Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
On parle beaucoup ces derniers temps dans les milieux concernés de la recomposition de ce qu'on appelle la droite nationale.
À titre tout à fait exceptionnel, ayant été contacté par plusieurs journalistes à ce sujet, en ayant éconduit la plupart, je me sens un devoir de prendre la plume sur cette question, aujourd'hui, c'est-à-dire avant le premier tour des élections législatives.
Je dois d'abord situer "d'où je m'exprime" : classé dans d'inusables fichiers comme "homme d'extrême droite", je ne sais pas ce que recouvre cette appellation et ne la revendique pas. N'ambitionnant aucune fonction, surtout pas élective, je me moque éperdument du fait qu'elle me soit accolée (1) : "les mots sont des étiquettes que nous collons sur les choses" (Pareto).
Le fait important à mes yeux se situe sur le terrain des idées et de la vie culturelles, incluant les choix économiques, mais non sur celui des conjonctures purement politiques dont ce printemps nous a donné un échantillonnage redondant.
Adversaire radical de l'Utopie, je ne récuse certainement pas, en revanche, mon affiliation philosophique de droite, au sens large. Et je constate aussi qu'en face des périls extrêmes encourus par la civilisation, l'eau tiède de la modération devient à son tour elle-même exagérée. Je la tiens donc, à ce titre, pour insignifiante.
Cela étant posé, je n'ai jamais appartenu ni de près ni de loin au Front national : en revanche je n'écris ni pour ni contre ce parti, et ne prétends, bien évidemment, donner aucune leçon d'efficacité à son président pour lequel je garde en mémoire une image remontant au procès du général Salan. Je ne pense pas non plus l'offenser en constatant qu'après avoir, depuis 25 ans, porté pratiquement seul les couleurs de ses opinions, et tenu la dragée haute à tous ses adversaires, il voit désormais certaines de ses idées et quelques-uns de ses thèmes repris (2) par des concurrents et particulièrement par le plus habile d'entre eux. Dans un tel registre aucun drapeau n'appartient à personne : on doit toujours considérer comme un grand honneur de s'être montré un précurseur et cela ne doit comporter aucune amertume (3).
Le aficionados et les supporters de la droite nationale, et surtout ses porte-parole institutionnels, ont évalué, à tort, que les 17 % de 2002 et même la participation au second tour allaient de soi. Ils pensaient que les raisons "objectives" du développement du FN, – en concurrence du reste avec le MNR et le MPF, – et notamment l'insécurité, n'ayant pas vraiment reculé depuis 5 ans, tout affaiblissement du vote FN ne pourrait résulter que d'une vile manœuvre, que d'une manipulation des faits, ou d'une tromperie délégitimant le bénéficiaire.
Ce raisonnement naïf, et même fort court, venant de la part de gens professant trop souvent leurs sarcasmes pour la démocratie et leur dédain pour la plèbe des sots, témoigne précisément de leur profonde ingénuité pour ne pas dire de leur paresse intellectuelle. Je ne sais pas comment il faut traduire à l'usage des francophones l'expression anglaise wishfull thinking. Une charmante et vieille amie provençale disait, dans ma lointaine jeunesse, avec cette intonation spéciale aux bourgeois marseillais s'efforçant de parler "pointu" : tu fais la chanson et tu la chantes. Je crois m'être guéri, et il faut toujours se corriger d'un tel travers.
Au bout du compte, à mes yeux, et si nous voulons réformer la France pour la redresser et lui redonner sa place en Europe, il ne devrait précisément pas exister une droite nationale, se pensant et souvent se voulant radicalement distincte de la droite libérale, de la droite fédéraliste et de la droite chrétienne. Ces quatre familles devraient n'en former qu'une, au sens large, incluant leurs diversités, leurs débats, leurs préoccupations.
Nous ne devons pas ignorer le chemin qui reste à parcourir mais nous devons garder en vue cet objectif : raisonner autrement fait du nationalisme un parti, ce qui le défigure, et tendrait même à le déshonorer.
Le tournant de cette année 2007 pourrait se révéler alors beaucoup plus propice que ne le croient certains à des recompositions salutaires.
Je rappelle ainsi que le scrutin législatif se déroule dans 577 circonscriptions. Il doit désigner un parlement, ou plutôt sa chambre basse, sachant par exemple que deux postes très importants au sommet de l'État vont se trouver vacants : celui de président de l'Assemblée, mais aussi du Sénat.
Autrement dit, autant les jeux semblent globalement faits quant à la majorité dont disposera, au soir du 17 juin, le gouvernement actuellement dirigé par M. Fillon, autant, dans chaque arrondissement redécoupé de chaque département, les choses se présentent différemment. Au-delà de la composition générale des assemblées, hélas très dépendante d'états-majors centralisés, on doit considérer l'arrivée individuelle de personnalités, plus ou moins enracinées, plus ou moins attachantes, plus ou moins représentatives du débat national, et nécessaires à celui-ci.
En admirateur du parlementarisme à l'anglaise, considéré comme "le pire des régimes à l'exception de tous les autres", on ne peut que souhaiter la présence, certes, de deux grands partis. Mais, ils devraient inclure chacun les personnalités de leurs divers courants d'idées apparentées ayant réussi à se faire élire député dans une circonscription. Cela fonctionne ainsi dans les grandes démocraties.
Plus vite des représentants des courants critiques de la droite, et pas seulement ceux du courant "national", siégeront dans les assemblées et meilleure sera la position réformatrice des droites françaises.
L'ouverture ne peut pas ignorer le 1/3 de l'électorat actuellement sarkozyste.
Si l'UMP veut montrer sa force elle doit le comprendre.
Si elle ne le comprend pas, aux électeurs de lui manifester, en plaçant partout où la chose se révélera possible, des personnalités moins dépendantes des mots d'ordre parisiens et de leur commerce du prêt-à-penser.
Je répète donc, à la veille de ce scrutin, mon propos du 20 avril : où qu'on s'exprime entre Dunkerque et Perpignan, on doit voter pour le candidat le plus proche, le plus représentatif de ses opinions, sans se laisser intimider par les sondages et par l'abrutissement médiatique.
JG Malliarakis
Notes
- Le mot fasciste me vient aussi à l'esprit et aux oreilles : en me souvenant que c'est ainsi que les communistes appellent toujours et partout leurs adversaires, qu'ils considèrent comme des ennemis, à commencer par les "social-fascistes" de la IIe Internationale. De ce point de vue, la compagnie des supposés "fascistes" ne comporte, à mes yeux, donc aucun déshonneur quoique leur promiscuité réelle se révèle en général "baroque et fatigante" (Nimier).
- Avec plus ou moins de sincérité, toute la question semble là aux yeux de certains. Mais que veut dire exactement "sincérité" s'agissant d'un homme politique ? "Ne mettez pas votre foi dans les princes..."
- Puisque tout ce public aime se référer à Jeanne d'Arc faut-il rappeler ici le peu de reconnaissance qu'elle reçut, en son siècle, y compris de la part de son Gentil Dauphin dont elle fit reconnaître et sacrer la légitimité.
Vous aimez l'Insolent ? Faites-le connaître à vos amis !
Le bipartisme imposé par le haut precipitera nombre de citoyens jouant encore plus ou moins le jeu biaisé de la délabrocratie dans le terrorisme et l'anarchie, je serais sans doute de cette cohorte n'ayant rien à voir et rien à vouloir faire avec les européistes pro-mosquée, pro-avortement, pro-immigration, pro-métissage de l'ump. Tout en sachant que le gouverneur Français ne fera rien contre la racine du mal Français et Européen, son populisme et sa démagogie allié à sa toute puissance médiatique et au système électoral inique de la France, aideront à le maintenir 10 ans à la barre du Pays, un délai suffisant pour en détruire définitivement toute indépendance et ce qu'il en reste de typiquement Français. Les temps actuels sont douloureux pour ceux qui aiment ce Pays et qui ne croient pas à la loghorée sophiste et pauvre d'avenir du bateleur de foire en chef. @ J.G : Sur quels points de son programme ou de ses intentions voyez-vous en sarkozy une promesse de rupture au-delà de la propagande et de la logique de prise du pouvoir ?
Rédigé par : Yann | jeudi 07 juin 2007 à 17:11
Je rebondis sur votre note N° 1. Parmi les armes de destruction massive du terrorisme intellectuel communiste figure également le mot « nazi », abondamment utilisé… sauf s’agissant du pacte germano-soviétique, que l’on a curieusement évité d’appeler « pacte soviéto-nazi » !
Rédigé par : Erik | jeudi 07 juin 2007 à 18:06
Cher Jean-Gilles, je souscris intégralement à ta dernière phrase : "où qu'on s'exprime entre Dunkerque et Perpignan, on doit voter pour le candidat le plus proche, le plus représentatif de ses opinions", car si la démocratie est pour moi une absurdité sémantique (le peuple n'ayant pas une personnalité monolithique, son prétendu pouvoir n'a aucune signification), elle a un atout considérable, elle permet, dans le principe, à chacun d'exprimer si ce n'est une opinion, du moins une préférence. Je ne crois pas -- pour les raisons précédentes -- à l'élu du "peuple", mais je crois que la ploutocratie (cf la définition d'E. Renan qui me convient assez) qui nous gouverne peut être influencée par ces votes, s'ils dénotent un certain poids. Quant à la naïveté des nationaux -- pas nécessairement nationalistes -- j'en suis parfaitement d'accord ; pour ma part, je professe un certain pessimisme, considérant que le pessimiste est heureux puisqu'il ne peut être surpris que par un événement heureux ! D'aucuns objectent que l'optimiste est mû par son espoir, ce qui peut expliquer l'action des responsables politiques qui, à l'instar de Sisyphe puni, se présentent et se représentent sans se lasser aux suffrages de leurs concitoyens, avec plus ou moins de succès.
Quoi qu'il en soit, je ne crois, en aucune façon, à une inflexion du chef de l'UMP, dans le sens de la droite nationale, chrétienne -- pour ne pas dire catholique -- éprise de liberté, de responsabilité et assumant fièrement un héritage plus que millénaire, de manière à participer activement à une progression de la civilisation, qui déborde largement le cadre matériel.
Je répète que Sarkozy, est un arriviste, adepte du libéralisme économique, du libéralisme moral (mais pas de la liberté), insensible à la France des terroirs, des villages et des clochers, disciple des penseurs socialistes du XIXè et du XXè, même si son libéralisme économique s'accorde mal aux idéologies égalitaires. Ses premières actions en tant que chef de l'Etat ont abondamment montré sa capacité à utiliser les techniques du faire savoir, ses capacités de manoeuvrier, et son adéquation aux fondements du politiquement conforme.
Cordialement,
Georges
Rédigé par : Georges | jeudi 07 juin 2007 à 20:29
En France, le bipartisme correspond à des joutes entre machines électorales, surfant sur les vagues émotionnelles de l'opinion publique, à grands renforts de conseils en communication. Le tout hyper-médiatisé. Il y a convergence d'intérêt et donc tacitement consensus pour ne pas prendre le risque d'élever le débat, ainsi la médiocrité favorisant la médiocrité, la démagogie s'installe, croît et prospère. La démagogie de cette médiacratie politique semble n'avoir aucune de limite.
Il faudrait analyser finement les institutions britanniques pour voir en quoi elles n'ont pu autant dérivé. Mais la culture a aussi sa part : les britanniques se soucient de leurs intérêts, tandis que beaucoup de Français confondent leurs préoccupations universalistes avec l'abandon de souveraineté. Tendre à l'universel, c'est d'abord donner l'exemple, ce ne devrait pas être niveler par le bas.
Rédigé par : gros chat | jeudi 07 juin 2007 à 22:50