Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Parmi les promesses du candidat de droite élu le 6 mai figure une mesure dont l'inspiration, philosophiquement conservatrice n'échappe évidemment à personne. Il s'agit de l'idée de favoriser l'accession à la propriété en permettant la déductibilité des intérêts d'emprunts les 5, 7 voire les 10 premières années, et pourquoi pas encore pendant toute la durée de ces situations échelonnées de plus en plus couramment sur 30 ans.
De bons esprits se sont évidemment empressés de dénoncer le caractère inégalitaire d'une telle disposition abolie depuis 1997.
Bien évidemment elle favoriserait d'autant plus, nous démontre-t-on, les acquéreurs de biens plus importants, titulaires de forts revenus et donc imposables au maximum sur les tranches marginales de l'impôt sur le revenu, plutôt que les smicards se saignant aux quatre veines pour payer de douloureuses mensualités afférentes à leurs modestes logements. Le quotidien Le Monde, jamais en reste quand il s'agit de voler doctement au secours d'une pareille rhétorique faussement objective publia de la sorte dans son édition datée du 30 mai un petit tableau chiffré se voulant éloquent.
Nous en résumerons ainsi les données, calculées par un économiste du nom de Michel Mouillart aux deux données supposées les plus contrastées. D'après ses calculs on retiendra que les propositions Sarkozy rapporteraient
- à un ménage gagnant moins de 2 fois le smic un gain de 4 000 à 5 000 euros
- à un ménage gagnant plus de 5 fois le smic un gain de 10 000 à 12 500 euros.
Et voila comment on démontre aux braves gens que la droite favorise les riches au détriment des pauvres ! "c'est pas juste" !"
Le petit hic du raisonnement tient hélas en ceci que dans le premier cas on a supposé que l'emprunt portait sur 105 000 euros et dans le second cas sur 245 000 euros. Ce qui veut dire que les calculs (approximatifs) de notre économiste font en réalité apparaître un rabais fiscal de 4,5 % en moyenne environ pour toutes les hypothèses. L'injustice, car cela est nécessairement injuste, résulte alors probablement de cette égalité de traitement en elle-même.
Or la vraie question à se poser nous semble tout à fait différente.
Tant pis d'abord pour l'idéologie de gauche, qu'elle se porte sur l'égalité à la base, ou sur l'égalisation par une discrimination supposée "positive".
Tant pis aussi, disons-le tout net, pour un autre préjugé supposé "de droite" celui-là, la pensée conservatrice se voulant en général attachée à cette excellente intention appelée "diffusion de la propriété". J'avoue y avoir cru moi-même comme y croient encore tous ceux qui ont pris pour argent comptant cet ensemble de pétitions de principes appelé, par certains catholiques, "doctrine sociale de l'Église".
Au nom de tels principes on se félicite aujourd'hui de voir 60 % des Français propriétaires de leur logement. On n'ose jamais se demander si cette proportion se révèle vraiment bénéfique ou si, au contraire elle fixe artificiellement dans des emplois, dans des villes voire dans des servitudes, des modes transports, etc. qui pourrissent la vie de ces heureux propriétaires.
À ce compte par exemple la révolution castriste dont l'une des premières mesures avait été en 1959 de rendre chaque Cubain propriétaire de l'appartement qu'il occupait alors aurait créé un paradis : or, les conséquences en ont été infernales puisque le déménagement est devenu au fil des années pratiquement impossible.
Conservatrice et non libérale, la mesure incitative annoncée n'aura heureusement pas de grandes conséquences. Elle fera plaisir à beaucoup de professionnels de l'immobilier dans une conjoncture pour le moins stagnante.
À notre avis, structurellement, l'État si bienfaisant qui pense à chaque aspect de notre existence gagnerait plutôt à se demander si l'assainissement du marché locatif ne rendrait pas aux individus et aux familles une liberté plus essentielle, celle de pouvoir choisir entre diverses solutions parmi lesquelles figurent sans doute, d'une part, l'hypothèse de la propriété mais aussi, d'autre part, une autre, le moindre endettement du locataire heureux.
JG Malliarakis
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Il est important de constater aussi la manière dont cette "mesure" incitative à l'investissement immobilier se présente sous la forme d'un scoupe volant d'antenne de radio à antenne de télé. C'est la fête! Ha, tu vois, ils font quelque chose, eux!Evidemment à la fréquence à laquelle ils nous l'assène, on n'est pas prêts de l'oublier ce scoupe du quinquénnat. Hé bien, je pense aussi que cela va retomber comme un soufflé...mais ça fait de l'effet, c'est joli, ça meuble, osons le dire. Bref, tout ce tapage est digne de scailleroc, radio du décibel et de la cacophonie! Mais les heureux propriétaires verront-ils les droits de succession directs et surtout indirects s'alléger au même titre que leur intérêt d'emprunt? Je ne pense pas non plus que la scoupination puisse embrasser cette mesure salutaire et générer autant de tintouin que cette exhortation à se lâcher sur un crédit. La fameuse bubulle immobilière ne crèvera point sous l'aiguillon des mesurettes.Elle risque même de rester comme une loque à terre!
Rédigé par : minvielle | jeudi 31 mai 2007 à 23:39
Monsieur,
Je ne partage pas votre tièdeur s'agissant de cette mesure qui me semble cohérente avec la volonté affichée par Sarkosy d'augmenter immédiatement le pouvoir d'achat des Français par différentes mesures.
Bien entendu, pour qu'elle soit immédiatement efficace de façon significative il faut prendre en compte les emprunts en cours et non les seuls souscrits depuis le 6 mai ( ce serait alors une mesure gadget!).
Pour illustrer cette affaire voici un exemple réel puisqu'il concerne l'un de mes enfants; lui même et son épouse ont acheté fin 2004 un appartement un peu plus grand de celui qu'ils occupaient en vue d'élargir leur famille ( une petite fille est née depuis fin 2005 et un deuxième enfant est attendu en novembre prochain)
Les deux parents gagnent très correctement leur vie et la maman souhaite continuer son activité professionnelle. Leur petite fille est donc gardée par une nourrice qu'ils partagent avec un autre jeune couple dans le même cas qu'eux mêmes. La maman aimerait bien se faire aider par quelques heures de femme de ménage mais la situation financière ne le permet pas.
Résultat de la mesure Sarkosy s'il respecte ce qu'il a dit : plus de pouvoir d'achat immédiat pour ce couple, embauche d'une femme de ménage et donc un salaire qui lui permettra de consommer ( l'état profitera de la TVA de cette consommation !).
Cette mesure a, à mes yeux, toutes les vertus : elle n'est pas inflationniste, elle ne peut que stimuler le bâtiment qui est par essence une activité non délocalisable et, ne vous en déplaise le fait d'être propriétaire de son logement devrait être la première préoccupation de tout bon gestionnaire d'un patrimoine familial. De plus contrairement à ce que vous semblez vouloir dire la France n'a pas un taux de propriétaires parmi les plus importants qui soient, bien au contraire !
Octave Deshuillard
Rédigé par : octave deshuillard | vendredi 01 juin 2007 à 11:18
Je ne comprends pas pourquoi tant de gens en France veulent devenir propriétaires : le droit de propriété est totalement arbitraire et les propriétaires immobiliers sont les vaches-à-lait de l'Etat français. Selon l'UNPI, les propriétaires immobiliers payent pas moins de 37 impôts différents sur leurs biens. Dans ces circonstances, mieux vaut être locataire.
Rédigé par : Proprio1 | vendredi 01 juin 2007 à 11:41
Je pense qu'il faut moduler l'accusation de diminution de la mobilité portée contre la propriété du logement : l'exemple des Etats-Unis, où la quasi totalité des biens imobiliers sont en en accession à la propriété (hors de qq grandes villes qui ont des parcs type HLM pour assistés chroniques) prouve la possibilité du contraire. En effet, l'américain moyen revend sa maison et en rachète une à chaque déménagement. Ceci est facilité par la déductibilité totale des intérêts d'emprunt. Par contre, le vrai frein est l'existence de droits d'enregistrement grevant chaque transaction immobilière, qui rend l'opération en France beaucoup plus douloureuse qu'aux USA où ces droits sont très faibles ( < 1 %). Le travailleur de classe moyenne paye ainsi l'équivalent d'un loyer, mais se constitue un pécule en vue de sa retraite, opération facilitée par une disposition fiscale qui supprime l'imposition sur les plus-values résultant éventuellement de la revnete de la résidence principale à l'occasion du départ en retraite. Ceci me paraîtrait la voie à suivre pour faciliter la mobilité.
Rédigé par : Achille | vendredi 01 juin 2007 à 12:23
Aucun article, à ma connaissance, n'a fait remarquer que le loyer versé par un locataire est équivalent à des intérêts versés pour un crédit jamais amorti. Vu sous cette angle, opposer les états de propriétaire et de locataire semble bien artificiel, et ce d'autant plus que l'Etat encourage par ailleurs le développement du marché locatif (e.g. loi Besson, puis Robien).
Certes, dans les mentalités, une opposition existe entre possédant et non possédant, et ce, même si le possédant est de facto "locataire" de sa banque pour 30 ans. En cela ma remarque a sans doute quelque chose... d'insolent. Tant mieux.
Cordiales salutations.
Rédigé par : gros chat | vendredi 01 juin 2007 à 23:05
Acheter un logement semble être une bonne idée pour les personnes qui vivent avec de faibles revenus. Or, il ne faut pas oublier que l'immobilier est (ou je me trompe) l'investissement le plus taxé en France. Taxes pour acheter et vendre, pour transmettre, impôts fonciers, locaux... Et il est vrai que la propriété fixe les personnes et freine leur adaptation au marché du travail.
Rédigé par : Eric BOUVERON | samedi 02 juin 2007 à 03:29
Hello!
L'usage incongrudu crédit est directement relié à une fiscalité confiscatoire des revenus. Au contraire des individus les banques peuvent créer des liquidités en achetant des bons du trésor qui serviront de base en capital pour créer des nouvelles lignes de crédit. Autrement dit plus l'Etat s'endette, plus les banques s'enrichissent en vendant des emprunts au prix fort aux particuliers. En défiscalisant les intérêts des emprunts immobiliers l'Etat encourage encore plus la vente de crédits par les banques qui restitueront le manque à gagner pour l'Etat via l'IS.
Les Français ont-il seulement conscience qu'en achetant du crédit ils contribuent au financement de l'endettement de l'Etat? Plus les banques génèrent de crédit plus elles achètent des titres de dettes pour garantir les liquidités ainsi créées. Le plus beau dans cette manoeuvre c'est que l'Etat passe pour celui qui fait une faveur aux particuliers et non l'inverse. C'est un peu comme si le volé remerciait le voleur de l'avoir volé et l'incitait même à le voler encore plus avec les compliments de la maison. Si les Français possédaients quelques rudiments d'économie ils se révolteraient contre une telle confiscation de leurs revenus qui leur sont retounés sous forme de crédit facturés avec intérêts par des gens qui tirent leur capital des revenus confisqués. On frémit devant une telle bêtise et une telle corruption! Mais les deux ne vont-ils pas de pair?
J'ajouterais pour être complet que les banques jouissent du privège de pouvoir transférer les risques crédit sur leurs portefeuilles de créances particuliers ou entreprises aux investisseurs sur les marchés financiers. Il suffit pour cela de titriser leurs créances, c'est-à-dire d'émettre des titres de dettes ayant pour contrepartie les actifs titrisés. Admirable entourloupe qui transforme l'actif en passif par le refinancement sur les marchés financiers. Ces titres de dette jouissent d'un meilleur rendement que les créances sous-jacentes à cause du mécanisme de rehaussement de crédit. Ainsi les banques transforment des actifs potentiellement douteux en ressources "as good as gold" car leurs titres sont garanties là encore par des bons d'Etat, ce qui permet aux investisseurs d'acheter des titres sans risques (pour les tranches supérieures), les banques conservant les tranches risquée à haut rendement et/ou rachetant les tranches moins risquées pour refinancer leurs créances à bon marché (les tranches les moins risquées concernent des titres AA bon marché pour l'émetteur). L'Etat encourage donc l'inflation de la bulle financière par le recours abusif aux dérivés de crédit de la part des banques. Hypocrisie suprême, ces dérivés sont considérés commme des instruments de gestion du "risque crédit", alors qu'il ne font qu'accroître encore plus le recours au crédit! Initialement la bulle des produits dérivés était née de la renégociation des emprunts d'Etat sur le marché secondaire OTC (les dérivés servent à contenir le risque de défaut ou à créer des expositions de marché fictives en fonction des opportunités). Il renvoie maintenant l'ascenseur aux banques en leur permettant de se prémunir contre les risques de crédit en transformant leurs créances en instruments de marché (voir la croissance démesuré du hors bilan dans les états financiers des banques). Le seul perdant dans cette histoire est l'administré qui supporte le poids de cette création énorme de valeur sur les marchés au prix de la destruction de ses revenus par une fiscalité confiscatoire couplée à un recours abusif au crédit. Jamais l'humanité n'a connu un tel état d'aliénation!
Rédigé par : NJ | dimanche 03 juin 2007 à 14:12
"Ce que je veux, c'est que pour tout ouvrier, la maison de famille et le jardinet qu'il a acquis par son travail soient insaisissables, exemptés d'impôts et de frais de succession."
abbé Jules Lemire, député du Nord de 1893 à sa mort en 1928, fondateur en 1896 de la "Ligue française du jardin ouvrier" (devenue ensuite la "Ligue du coin de terre et du foyer")
Rédigé par : Philippe JOSSELIN | mercredi 13 juin 2007 à 19:34