Aujourd'hui jour férié. Contrairement à Giscard d'Estaing je ne pense pas que la date du 8 mai soit appropriée comme fête européenne, et d'ailleurs on ne parle plus de la proposer à nouveau. Officiellement la date où les administrations eurocratiques donnent congé se situe le 9 mai, anniversaire de la déclaration de Robert Schuman de 1950. Je reprendrai donc demain sur cette question de la construction européenne le fil de mes chroniques en la consacrant à la relance européenne et au premier choix que Sarkozy devra faire.
Je commence à voir s'amonceler des commentaires sur le site de l'Insolent. Je ne suis pas certain de pouvoir tenir le rythme des réponses sur une chronique (je voudrais éviter le mot "blog" je ne vois pas ce qu'il apporte de plus sinon un outil informatique que je préfère nommer "blogue", non mais sans blague). Aujourd'hui je vais essayer de le faire en un seul bulletin.
Je me permets cela dit de rappeler le mécanisme. Vous pouvez soit me poster un commentaire si vous acceptez de vous voir publié sous cette rubrique sauf les cas bien clairs de la "modération" où je les jugerais illicites, injurieux, provocateurs ou diffamatoires. Sinon adressez-moi un courriel.
Aujourd'hui je réponds en vrac aux derniers commentaires postés sur le site.
Je précise, évidemment, que je n'ai aucune réponse à faire dans leur ensemble aux gens qui m'accuseraient d'être "vendu à Sarkozy".
J'ai voté pour Sarkozy cette fois-ci et je l'ai écrit. Quant aux accusations sur sa politique extérieure et sur ses supposées allégeances, je le dis comme je le pense : je crois qu'elles relèvent d'abord de la désinformation.
Mais revenons aux commentaires postés par les lecteurs de l'Insolent.
1. Je réponds d'abord à Démosthène
Qui m'avait écrit :
Vous êtes déconcertant.
Je vous croyais à la droite de la droite et vous voilà le défenseur d'un plat bipartisme à l'Américaine. Dans ce système verrouillé quelles sont les chances du point de vue souverainiste ?
Je ne parle même pas, évidemment, de votre admirable slogan "pour dieu, le roi et la liberté" qui évidemment deviendrait un énoncé totalement folklorique (s'il ne l'est pas, hélas, déjà aujourd'hui.)
Je lui réponds donc.
Cher Monsieur : ne vous méprenez surtout pas. Ma préférence personnelle va à la monarchie constitutionnelle dans l'idée que s'en faisaient un Chateaubriand ou un Berryer. Ma religion historique, s'agissant de la France, s'attache à la royauté. Bainville disait cependant lui-même que la monarchie en France a tout pour elle, mais qu'elle a contre elle les forces de sentiment. Dans mon texte du 7 mai, je citai Aristote, petit pédantisme fatigué, que je m'efforce habituellement d'éviter. Je ne me dis aucunement républicain moi-même, vous ne m'entendrez jamais chanter la Marseillaise. J'ai trop aimé le chant liturgique pour cela. Je constate simplement que tous les pronostics sur la crise des institutions et du système ont été déjoués et se trouvent démentis par l'élection de 2007, véritable refondation de la Ve république. [Vous observerez aussi au besoin que je m'efforce d'écrire toujours ce dernier terme avec un petit r.] Faut-il s'en plaindre ? je ne sais. Les faits sont là.
Folklorique l'idée monarchique ? Sentimentale, en tout cas.
Le jour où un prince effectivement rassembleur s'affirmerait, les choses seraient différentes. Je ne suis certainement pas non plus souverainiste. Ce qui me préoccupe c'est l'identité, non la souveraineté : or, si l'on veut faire perdurer l'identité française en Europe, la monarchie constitutionnelle semblerait une très bonne institution, à la condition qu'existe un vrai lien affectif entre le peuple et la dynastie. Si l'on me demandait mon avis, je crois donc que c'est par le pouvoir judiciaire qu'un prince pourrait commencer à se manifester utilement dans la France d'aujourd'hui. Dans mon enfance j'étais frappé par l'image de saint Louis, à Vincennes, rendant la justice sous son chêne.
2. À Lépante
Qui m'avait écrit :
Vous me semblez bien optimiste. Nous avons comme Chef de l'État quelqu'un qui a été à l'école de Chirac… Son discours de dimanche laissait déjà apparaître un certain glissement vers le centre-gauche. Le nouvel occupant de l'Élysée a réussi un beau hold-up sur les idées du Front National. Mais dans le passé nous avons connu ce genre de hold-up, par exemple, en 1958. Je dirais que c'est dans la nature du gaullisme ou du post-gaullisme…
Je lui réponds donc :
Non cher Monsieur, je ne me veux ni optimiste, ni pessimiste. Je chercherai à évoquer tout cela dans mon prochain libre entretien qui sera installé sur le site d'Arcole ce vendredi 11. Dans mon article du 7 mai, j'ai voulu souligner les points positifs. Quand la droite l'emporte par 53 sur 47, c'est 6 points d'avance pour la France. Mais la partie n'est pas finie, bien évidemment. Quant aux arguments sur 1958, je crois les avoirs mentionnés. En disant "chat échaudé craint l'eau froide". Je n'ai pas oublié. N'oublions pas non plus que "l'histoire est la science des faits qui ne se répètent pas" (Paul Valéry).
3. À Boishardy
Qui m'avait écrit :
Merci de vos chroniques !
J'aimerais dire à ceux qui veulent partir à l'étranger pour ne pas vivre dans un pays gouverné par Sarkozy que bien des jeunes actuellement à l'étranger ont voté massivement pour Sarkozy, puisque pour eux l'élection de Madame Royal signifiait qu'ils allaient encore rester longtemps hors de France. Allez vivre en Angleterre ou en Irlande sans aller plus loin a permis à ces jeunes de se rendre compte de la chape de plomb qui pèse sur la France.
Je lui réponds donc : Merci de votre message.
5. À Philippe Josselin
Qui m'avait écrit :
"Petite réponse" à M. Michel Louis Lévy : n'oublions pas que c'est un tel scrutin à 3 candidats qui a conduit à l'élection d'Allende au Chili, catastrophe dont ce pays jusqu'alors prospère a mis des années à se remettre. La voie qui mène à l'enfer socialiste est décidément pavée des meilleures intentions démocratiques.
Je lui réponds donc : Merci d'avoir en somme répondu à ma place. J'ajoute que je suggère seulement, dans mon article, que si l'on veut tendre institutionnaliser le bipartisme dans la pratique c'est le moment.
Il avait ajouté :
Ouf ! Peut-être n'échapperons-nous pas à la ruine et au chaos, mais nous aurons au moins évité la ridiculitude…
Je lui réponds donc : bravo pour la "ridiculitude". Nous y avons échappé, en effet. Mais ce n'est pas fini ! Vigilance !
Enfin, il m'avait écrit en post scriptum :
Pourquoi nous priver désormais de vos "petites réponses" ? ne font-elles pas partie de la vie de ce forum ?
Je lui réponds donc :
Merci de cet intérêt pour mes petites réponses. J'espère vous avoir "rassuré"
Je dois dire que la fonction "forum", ouverte sur l'Insolent depuis quelque temps par la nouvelle architecture du site me semble un peu inquiétante à terme pour l'emploi du temps où L'Insolent devient une sorte de force envahissante à proportion de la croissance actuellement exponentielle de son audience.
Vous me postez souvent de jolis petits apophtegmes; Je vous en livre un à mon tour :
"Un écrivain qui répond aux lettres est un écrivain perdu"(Giraudoux)
4. À Marc enfin
Qui m'avait écrit :
De deux choses l'une, soit les "néoconservateurs" US ne s'intéressent qu'au sort des multinationales US, ce qui serait en soi une forme de souverainisme achevé, soit ils sont "internationalistes" parce que "bi-partistes"…
On ne peut reprocher à quelqu'un une chose, et en même temps son contraire…
Ne possédant que deux mains, deux pieds, et, hélas, deux hémisphères cérébraux, j'avoue ne pas bien saisir en quoi la présence d'une dizaine de partis politiques participe d'une meilleure affirmation la souveraineté de la France dans le monde.
Pour tout dire, la lecture jadis attentive des "commentaires" du divin Jules m'inciterait plutôt à penser l'inverse.
Je repose donc, sans la reformuler, la question déjà posée sur un autre fil :
Où siffle t-on l'hymne national ?
À San Diego, Californie, ou à Saint Denis, Ile de France ?
Chez les "bi-partistes" US, où chez les multipartistes Français, où l'on compte pourtant pas moins de trois organisations politiques se réclamant du "souverainisme" ?
Loin de museler les esprits indépendants, les grands partis peuvent, au contraire, leur servir de caisse de résonance.
À condition, bien entendu, de parvenir à faire ce à quoi notre tempérament celte souvent répugne : des concessions…
Mais regardons plutôt les réactions à l'élection de N. Sarkozy, d'où qu'elles viennent.
On peut y voir, à ce qu'il me semble, un catalogue assez explicite des ennemis véritables, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, de la souveraineté de la France.
De la lointaine Turquie, jusqu'aux rives du Maghreb ou à certains secteurs de nos banlieues, la lecture toute Lepenienne du "l'hydre UMPS", ou du théorème "Sarko = Ségo", ne semble pas emporter les convictions.
Quand bien même on puisse raisonnablement douter de la sincérité des engagements de N. Sarkozy, ces mines contrites, ces airs marris, ces propos aigres nous feraient presque oublier ces préventions, et démontrent que chez les clients habitués de la France "tapineuse", la sérénité satisfaite a fait place, au moins pour un instant, à l'inquiétude.
Ne boudons pas notre plaisir…
Je lui réponds donc, pour conclure : Voila certes de nombreux thèmes de réflexion en chantier pour l'Insolent et pour ses lecteurs.
JG Malliarakis
L'élection d'Allende s'est faite dans un scrutin triangulaire à la majorité relative, sans que les électeurs classent les deux autres candidats. Le scrutin, "d'assentiment" ou "de moindre mal", "à la Condorcet" évite ce cas de figure, et aurait rétabli en 2002 le classement 1. Chirac 2. Jospin 3. Le Pen.
Rédigé par : Michel Louis Lévy | mardi 08 mai 2007 à 11:16
Merci, cher Jean-Gilles, d'avoir clairement manifesté la position du bon sens et du sens droit consistant à voter "pour le moins mauvais qui a le plus de chances" comme disait Maurras. Car bien au-delà des querelles partisanes, c'était l'intérêt de la France qui était en jeu. Et madame Royal nous eût entraînés à la ruine, économique et morale (pour autant que Chirac nous ait laissé quelque chose à perdre). L'un de vos commentateurs évoquait récemment le Chili. C'est un pays que je connais bien et dont la présidente Bachelet - soutenue en son temps par madame Royal et proche d'elle tant par les convictions que par le caractère - mène une politique désastreuse.
Sarkozy c'était le candidat de la raison, c'était peut-être aussi celui du coeur. Car il y a chez lui des accents sur l'amour du pays qui réchauffent l'âme, sur l'exigence du devoir précédant les droits, sur l'arrêt de la repentance politique qui a affecté le patriotisme, bref sur la reconstruction d'une France mère des arts (pas forcément premiers) des armes et des droits.
Alors, le temps que l'on pourra, croyons-y et prions pour que cela dure !
Rédigé par : Jean-Louis Daudet | mardi 08 mai 2007 à 12:16
La question est désormais surtout de savoir si Sarkozy peut nous surprendre en mal. Ceux qui évoquaient à n'en plus finir la force du TSS, Tout-Sauf-Sarkozy, avaient sans doute sous-estimé la force du TSR, Tout-Sauf-Royal, que sa prestation lors du débat télévisé aura certainement amplifié.
Rédigé par : Nik | mardi 08 mai 2007 à 12:40
Qu'entendez-vous exactement par "monarchie constitutionnelle" ?
S'il s'agit d'une monarchie parlementaire où, en fin de compte, c'est, quelle que soit la marge de manoeuvre du souverain, le Parlement qui a toujours le dernier mot, cette forme de gouvernement finit toujours par s'abâtardir en république couronnée.
Si en revanche, vous la comprenez comme une monarchie où un pacte (qu'on peut appeler Constitution) lie le souverain à son peuple, mais où le roi reste le pouvoir suprême et le suprême recours, alors je suis d'accord. On peut d'ailleurs dire, sans trop de paradoxe, que la royauté capétienne était en ce sens une monarchie constitutionnelle, où le pacte entre le souverain et son peuple était exprimé dans le serment du sacre et, quoique non écrit, dans les "lois fondamentales". Si l'on prend l'expression de "monarchie constitutionnelle" en ce sens, il ne s'oppose pas à "monarchie absolue" au sens authentique de l'expression, qui exprime la liberté du souverain envers tous pouvoirs humains, et non l'absolutisme.
Rédigé par : Anne Merlin-Chazelas | mardi 08 mai 2007 à 13:07
Petite réponse à la question de Anne Merlin-Chazelas
Petite réponse:
Par constitution on peut certes entendre des choses différentes. Et notamment la constitution non écrite comme en Grande-Bretagne. Même aux XVIIe et XVIIIe siècle on pouvait parler en France de "la constitution du Royaume".
Peut-être eût-il mieux valu écrire "la Monarchie selon la Charte". Mais vous m'eussiez sans doute aussi corrigé.
Au fond, je ne renie certainement pas la formule idéale "pour Dieu, pour le Roi, pour la Liberté".
J'associe étroitement les trois références, mais cela suppose un peu plus qu'une "petite réponse".
Rappel de la question :
Qu'entendez-vous exactement par "monarchie constitutionnelle" ?
S'il s'agit d'une monarchie parlementaire où, en fin de compte, c'est, quelle que soit la marge de manoeuvre du souverain, le Parlement qui a toujours le dernier mot, cette forme de gouvernement finit toujours par s'abâtardir en république couronnée.
Si en revanche, vous la comprenez comme une monarchie où un pacte (qu'on peut appeler Constitution) lie le souverain à son peuple, mais où le roi reste le pouvoir suprême et le suprême recours, alors je suis d'accord. On peut d'ailleurs dire, sans trop de paradoxe, que la royauté capétienne était en ce sens une monarchie constitutionnelle, où le pacte entre le souverain et son peuple était exprimé dans le serment du sacre et, quoique non écrit, dans les "lois fondamentales". Si l'on prend l'expression de "monarchie constitutionnelle" en ce sens, il ne s'oppose pas à "monarchie absolue" au sens authentique de l'expression, qui exprime la liberté du souverain envers tous pouvoirs humains, et non l'absolutisme.
Rédigé par : JG Malliarakis | mardi 08 mai 2007 à 13:54
Question à Michel-Louis Lévy
Pourriez-vous nous rappeler ce qu'est le scrutin "à la Condorcet" que vous semblez préconiser ?
Rédigé par : Émile Koch | mardi 08 mai 2007 à 14:04
Me voila donc un peu renseigné sur votre monarchisme.
Cette bizarrerie m'intriguait beaucoup.
Je suis moi aussi "monarchiste", au moins de sentiment, plutôt de la variante légitimiste d'ailleurs, malgré mon grand respect pour l'homme d'état Louis-Philippe.
En revanche je suis complètement revenu de Maurras qui me paraît un esprit faux. Cette théorie de l'Action Française selon laquelle, par une sorte d'automatisme, une dynastie garantirait toujours l'intérêt national... c'est absolument faux. Il y a mille exemples où la dynastie, même capétienne, a occasionnellement été néfaste. Il existe aussi dans l’histoire des républiques admirables de stabilité et de grandeur (Venise, la Confédération Suisse). Une monarchie, comme une république, peut avoir des avantages et des inconvénients, variables selon les personnes et les circonstances. (Il est vrai que les cinq républiques françaises ont été généralement funestes.)
Je pense que ces royalistes français, vous aussi peut-être, quoique vous soyez un peu plus utopiste, ce qui vous rend d’ailleurs sympathique, sont au fond des républicains rationalistes. Gramsci disait vrai en disant que Maurras faisait de "l'illuminisme retourné" c'est à dire exactement le même genre de verbiage que celui des républicains défenseurs des lumières, sauf qu'il avait lui cette lubie de "conclure" à la monarchie et de s'opposer en apparence aux idées des lumières.
Cela m'a toujours paru absurde. Un bourgeois parisien intellectuel, républicain, comme Bainville, se réveille un beau matin, constate que la IIIe république fonctionne mal et "conclut" à la monarchie. Toute la prétention intellectuelle française cartésienne et bornée est là dedans.
Les choses ne se passent jamais comme ça.
Les Mérovingiens, puis les Pépinides, puis les Carolingiens, puis les Robertiens, puis les Capétiens comme les Liudolfingiens (maison saxonne dont est issue Othon le Grand), les Saliens, les Hohenstaufen, les Welfs, les Habsbourgs et tant d'autres ont fondé de grandes dynasties, tout comme d'ailleurs les Commnènes, Cantacuzènes, Paléologues et autres Basileus byzantins qui vous sont peut-être proches.
Tous ces gens n'ont jamais été effleurés par une réflexion institutionnelle les faisant "conclure" à la monarchie alors qu'ils auraient aussi pu éventuellement s'intéresser à conduire des républiques. C'est idiot. Ils n'ont jamais eu besoin non plus d'un Maurras ou autre pour théoriser leur régime. Ils se moquaient bien de ça.
La seule différence entre la monarchie et la république est que dans une république il n'y a pas une famille assez puissante pour dominer toutes les autres familles puissantes et oligarchiques ayant barre sur le gouvernement. C'est aussi simple que ça même si en France on essaie de nous bourrer le mou avec toutes sortes de théories selon lesquelles la république ne serait pas seulement l'absence de roi, mais bien un contenu philosophique et moral particulier, unique et irremplaçable. Ceci en réalité cache une autre réalité, c'est que la république dans l'acception bizarre qu'on donne au mot en France est en réalité un paravent de l'autorité absolue des loges, lesquelles balisent les avenues du pouvoir, judiciaire , parlementaire, exécutif, administratif, économique, culturel, médiatique, etc., etc.
Bref, si on veut des institutions monarchiques, ce n'est pas en dissertant sur les avantages relatifs de la conception de Châteaubriand, par rapport à celle d'autres grands esprits.
Une monarchie ne peut naître d'autre chose que de la conquête ou reconquête du pouvoir directement par une famille régnante, capable de maîtriser elle-même, et par ses fondés de pouvoirs dévoués, tous les instruments pratiques du pouvoir réel: l'argent, les médias, la force armée. Elle doit aussi acquérir une influence morale mais c'est un tout et le plus important c'est le pouvoir réel qu'il faut amasser jusqu'au point où l'autorité de fait devient tellement prédominante et incontournable qu'elle s'impose à tous comme une réalité devant laquelle chacun s'incline naturellement. On s'incline bien devant son patron même si on ne l'aime pas. Et de même chacun se plie aujourd'hui devant le pouvoir du régime oligarchique à paravent démocratique en place, ses barons de presse marchands de canons, ses hommes de médias aux gages, ses lobbys, ses professeurs, ses histrions, ses compères, ses flics de la pensée, ses fonctionnaires, etc.
Ensuite seulement vient l'adhésion du coeur et du sentiment. En général les sentiments d'affection naissent plus tard, après avoir subi pendant des générations le pouvoir d'une famille comme après avoir subi le pouvoir d'un président, ou dictateur, on finit par s'y attacher. C'est comme à Clermont Ferrand tous les ouvriers de Michelin même ceux qui protestaient le plus véhémentement contre leurs patrons dynastiques, qui licenciaient alors que leur entreprise était profitable, sont allés sincèrement émus, signer le registre des condoléances à la mort tragique du rejeton régnant. (Immédiatement remplacé par un autre de la même dynastie).
Comme dans le caoutchouc, la banque ou l'automobile, l'existence d'une famille régnante est d’abord un fait qui s'impose à tous en dehors de toute idéologie, ou alors ça n’existe pas. Ca n’a pas de sens.
L'une des anomalies de notre époque est que la transmission héréditaire du pouvoir, indiscutée dans l'économie où se transmettent de véritables empires, a, pour des raisons difficiles à comprendre, été éliminée du champ politique.
Ca peut revenir, mais sous une autre forme, tout comme la république romaine née de l'élimination des Tarquins, a produit en son sein des lignées dynastiques républicaines jusqu'au jour ou le principat d'Octave fit naître une nouvelle monarchie, bien qu'instable.
Les grands lignages barbares évoquées plus haut (Mérovingiens & Cie) ont accédé au pouvoir de façon coutumière comme chefs tribaux d'abord, hissés sur le pavois par leurs guerriers, puis se sont parées des attributs de l'Empire romain dont ils étaient des fédérés et des généraux. Toujours, c'est la force qui a permis leur installation, ensuite légitimée par le temps mais ils ne se sont maintenus qu’aussi longtemps qu’ils détenaient la force.
C'est pourquoi je ne crois pas du tout à votre royalisme "constitutionnel" sentimental et utopique, quoique sympathique.
Il ne tient pas debout pour la raison simple que vous n'avez pas de prince: c'est à dire un homme de pouvoir, machiavélien, qui pour vous convenir devrait, j'imagine, être issu de la maison de France, mais qui avant tout devrait posséder cette qualité d'être encore beaucoup plus fort que Sarkozy, Chirac et Mitterrand réunis dans le maniement des forces pratiques du pouvoir réel.
Pensez-vous vraiment que ce pauvre artiste peintre un peu demeuré qui vous tient lieu de comte de Paris, - touchant dans sa désarmante misère - puisse mener une telle action, manier de telles armes ? Ou alors le sympathique jeune homme espagnol des légitimistes, descendant accessoirement du général Franco (ce qui n'est pas une tare) et ayant eu le nez d'épouser une opulente héritière vénézuélienne ?
Je n'y crois absolument pas. Sic transit gloria mundi. Oubliez la défense d'un "héritage" dont les héritiers sont décidément aussi insignifiants.
La France est un concept politique qui appartient au passé. L’élection de Le Pen aurait pu la faire repartir pour un tour en sortant de l’Europe. Même les anciens "fafs" comme vous ne sont plus souverainistes. C'est dire ! Il reste du pré carré capétien une grosse préfecture européenne dans un protectorat américain, qui va d'ailleurs se disloquer de plus en plus. Ce reliquat historique pourra certes élire des gestionnaires plus ou moins compétents, comme Sarkozy, pour gérer ses affaires désormais subalternes. C'est en effet tout ce qu'on peut espérer.
Il y aura encore des dynasties, mais ce ne seront plus celles de la maison de France que continuent de révérer les gens d'Action Française.
On voit apparaître une dynastie impériale en Inde, la famille Nehru, alors que les maharadjas en sont réduits à devenir des hôteliers de luxe. La famille El Assad semble s'accrocher pas mal en Syrie. On verra si ça dure et si Oncle Sam leur prète vie. Une famille dynastique représentant l'un des ethnies du pays règne de père en fille à Ceylan depuis plusieurs générations, dans un cadre formellement républicain démocratique et parlementaire. Quelques satrapies de l'ex-empire soviétique ont vu leurs leaders communistes convertis en présidents à vie transmettre à leurs fils un véritable sceptre (la famille Aliev en Azerbaïdjan, le président du Turkménistan aurait pu faire de même mais il est mort avant d'avoir organisé sa succession en famille, on verra ce que fait M. Nursultan Nazarbaïev le président du Kazakhstan). La république de Singapour est régie souverainement par M. Xi Guanwei, héritier de trois générations de présidents dirigeant l'Etat comme le conseil d'administration d'une grande compagnie d'armateurs et de banquiers. Etc., etc.
Voilà qui est plus sérieux et plus réel que votre monarchie constitutionnelle à la Châteaubriand.
Vous aurez peut-être en France républicaine quelques ersatz de dynasties. Vous avez eu les Servan-Schreiber qui étaient parvenus très près du pouvoir avec une volonté dynastique délibérée et ne l'ont manqué que par le manque de bon sens élémentaire de JJSS. Vous aurez peut-être une succession héréditaire au Front National. On verra jusqu’ou mène le talent de Marine Le Pen. Elle est douée. Ces choses sont sympathiques même si ça ne mène pas loin. Aux Etats Unis, pays dont le drapeau ("stars and stripes") n'est autre que le blason d'une famille de hobereaux nommés Washington, on a aussi un faible pour les dynasties. Ca fait partie de l’ American dream. On a eu les Roosevelt, les Kennedy, les Bush. Comme en France on comble un fort besoin de princes et de princesses avec Grace Kelly et les Grimaldi de Monaco, autant de succédanés pour calmer un besoin affectif. Mais les vraies dynasties américaines sont une douzaine de familles de magnats dont les Rockfeller.
Même la Suisse si démocratique a ses rois sans couronne sous la forme de rois du ciment du nom de Schmiedheiny. Cette famille a son délégué personnel au gouvernement et sans elle rien ne se fait. Personne ne conteste leur puissance même pas les socialistes. Jamais les médias ne laissent rien percer de ce secret de Polichinelle. Le pouvoir des Schmiedheinys est très grand aussi, d’ailleurs, dans l’économie française, adossé à l'influence de la Confédération qui protège aussi Nestlé, l’UBS le Crédit Suisse, les assurances Zurich, Novartis, Roche, etc. Mais le grand public ignore jusqu'aux noms de ces gens. En Suède la vraie dynastie est la famille Wallenberg, en Italie la famille Agnelli, maisons moins discrètes que les Schmiedheinys.
Si vous vous intéressez à la continuité familiale comme gage de stabilité, dans la politique comme dans l'économie, je vous conseille de chercher plutôt de ce côté là.
Les théories sur les avantages abstraits de telle ou telle construction "monarchique" me font irrésistiblement penser aux cogitations d’un groupe d'économistes qui se réuniraient en colloques pour dire que la clé de la réussite économique est l'entreprise familiale. Ils préconiseraient pour une grande entreprise, ci-devant familiale, de remettre le rejeton des fondateurs à la tête du conseil d'administration. Ils écriraient des manifestes pour tenter de convaincre les actionnaires de cette société, désormais cotée en bourse, à New York de surcroît, de se ranger à leur avis.
Jamais les choses ne se passeront comme ça. Tout au plus le rejeton d'une grande dynastie industrielle dépossédée pourrait-il trouver assez d'énergie, personnellement, pour rebâtir un empire. C'est paraît-il ce qu'a fait monsieur Bolloré. C'est aussi ce que devrait savoir faire une maison royale détrônée pour jouer à nouveau un rôle.
Hélas ! je ne vois pas ces qualités de condottiere dans les dégénérés apitoyants auxquels les monarchistes français vouent encore une étrange et folklorique fidélité.
Vous connaissez sans doute le mot de de Gaulle, en veine de confidences, et monologuant devant un de ses ministres nommé Prigent:
"Vous voyez Prigent, ce qu'il faudrait à la France c'est un roi. Un grand bonhomme comme ça, qu'on ressort dans les grands moments de crise, comme un recours. Mais ça a été cassé et ça ne se refait pas !"
Rédigé par : démosthène | mardi 08 mai 2007 à 15:48
J'ai ironisé un peu sur votre concept de monarchie constitutionnelle. mais ne m'en veuillez pas surtout.
Bien sur, il y a surement beaucoup d'idées à prendre chez Châteaubriand et Berryer. Surtout Berryer peut-être, que l'on connaît mal et que je n'ai jamais lu. Il avait peut-être plus de sens commun que Maurras. Je sais seulement que c'était un grand avocat légitimiste sous la monarchie de Juillet et le second Empire. Un grand orateur, et un franc-maçon, chose qui peut arriver même à des gens très bien comme Alain Griotteray et tous les derniers princes de la maison de France Louis XVIII Charles X ont été initiés.
Merci de m'avoir donné envie de lire les textes de Berryer. Je vous écrirai peut-être pour vous faire part de mes impressions après lecture.
Ceci étant dit mon objection principale demeure. Pas de monarchie sans prince. Et de prince en état de marche, vous n'en avez pas à disposition.
C'est le seul problème, mais il est de taille. Ne trouvez vous pas ? Et c'est quelqu'un dont certains des ancêtres sont morts pour servir les Bourbons qui vous dit cela.
Rédigé par : démosthène | mardi 08 mai 2007 à 18:44
Et puis, je voulais aussi vous féliciter d'avoir mis en lettrine le portrait de saint Thomas d'Aquin. Même si, on se demande pourquoi, vous avez caché sa tête.
Rédigé par : démosthène | mardi 08 mai 2007 à 22:42
Réponse à Emile Koch
Le scrutin " à la Condorcet", par allusion au "paradoxe de Condorcet", recommande de classer les candidats par ordre de préférence. S'il y en a trois (ex : Sarko-Ségo-Bayrou), cela conduit à choisir entre six bulletins, chaque candidat étant classé 2 fois 1er, 2 fois 2ème, 2 fois dernier. Si un candidat a la majorité absolue des premières places, il est élu. Sinon, est élu celui qui a le plus de premières ou deuxièmes places.
Rédigé par : Michel Louis Lévy | mercredi 09 mai 2007 à 19:23