Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Nul ne peut ignorer, à l'ombre du vieux proverbe, le rôle des meilleures intentions dans le pavage de l'enfer. Et, s'agissant des lois régissant les mœurs de notre capitalisme on doit demeurer attentif à leur inaptitude à empêcher les conseils juridiques d'en effacer les effets.
Sur le principe, par conséquent la position du Medef, définie dans un document de 10 pages publié le 9 janvier et réclamant, sous la signature de Mme Parisot, associée à celle de Bertrand Collomb président de l'Association française des entreprises privées : "une gouvernance des entreprises françaises qui soit aussi exigeante, intelligente et exemplaire que possible" me semble équilibrée. Elle découle de travaux et recommandations entrepris depuis le rapport Viénot de 1995, suivi de celui de M. Bouton en 2002. Elle écarte l'intervention d'une législation arbitraire.
L'idée, au contraire, de ne miser que sur la réglementation autoritaire de l'État hexagonal face à des structures de plus en plus transnationales distille, certes, un parfum d'autrefois. On n'en méconnaîtra pas le charme. Mais on doit mesurer d'emblée son ingénuité, et par conséquent son impuissance.
Et comme nous nous trouvons en présence d'un projet du gouvernement Fillon, renouvelé ce 19 juin, identifié à "la droite", et donc aux pires impopularités de l'oligarchie et de la ploutocratie, Le Monde daté du 20 juin imprime non sans délectation que "les avocats étudient déjà des moyens de contournement".
Si j'osais, je rappellerais à ce journal que la législation sur le sérieux de laquelle il ironise à bon droit, remonte quant à son principe à la loi grotesque et malfaisante de 2001, votée à l'ère jospinienne par la majorité parlementaire socialo-communiste, sous le nom dérisoirement significatif de Nouvelles régulations économiques.
La première leçon à retenir touche donc à cette maladresse inéluctable de l'étatisme législateur. La démarche constructiviste de notre production de normes juridiques continuera encore longtemps sans doute, tant que les technocrates et leurs sous-produits demeureront dominants dans les antichambres du pouvoir et dans les fabriques de l'opinion. Ne perdons jamais de vue en effet le rôle affreux de nos médiats dans la déformation des faits, dans la fabrication des concepts et dans la manipulation des slogans. On a pu encore le mesurer au cours de la semaine du 11 au 17 juin autour du dossier falsifié de la TVA sociale. Le voici à l'œuvre autour de la dénonciation de ce qu'on prétend appeler, d'un terme générique, les "patrons voyous".
Oui le comportement de certains dirigeants d'entreprises, au mépris des actionnaires, appelle des réactions. Nous nous trouvons ici en présence d'un principe bien connu des physiciens.
La question véritable tient à la portée de nos réprobations et à la nature des sanctions : est-ce à une administration de les définir et de les appliquer ? Honnêtement, je ne le crois pas.
Le cas le plus spectaculaire aura été celui de M. Forgeard. Ce Père Noël emporta un beau jour dans sa hotte les jouets de beaucoup de petits enfants. Ne parlons même pas du "soupçon de délits d'initiés" (selon Le Monde). La présomption d'innocence n'a pas attendu Mme Guigou : elle découle de la déclaration de 1789, et cela devrait suffire.
Citons simplement Le Monde daté du 12 avril sur les faits :
"Un document envoyé aux actionnaires en vue de l'assemblée générale du 4 mai a révélé que Noël Forgeard avait, "en vertu de son contrat de travail, eu droit à six mois de préavis, représentant 1 223 317 euros (salaire brut et bonus) et des indemnités de départ de 4 893 268 euros, soit deux ans de salaire brut annuel". Un total de plus de 6,1 millions d'euros. Ce n'est pas tout. M. Forgeard bénéficie d'une indemnité liée à une clause de non-concurrence de deux ans, qui représente un montant brut mensuel de 101 917 euros, soit 2,44 millions d'euros en tout à ajouter aux autres 6,1 millions."
M. Forgeard éprouvera beaucoup de difficulté à nous tirer une larme, pas plus que M. Meyssier.
Mais que représentent donc ces gens : ils ne symbolisent certainement pas l'entreprise, encore moins la libre entreprise, ils incarnent exactement le contraire, produits de l'étatisme à la française, de la Chiraquie et l'énarchie.
Qu'on balaye les épluchures de tels héritages, rien de plus souhaitable pour le redressement de la France.
Qu'on identifie les pratiques des voleurs à l'exercice du droit de propriété, à l'initiative individuelle et à la liberté des contrats voilà un paradoxe dans lequel on ne saurait sombrer.
JG Malliarakis
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Deux points qu'il me semble opportun d'éclaircir :
1° Les soi-disant "patrons" sont en fait des dirigeants salariés.
Les conditions portées conventionnellement sur leur contrat de travail sont exorbitantes au regard des pratiques usuelles parmi les employeurs, dont je suis.
Qu'on en juge :
- préavis de six mois, alors la règle générale, sauf convention collective plus favorable, est de deux mois de préavis AU DELA de un ou deux ans d'ancienneté.
- indemnité de départ (equivalent à une transaction plus les charges) correspondant à deux ans de salaire, alors que la base souvent retenue par les conseils de prud'homme en cas de licenciement dit "abusif" est de six mois de salaire, hors non-respect caractérisé des procédures par l'employeur et/ou attitude délictueuse/dolosive (mise en danger, harcèlement, etc.)
Avec des conditions plus proches des réalités du marché du travail, Forgeard serait parti avec au mieux quatre millions d'Euros au lieu de huit :
- 2 mois de préavis = 400KE
- indemnité de 6 mois = 1.200KE
- non-concurrence = 2.400KE
D'une façon générale, je suis partisan de la suppression de l'obligation de préavis pour l'ensemble des salariés (le risque doit être couvert par "l'assurance chômage") l'indemnisation pour non-concurrence chez les cadres et pour perte d'emploi chez les employés/agents de maîtrise restant les seules à être justifiées, à mon humble avis.
D'autre part, je reste surpris par l'ordre de grandeur des avantages concédés quand le premier dirigeant de TPE/PME se verrait accuser d'ABS par l'administration fiscale.
Des cas comme celui de Forgeard, enfin, fournissent d'excellents arguments aux marxistes, et pour ce motif doivent être rendus impossible par une économie libérale digne de ce nom.
Le libéralisme n'est pas, à mon sens, et tant pis si cela doit choquer certain puristes, l'absence de règles et de normes, mais l'application de règles et de normes efficaces, c’est-à-dire plaçant à tous les niveaux les acteurs économiques face à leurs propres responsabilités.
Le départ d'une entreprise relève d'une initiative personnelle ou du constat d'un échec.
Les normes doivent tendre à rendre ce départ le moins coûteux possible pour l'entreprise, quand elle n'en tire aucun bénéfice direct.
2° Si les dérives qui sont constatées remettent en cause le modèle de l'économie de marché, alors les mêmes dérives constatées dans tous les états socialistes (Cuba, Chine, etc.) remettent également en question le modèle d'économie socialiste.
C'est là une question qui devrait intéresser les journalistes du Monde et d'autres titres de la presse quotidienne et hebdomadaire.
Une autre option, à défaut d'obtenir une réponse de leur part, consiste à arrêter de participer au financement de leur outil de travail en n'achetant pas les titres en questions.
Rédigé par : Marc | mercredi 20 juin 2007 à 14:39
L'article de Jean Gilles Malliarakis rappelle indirectement des principes de base du libéralisme et illustre ce rappel par un exemple de ce qui se produit dès lors que les principes en question sont bafoués.
J'avoue ne pas comprendre l'éclaircissement qu'apporteraient les deux points du commentaire :
"1° Les soi-disant "patrons" sont en fait des dirigeants salariés.
Les conditions portées conventionnellement sur leur contrat de travail sont exorbitantes au regard des pratiques usuelles parmi les employeurs, dont je suis.[...]
D'une façon générale, je suis partisan de la suppression de l'obligation de préavis pour l'ensemble des salariés [...]"
Ma remarque :
Il s'agit d'enfoncer le clou. Ce qui est dénoncé par la vulgate socialo-communiste à l'occasion de ces "dérives" de l'ordre éponyme n'est que la réglementation étatique du contrat de travail qui fait que le droit du travail est exorbitant du droit privé, i.e. du libéralisme.
Tout se passe comme si, après avoir mis un bâton dans la roue du cycliste, les socialo-communistes s'étonnaient que le cycliste tombât de son engin et tendaient à faire en sort que les uns et les autres s'en "émouvassent".
"2° Si les dérives qui sont constatées remettent en cause le modèle de l'économie de marché [...]"
Ma remarque :
Voilà très exactement le piège dressé par les socialo-communistes dans quoi il ne faut pas tomber et où le commentateur tombe.
Cher commentateur, après que vous avez dénoncé implicitement le non respect socialo-communiste des principes du libéralisme, il ne s'agit pas de gloser sur le résultat de ce non respect même dénommée par l'euphémisme "dérives".
Ce résultat est prédit par le libéralisme et, par conséquent, vérifié en pratique une fois de plus - cela pour ceux qui considèrent que le libéralisme est une croyance et non pas une réalité.
Pour compléter le point que développe JGM, permettez-moi de vous renvoyer à un moment de l'émission de RC dont parle
http://libreforum.forumactif.fr/A-l-ecoute-c2/Les-emissions-et-les-archives-f3/Pascal-Salin-sur-RC-t614.htm
Rédigé par : georges lane | mercredi 20 juin 2007 à 16:07
Totalement d'accord avec J.G sur ce point, cela me change un peu de l'ôde au bipartisme exalté des temps derniers. Au fait merci pour ce blog généreux ainsi que pour arcole, précieuse mine d'intelligence rare et de réflexion haute. Il faut savoir remercier ceux qui nous font du bien.
Rédigé par : Yann | mercredi 20 juin 2007 à 18:02
Bien entendu, nous savons que la liberté, économique ou autre, ne peut produire que des bienfaits, tandis que la norme, elle, ne produit que des désagréments, en particulier qu'en on souhaiterait s'en affranchir.
Il y a dans le commentaire de G.Lane la trace de cet esprit de système qui me frappe toujours chez les marxistes, et constitue à mon sens un véritable exemple de crime contre l'intelligence.
Ce travers est hélas courant chez certains libéraux, en particulier ceux d'entre eux qui pratique le libéralisme en chaire, avec traitement mensuel versé par l'Etat.
Dirigeant (et actionnaire à 99%) depuis 5 ans d'une modeste PME, je suis toujours intéressé de recevoir des leçons de bonne gourvernance économique, d'où qu'elles viennent.
A ce titre, je présenterais au premier qui le souhaite un certain nombre de coquins qui, en toute liberté et sous couvert du respect de la propriété privée, volent effrontément leur clients, leurs fournisseurs, et leurs éventuels actionaires.
Je range Forgeard et ses petits camarades de conseil d'administration dans ce camp.
Venir m'expliquer que cette situation relève de l'interventionisme produit sur moi le même effet que la dialectique marxiste qui prétend m'expliquer le vol par la pauvreté, alors que c'est l'appât du gain facile qui en est la seule motivation.
Une lecture trop rapide a fait croire à G.Lane que je tenais l'exemple de Forgeart pour une remise cause de l'économie de marché.
En réalité, ces phénomèmes anecdotiques, comme le sont également les privilèges des nomenklatura communistes ne changent rien à l'efficacité, ou à l'inefficacité, des systèmes en question.
Je permet donc à Monsieur Lane de me contacter si Monsieur Malliarakis consent à lui transmettre mon adresse électronique, afin de lui montrer que non seulement je ne tombe dans aucun piège, mais qu'en matière d'attrappe-gogo, je pourrais sans doute largement lui en remontrer.
A commencer par celui, typique chez beaucoup d'intellectuels, du "avec le système que je préconise, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes."
Le libéralisme est un ensemble de recettes de cuisine, pas un évangile.
Et il existe, même en droit privé, des voleurs.
Qu'ils soient énarques ou pas, désignés par un gouvernement ou des partenaires de golf, relève assurément de l'anecdote.
Ce qui ne ressort pas de l'anecdote en revanche, c'est qu'un entrepreuneur ou un dirigeant doit être exemplaire et ne pas se conduire comme le premier permanent de syndicat venu.
L'état de "parfait libéralisme" étant aussi probable que celui de "société sans classe", qu'on veuille bien me citer le cas de pays beaucoup plus libéraux que la France (les exemples ne manquent pas) au sein desquels il n'arrive jamais qu'un dirigeant indélicat parte avec un généreux pourboire en laissant son entreprise dans la mélasse.
Rédigé par : marc | jeudi 21 juin 2007 à 01:10
Cher Marc.
Mon propos vous a blessé, je le regrette. Il n'avait en aucun cas cet objectif.
Puissiez-vous trouver le temps d'écouter, à tête reposée, l'émission dont il est question sur http://libreforum.forumactif.fr/A-l-ecoute-c2/Les-emissions-et-les-archives-f3/Pascal-Salin-sur-RC-t614.htm
Cordialement
Rédigé par : georges lane | jeudi 21 juin 2007 à 18:00