 juin et vite occulté, confirme pourtant le pourcentage présidentiel : 53 % des Français souhaitent des "réformes" rapides.
Osons quand même rappeler ceci : dès 1995, un sondage IFOP publié par "le Journal du Dimanche" en date du 10 septembre établissait que le même pourcentage trouvait, déjà, que les "réformes" du gouvernement Juppé n'allaient ni assez vite, ni assez fort.
Idem à l'époque du gouvernement Balladur, doublé par son concurrent dans la course présidentielle, et "ami de 30 ans" durant l'hiver 1994-1995, parce qu'insuffisamment "réformateur". Au refrain.
La question qui demeure porte seulement sur le contenu des dispositions gouvernementales envisagées. Elles pourraient se trouver en contradiction avec l'aspiration profonde des droites qui l'ont élu, faisant essentiellement, et heureusement, barrage au projet de Mme Royal dont on cherche vainement aujourd'hui à nous faire oublier l'éclatante inanité.
De quelle espèce de "réforme" parle-t-on en effet quand on prend connaissance des propositions de M. Frédéric van Roekheghem ? Cet illustre directeur de la Caisse nationale d'assurance-maladie, en poste depuis 2004, se présente pour le futur comme "sauveur de la sécurité sociale". Il ratiocinait encore ce 18 juin toujours autour du même type de réglementation : restriction de la consommation de médicaments, encadrement bureaucratique des actes médicaux, fonctionnarisation des généralistes, ceci sans jamais envisager le libre choix des assurés.
Tous ces technocrates ont-ils une seule fois réfléchi au fait que la gestion rationnelle du monopole n'existe pas, et que si sa simple possibilité s'était manifestée au cours du XXe siècle, où on y a beaucoup cru, le prix Nobel d'économie s'appellerait sans doute prix Staline ?
Lors de l'inauguration du TGV Est, le 9 juin à Strasbourg, le Premier ministre a beaucoup indisposé la technostructure dirigeant la SNCF en lui rappelant sa mission de servir le public, transporter de manière satisfaisante des hommes et des marchandises. À croire vraiment qu'il se serait nourri de la lecture de Frédéric Bastiat. Mme Idrac, présidente de l'institution, a ainsi laissé filtrer dans la presse l'accusation selon laquelle M. Fillon contreviendrait à l'intégrisme ferroviaire. Il avait osé se transporter de matière "multimodale", en passant par la Lorraine sans sabots, comme si l'usage ministériel de l'avion et de l'automobile devait porter atteinte à l'identité nationale.
Or si on veut bien comparer son discours, certes "réformateur", et nécessaire, à ceux qui l'ont précédé il y a 30 ou 40 ans, on découvre avec stupeur que la défunte Union Soviétique connaissait à peu près les mêmes débats, les mêmes interdits monopolistes, sanctionnés plus durement il est vrai, mais pas plus efficacement, et les mêmes mini-scandales, tempêtes artificielles dans un verre d'eau, ou plutôt de vodka. Les mêmes discours "antibureaucratiques" revenaient de manière constante dans tous les torchons officiels. Françoise Thom a même démontré le rôle pionnier de Beria dans la découverte des faiblesses, et même de la faillite, du système communiste, présageant dès 1947 de la ruine du pays et de l'Empire. Le maître de l'espionnage soviétique disposait, à vrai dire, de sources d'informations très supérieures à celles de ses compatriotes et camarades du Parti. Âme damnée de Staline, il ne survécut guère à son maître, après l'avoir probablement assassiné.
Dès l'été 1953 le Politburo l'éliminait.
Puis vint le "réformateur" Khrouchtchev (1953-1964).
Puis arriva le "réformateur" Brejnev (1964-1982).
Après le "réformateur" Andropov (1982-1984) – et après Tchernenko cette misérable loque (1984-1985) – survint en 1985 le "réformateur" Gorbatchev lequel mit fin en 6 ans à une expérience de 70 ans.
La France aura-t-elle les moyens d'attendre si longtemps ? Après tout l'étatisation du chemin de fer date de 1937 et celle des assurances sociales remonte à 1945.
Sans trop rêver d'une idéale Thatcher française, je crains donc qu'il faille nous contenter de commencer par un Gorbatchev français.
JG Malliarakis
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Ce matin, notre irremplaçable Agence monopoliste France-Presse semblait accorder plus d'importance à la séparation du couple Royal-Hollande qu'aux résultats en demi-teinte du deuxième tour des élections législatives. Pourtant les faits et les chiffres de ce 17 juin 2007, première victoire d'une majorité sortante depuis exactement 30 ans, méritent l'attention si l'on se préoccupe du devenir de notre démocratie.
Le taux d'abstention sans précédent, à hauteur de 39,9 %, pour ne pas dire 40, fait contraste avec la participation record des deux tours de la présidentielle. D'autres données statistiques observées depuis 1981 le confirment, y compris le taux le plus bas, 21 %, celui de 1986 où le mode de scrutin relevait de la proportionnelle : tout cela reflète hélas la primauté accordée par les électeurs au choix du chef de l'État. Et cela augure difficilement de l'indépendance future du parlement.
Inutile d'égrener ici la litanie funèbre des personnalités battues.
Soulignons au contraire, sans nous en satisfaire, que le PCF disposera de 15 élus officiels plus deux marginaux, l'apparenté Brard de Montreuil et l'indécrottable stalinien Gremetz, plus les 3 ou 4 indépendantistes d'outremer. De la sorte, il pourra encore maintenir l'existence de son groupe parlementaire et les prérogatives comme les subsides y afférents. À l'inverse, ni les 7 % de voix obtenues par le MODEM le 10 juin, ni les 11 % d'électeurs du FN du 22 avril, ni la mouvance des Verts ne manifesteront guère leur existence au sein de l'Assemblée. À peine, 2 villiéristes, plus M. Myard élu à Maisons-Laffitte sous l'étiquette UMP entretiendront-ils la flamme de cette petite droite "souverainiste" qui se glorifiait, en 2005, d'avoir, définitivement croyait-elle, terrassé ce qu'elle appelle "l'Europe de Jean Monnet".
Non, par conséquent, la configuration de cette chambre basse ne saurait être tenue pour un "point de détail" de l'équilibre institutionnel et de la vie politique.
De même la disparition de Juppé représente, pour le clan chiraquien, une perte substantielle, beaucoup plus, bien évidemment, qu'une simple déconvenue, encore qu'un homme politique vivant puisse toujours manifester sa nuisance. Carignon, par ailleurs, en dépit du soutien – non dénué d'un paradoxal panache – témoigné par BHL, n'importunera plus les Grenoblois. Quant à Chirac lui-même son immunité juridictionnelle se termine aujourd'hui.
Point très important pour l'avenir du microcosme politicien : l'électorat du Modem s'est majoritairement reporté (55 % contre 28 % disent les études par sondages) du côté socialiste, où l'on, persiste encore à se tirailler sur l'alliance avec le parti communiste mais où on n'ose plus guère l'invoquer.
On aurait aimé pouvoir joyeusement saluer ce matin l'avènement, après la disparition des triangulaires, d'un véritable régime bipartisan à la française.
On ne saurait y souscrire, tant que la droite demeurera captive des états-majors parisiens et de leurs investitures, des financements étatiques et centralisés, et surtout des mots d'ordre du prêt-à-penser.
Il reste évidemment beaucoup à faire pour la détacher véritablement de la pensée unique et de l'intimidation idéologique où, si majoritaire apparaisse-t-elle dans les urnes et dans les comices, elle mendie encore sa légitimité culturelle en s'égarant dans les labyrinthes élaborés par ses adversaires. Je voudrais ne pas devoir dire : par nos ennemis.
JG Malliarakis
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Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
On connaîtra dans 3 jours la composition de la prochaine Assemblée nationale. Mais, dès maintenant, on peut seulement présumer qu'elle ne fera pas trop de chichis quand il s'agira de voter les projets gouvernementaux. Et on assiste déjà à un grand déballage d'arguments autour de l'un d'entre eux, baptisé "TVA sociale".
Face aux opinions tant soit peu abstraites avancées en faveur de cette idée "globale", les défenseurs les plus autorisés de l'économie de liberté se sont exprimés à plusieurs reprises, dans le passé, pour en condamner le mécanisme. Pour ma modeste part, j'ai retenu surtout que le dispositif d'une "TVA sociale" correspondrait, tel qu'on nous l'a présenté jusqu'ici, à une inspiration protectionniste, au bout du compte absurde (1).
Je trouve, aussi, qu'un tel débat sonne étrangement. On l'a, une fois de plus, engagé sur la base de simples slogans. Or, nous ne nous situons qu'aux premiers jours d'une réflexion confiée sur ce thème à la responsabilité de M. Éric Besson. On a demandé à ce socialiste intelligent rallié, à ce titre, à l'actuelle majorité, de définir le cadre de l'ébauche d'une esquisse de ce qui constituerait demain, ou après-demain, l'avant-projet de la réforme murmurée.
Je propose donc qu'on sorte des hypothèses échafaudées et reformatées par les gros médiats. Manifestement, la gauche aime à faire son miel de ce type de dossiers : je me refuse à la suivre sur son terrain (2).
Car nous nous trouvons, par ailleurs, en présence d'une véritable proposition à étudier avec le projet de loi "en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat". Il comporte 8 points. Et comme 6 articles tendent à une baisse des prélèvements obligatoires dès 2007, la gauche trouve commode, mélangeant tout, de planter l'horrible épouvantail d'une très éventuelle aggravation de la fiscalité en 2009.
Très rapidement le texte va être soumis au parlement. Dès juillet assure-t-on.
Or, rien n'indique encore que le rôle de nos chers députés s'investirait dès demain dans moins d'assistanat ponctuel, ni donc dans plus de travail sur les vraies questions d'intérêt national.
De la sorte, le débat sur ce projet mérite d'être suivi avec vigilance par les citoyens et contribuables.
Critiquer systématiquement un certain nombre de mesures techniques se révèle cependant toujours plus facile, et plus agréable à la plume, que de tenter honnêtement d'y voir clair.
On dit du diable qu'il aime à se nicher dans les détails : on peut donc, aussi, l'y débusquer et l'en chasser.
Sur les 8 articles avancés du projet, 6 correspondent aux décrues fiscales promises. Par ailleurs, les deux autres tendent à moraliser certaines pratiques de dirigeants de très grosses entreprises ayant donné lieu ces dernières années à des abus scandaleux.
À propos de ces 2 mesures, soit sur la limitation des stocks options comme sur celle des parachutes dorés, il faudrait beaucoup de candeur pour en contester le principe. Reste à savoir où et comment elles trouveront leur point d'application.
Sur les droits de successions, on se demandera s'il n'eût pas été préférable de les supprimer purement et simplement en réduisant par ailleurs les impôts et frais de mutations ou de donations entre vifs. On perd souvent de vue que seulement 20 % des successions supportent l'impôt : or, ce sont précisément ces transmissions de patrimoines qui occasionnent les situations les plus dommageables pour l'économie hexagonale. Un nombre considérable d'entre elles aboutit soit à de fuites de capitaux, soit, à l'inverse, à des rachats d'entreprises par des Étrangers.
Sur la déductibilité des intérêts d'emprunts immobiliers, disposition qui existait antérieurement à 1997, nous avons déjà exprimé notre scepticisme relatif. Nous aurions préféré un assainissement de ce marché locatif actuellement "à deux vitesses" qui pénalise si gravement les jeunes Français actifs n'ayant pas le bonheur d'offrir des garanties familiales, etc.
Bien entendu la question des heures supplémentaires focalise, elle aussi, le débat Tous les arguments avancés par la gauche, la CGT et d'autres bureaucraties syndicales, relèvent de la dérision et du parti pris. On ne peut pas les suivre. On peut quand même se demander comment tout cela fonctionnera dans la pratique. Si les défiscalisations et si les exonérations devaient entraîner des effets si positifs aux marges, pourquoi ne pas aller jusqu'au bout ? Pourquoi ne pas permettre un maximum de salaire direct complet, et le libre choix de la protection sociale ?
Les réflexions absurdes du type "cela n'est pas financé" n'ont pas manqué. Elles évacuent pourtant le fait qu'aucune dépense maladie ou vieillesse supplémentaire n'en résultera marginalement, de sorte qu'on ne voit pas quelle perte elles entraîneraient dans les comptes sociaux.(3)
Mais entrer dans un tel débat poserait finalement aussi le problème de l'absurdité générale du fiscalisme. Je préfère donc m'arrêter ici de peur de m'exposer à l'accusation fatale du crime de lèse-Bercy.
JG Malliarakis
Notes
Nous nous permettons de renvoyer le lecteur sur notre site d'archives à l'Insolent du 25 novembre 2004 "Non, non et non au projet de TVA sociale" soulignant que "Pascal Salin montre par ailleurs en quelques lignes que la TVA dite sociale n'aurait aucun effet sur le "solde commercial" de la France."
Le Monde le 13.06.07 à 16h49 indique ainsi : C'est le "seul et unique mot d'ordre" du Parti socialiste pour le second tour des élections législatives : "Le 17 juin, votez socialiste contre la TVA à 24,6 % !" , a déclaré le porte-parole du parti, Benoît Hamon, mercredi 13 juin.
Je ne comprends même pas, au fond, comment M. Fillon peut parler, dans son entretien au Parisien du 7 juin d'un coût qui serait "situé entre 5 et 6 milliards d'euros" pour l'exonération des heures supplémentaires.
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Un certain autisme de la classe politique consiste à ne percevoir parmi les attentes populaires que celles se traduisant par des sollicitations personnelles, par des revendications sectorielles, par des demandes d'allocations.
Le courant de rejet global de la surcharge fiscale et sociale demeure perçu, et ordinairement dénoncé, comme strictement protestataire, comme négateur de la solidarité nationale, et peut-être même comme attentatoire à la démocratie.
Si le travail quotidien de nos parlementaires et de leurs secrétariats submergés de courriers individuels explique en grande partie cette vision fausse des courants de l'opinion, il faut reconnaître aussi que la conception du monde véhiculée par les journalistes y contribue grandement.
Comme certains me soupçonnent, chaque fois que je cite le Figaro Magazine, de prendre mes informations dans le Figaro quotidien, et qu'on me reproche de mentionner Le Monde, j'évoquerai modestement aujourd'hui le traitement de l'information par le quotidien régional monopoliste de mon département, cette Nouvelle République qui est au centre ouest ce que Rantanplan est au far west.
Gros titre en première page dans l'édition du 8 juin : "Réforme fiscale : un coût de 11 milliards d'euros".
Sous-titre encore plus ahurissant "On connaît le détail des mesures promises par le candidat Sarkozy. Les réformes coûteront 11 milliards d'euros, selon François Fillon. Qu'il faudra financer."
La ponctuation mérite l'attention car la virgule avant "selon François Fillon" suggère au lecteur malin que le coût se révélera plus lourd encore. "Et qui paiera ?" est-on de la sorte conduit à se demander ; la réponse qui vient alors à l'esprit est : "encore le contribuable bien sûr !". La boucle est bouclée.
Je n'entrerai donc ici ni dans la défense ni dans la critique des quelques mesurettes annonçant quoiqu'il arrive une sympathique petite décrue fiscale. On pourrait trouver cela bien timide, si on devait en rester là jusqu'en 2012. Au moins se consolera-t-on en pensant à ce que Mme Royal aurait fait.
Le point que je tiens à signaler tient avant tout à la présentation.
En bas de sa première page la "NR" cultive l'habitude d'insérer ce qu'elle tient pour un éditorial. Ici le terme désigne une sorte de commentaire d'écriture automatique signé de M. Jean-Pierre Bel : "Choc fiscal" Opportunément celui-ci rappelle les promesses de Jacques Chirac dans son discours du 27 février 2002 à Saint-Cyr-sur-Loire "près de Tours" précise-t-il, comme si un seul de ses lecteurs d'Indre-et-Loire pouvait l'ignorer : "Pour créer l'élan nécessaire à notre croissance, l'impôt sera baissé d'un tiers en 5 ans". À l'échéance on se retrouve assez loin du compte, et sur ce point la promesse de rupture entre le chiraquisme et le sarkozysme devra s'entendre régulièrement rappelée si elle n'est pas tenue. Le président élu ne pourra pas s'en abstraire, ne disposant lui-même d'aucune autre légitimité nationale, que celle de son programme et de quelques discours bien rédigés.
Quant à M. Bel, il analyse de la sorte les mesures concrètes détaillées le 7 juin : "un choc fiscal pour créer un choc de confiance. Il mêle adroitement des mesures séduisantes pour Monsieur Tout le Monde, quelques coups de règles sur les doigts des méchants dirigeants profiteurs et plusieurs primes surtout intéressantes pour les plus aisés". Une telle présentation, évidemment hostile, évacue la double réalité de toute baisse d'impôts :
1° La baisse des impôts profite par définition à ceux qui les supportent. Et donc, en dehors du plaisir de manier le pléonasme, ce sont les plus sollicités des contribuables qui verront le plus leur feuille d'impôts allégées.
2° D'autre part, toute baisse d'impôts, même modeste, profite au bout du compte à l'investissement, à l'emploi productif, donc à la nation tout entière, donc, en bénéficient, prioritairement, les pauvres.
3° À partir de cette double réalité, dans le cas précis, M. Bel et la Nouvelle République du Centre Ouest" se plaignent de l'habileté consistant à répartir les mesures de manière équilibrée.
Je sens ainsi depuis le début du mois de mai, une nouvelle rhétorique antidroite poindre de la part des gens de gauche, et en cela ils font preuve d'esprit novateur. Ils reprochent à la droite de se montrer habile. Un soupçon affreux, on doit en convenir.
Alors, comme osait s'interroger en privé le regretté Pierre Gripari, à propos des contes les plus fantastiques on se permettra de poser la question : "et si c'était vrai ?"<.
JG Malliarakis
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Depuis bientôt un demi-siècle les Français ont pris l'habitude d'un gouvernement réduisant à peu de chose la séparation des pouvoirs et abaissant l'importance du pouvoir législatif. Depuis ce lundi 11 juin, on a pu mesurer à cet égard une nouvelle évolution de la pratique politique. Nous évoquons ainsi, certes, un épisode exempt de scandale. On pourra en discuter le fond quoiqu'il s'approche des promesses électorales d'abrogation des décrets Robien. Mais il me semble avant tout significatif du point de vue des institutions. Car le chef de l'État est intervenu en personne dans une négociation avec les syndicats d'enseignants, tâche jusqu'ici gérée par les ministres ou par le chef du gouvernement.
Ce nouveau pas vers la présidentialisation d'une constitution de 1958 théoriquement parlementaire peut conduire au pire comme au meilleur.
L'indifférence des citoyens constitue à cet égard la plus grave des menaces.
Face au premier tour du scrutin législatif le dimanche 10 juin, elle pouvait aisément se mesurer. Le résultat apparaissait mathématiquement comme triomphal pour les droites. Ainsi tout le monde parle dès maintenant d'une vague bleue qui pourrait amener au Palais Bourbon le 17 un flot de 400 peut-être 450 députés UMP.
Or, par ailleurs on doit aussi constater une autre tendance. Ce même dimanche, un mois après la participation record du 6 mai, l'abstention se retrouvait de nouveau comme constituant derechef le premier parti de France, une masse rassemblant 39,5 % des électeurs.
Le résultat peut-il s'inverser ? En faveur de l'opposition ? Peu probable. Tout au long de l'Histoire électorale, on a certes, vu dans le passé des changements imprévus entre les deux tours. Mais cela s'est produit avec des dirigeants de gauche moins démonétisés et moins divisés que l'actuelle équipe socialiste.
On parle aussi, sans doute un peu tôt, de l'effondrement de la droite nationale. Avec 4,6 % des voix pour le FN, son plus faible score depuis 1981, 0,5 % pour le MNR et 2,6 % pour le MPF et le CNI, l'ensemble de ces petits partis pourrait toutefois espérer obtenir au second tour 2 ou 3 sièges de députés. (1) Tous ceux, ou celles, qui parviendraient à siéger apparaîtraient, malgré qu'ils en aient, comme tributaires d'une alliance de fait avec la droite institutionnelle. Ceci confirmerait notre impression quant à la recomposition de cette famille politique, et probablement sa réorientation, sinon son ralliement officiel.
La vraie question cependant portera bientôt sur l'ensemble de l'assemblée elle-même, sur sa fonction.
Le bon peuple peut légitimement se demander, en effet, à quoi pourrait bien servir une simple chambre d'enregistrement, considérée comme secondaire sinon boudée par les Français, si ses élus ne prennent pas en main par leur initiative et leur talent le rééquilibrage nécessaire des pouvoirs.
Dans la foulée d'une funeste tradition bonapartiste, nos compatriotes confondent, hélas trop facilement, deux formes de "présidentialisation".
La première nous semblerait respirable, qui assurerait l'évolution vers une constitution vraiment présidentielle. Cela impliquerait comporterait alors, au bout du compte, une authentique séparation des pouvoirs, supposant, doit-on le préciser, un respect mutuel. Un tel schéma pourrait se situer dans la logique du système, plus proche, par son mode d'élection depuis la réforme de 1962 du modèle "américain" que du "britannique". Mais cela comporterait aussi une pratique de coopération "civique" des pouvoirs, un peu difficile dans le contexte français où tout prend un tour idéologique et où tout accord "bi partisan" est ressenti, de part et d'autre, comme une affreuse compromission.
Cela supposerait sans doute également une révision des calendriers électoraux : rappelons ainsi qu'aux Etats-Unis on vote tous les deux ans à date fixe et que lors du scrutin présidentiel on élit en même temps des sénateurs, des représentants, etc.
En choisissant, par une loi organique de 2001, datant du gouvernement Jospin, d'élire le chef de l'État d'abord, les députés ensuite, on a clairement signifié qui donne le ton.
Sous le même terme de "présidentialisation" certains envisagent alors le renforcement du caractère plébiscitaire, d'un pouvoir exécutif accaparant dans la pratique l'initiative et la rédaction des lois : cette tendance plaît à une certaine classe dirigeante française, aux courtisans, à une partie des journalistes, et à tous les secteurs de l'opinion inconditionnels de "l'ordre", etc.
Mais ni dans l'Histoire de France ni nulle part ailleurs une telle "présidentialisation" n'a donné durablement de bons résultats.
Si nous cédions à une telle et dangereuse pente, la France se verrait gouvernée de manière plus technocratique, plus énarchique, plus synarchique encore.
Il faut absolument s'opposer à cette hypothèse.
Nous ne saurions croire du reste que tel puisse être le but recherché par les sarkozystes eux-mêmes ! Pour l'instant, le discours tenu le 10 juin par les agréables visages de Rachida Dati et Valérie Pécresse s'en tient au contrat découlant du programme présidentiel. Le concept d'un blanc-seing qui aurait été conféré par le peuple au chef de l'État, et à lui seul, se situerait donc à l'inverse des intentions gouvernementales.
Non seulement, par le scrutin du 6 mai, 53 % des Français l'ont préféré à ce qui serait advenu d'une victoire de Ségolène Royal. Mieux : ils lui ont donné un mandat assez clair, et même exigeant, sinon (juridiquement) "impératif". Sur les points importants, il faudra souhaiter, dans les mois à venir, que les promesses en soient tenues. Et il conviendra probablement de manifester clairement ce désir, y compris dans la rue.
Parmi les promesses du gouvernement Fillon il sera ainsi intéressant de suivre celle qui concerne l'éviction des ministres candidats qui se retrouveraient battus au deuxième tour.
Restons donc attentifs, et même très vigilants, quant à l'évolution des institutions.
Et puis, pour les jours à venir souhaitons, aidons au besoin, à la déroute de quelques personnages franchement antipathiques et au succès des quelques personnalités sympathiques et en lice au deuxième tour, dont la présence relèverait ou pimenterait la représentation nationale.
JG Malliarakis
Notes
Les partisans du scrutin proportionnel prendront argument, une fois de plus, du fait que les communistes en espèrent encore 15 avec moins de 5 % des voix et qu'on en promet à peine 4 au Mouvement de Bayrou qui a obtenu pourtant plus de 7 % des suffrages.
[J'ai daté de ce mercredi 13 un article commencé lundi matin et interrompu pour des raisons techniques subalternes dont je prie mes fidèles lecteurs et auditeurs de ne pas me tenir rigueur. Nous reprendrons le fil à partir jeudi matin !!!]
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On parle beaucoup ces derniers temps dans les milieux concernés de la recomposition de ce qu'on appelle la droite nationale.
À titre tout à fait exceptionnel, ayant été contacté par plusieurs journalistes à ce sujet, en ayant éconduit la plupart, je me sens un devoir de prendre la plume sur cette question, aujourd'hui, c'est-à-dire avant le premier tour des élections législatives.
Je dois d'abord situer "d'où je m'exprime" : classé dans d'inusables fichiers comme "homme d'extrême droite", je ne sais pas ce que recouvre cette appellation et ne la revendique pas. N'ambitionnant aucune fonction, surtout pas élective, je me moque éperdument du fait qu'elle me soit accolée (1) : "les mots sont des étiquettes que nous collons sur les choses" (Pareto).
Le fait important à mes yeux se situe sur le terrain des idées et de la vie culturelles, incluant les choix économiques, mais non sur celui des conjonctures purement politiques dont ce printemps nous a donné un échantillonnage redondant.
Adversaire radical de l'Utopie, je ne récuse certainement pas, en revanche, mon affiliation philosophique de droite, au sens large. Et je constate aussi qu'en face des périls extrêmes encourus par la civilisation, l'eau tiède de la modération devient à son tour elle-même exagérée. Je la tiens donc, à ce titre, pour insignifiante.
Cela étant posé, je n'ai jamais appartenu ni de près ni de loin au Front national : en revanche je n'écris ni pour ni contre ce parti, et ne prétends, bien évidemment, donner aucune leçon d'efficacité à son président pour lequel je garde en mémoire une image remontant au procès du général Salan. Je ne pense pas non plus l'offenser en constatant qu'après avoir, depuis 25 ans, porté pratiquement seul les couleurs de ses opinions, et tenu la dragée haute à tous ses adversaires, il voit désormais certaines de ses idées et quelques-uns de ses thèmes repris (2) par des concurrents et particulièrement par le plus habile d'entre eux. Dans un tel registre aucun drapeau n'appartient à personne : on doit toujours considérer comme un grand honneur de s'être montré un précurseur et cela ne doit comporter aucune amertume (3).
Le aficionados et les supporters de la droite nationale, et surtout ses porte-parole institutionnels, ont évalué, à tort, que les 17 % de 2002 et même la participation au second tour allaient de soi. Ils pensaient que les raisons "objectives" du développement du FN, – en concurrence du reste avec le MNR et le MPF, – et notamment l'insécurité, n'ayant pas vraiment reculé depuis 5 ans, tout affaiblissement du vote FN ne pourrait résulter que d'une vile manœuvre, que d'une manipulation des faits, ou d'une tromperie délégitimant le bénéficiaire.
Ce raisonnement naïf, et même fort court, venant de la part de gens professant trop souvent leurs sarcasmes pour la démocratie et leur dédain pour la plèbe des sots, témoigne précisément de leur profonde ingénuité pour ne pas dire de leur paresse intellectuelle. Je ne sais pas comment il faut traduire à l'usage des francophones l'expression anglaise wishfull thinking. Une charmante et vieille amie provençale disait, dans ma lointaine jeunesse, avec cette intonation spéciale aux bourgeois marseillais s'efforçant de parler "pointu" : tu fais la chanson et tu la chantes. Je crois m'être guéri, et il faut toujours se corriger d'un tel travers.
Au bout du compte, à mes yeux, et si nous voulons réformer la France pour la redresser et lui redonner sa place en Europe, il ne devrait précisément pas exister une droite nationale, se pensant et souvent se voulant radicalement distincte de la droite libérale, de la droite fédéraliste et de la droite chrétienne. Ces quatre familles devraient n'en former qu'une, au sens large, incluant leurs diversités, leurs débats, leurs préoccupations.
Nous ne devons pas ignorer le chemin qui reste à parcourir mais nous devons garder en vue cet objectif : raisonner autrement fait du nationalisme un parti, ce qui le défigure, et tendrait même à le déshonorer.
Le tournant de cette année 2007 pourrait se révéler alors beaucoup plus propice que ne le croient certains à des recompositions salutaires.
Je rappelle ainsi que le scrutin législatif se déroule dans 577 circonscriptions. Il doit désigner un parlement, ou plutôt sa chambre basse, sachant par exemple que deux postes très importants au sommet de l'État vont se trouver vacants : celui de président de l'Assemblée, mais aussi du Sénat.
Autrement dit, autant les jeux semblent globalement faits quant à la majorité dont disposera, au soir du 17 juin, le gouvernement actuellement dirigé par M. Fillon, autant, dans chaque arrondissement redécoupé de chaque département, les choses se présentent différemment. Au-delà de la composition générale des assemblées, hélas très dépendante d'états-majors centralisés, on doit considérer l'arrivée individuelle de personnalités, plus ou moins enracinées, plus ou moins attachantes, plus ou moins représentatives du débat national, et nécessaires à celui-ci.
En admirateur du parlementarisme à l'anglaise, considéré comme "le pire des régimes à l'exception de tous les autres", on ne peut que souhaiter la présence, certes, de deux grands partis. Mais, ils devraient inclure chacun les personnalités de leurs divers courants d'idées apparentées ayant réussi à se faire élire député dans une circonscription. Cela fonctionne ainsi dans les grandes démocraties.
Plus vite des représentants des courants critiques de la droite, et pas seulement ceux du courant "national", siégeront dans les assemblées et meilleure sera la position réformatrice des droites françaises.
L'ouverture ne peut pas ignorer le 1/3 de l'électorat actuellement sarkozyste.
Si l'UMP veut montrer sa force elle doit le comprendre.
Si elle ne le comprend pas, aux électeurs de lui manifester, en plaçant partout où la chose se révélera possible, des personnalités moins dépendantes des mots d'ordre parisiens et de leur commerce du prêt-à-penser.
Je répète donc, à la veille de ce scrutin, mon propos du 20 avril : où qu'on s'exprime entre Dunkerque et Perpignan, on doit voter pour le candidat le plus proche, le plus représentatif de ses opinions, sans se laisser intimider par les sondages et par l'abrutissement médiatique.
JG Malliarakis
Notes
Le mot fasciste me vient aussi à l'esprit et aux oreilles : en me souvenant que c'est ainsi que les communistes appellent toujours et partout leurs adversaires, qu'ils considèrent comme des ennemis, à commencer par les "social-fascistes" de la IIe Internationale. De ce point de vue, la compagnie des supposés "fascistes" ne comporte, à mes yeux, donc aucun déshonneur quoique leur promiscuité réelle se révèle en général "baroque et fatigante" (Nimier).
Avec plus ou moins de sincérité, toute la question semble là aux yeux de certains. Mais que veut dire exactement "sincérité" s'agissant d'un homme politique ? "Ne mettez pas votre foi dans les princes..."
Puisque tout ce public aime se référer à Jeanne d'Arc faut-il rappeler ici le peu de reconnaissance qu'elle reçut, en son siècle, y compris de la part de son Gentil Dauphin dont elle fit reconnaître et sacrer la légitimité. Vous aimez l'Insolent ? Faites-le connaître à vos amis !
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