Écoutez l'enregistrement "pot-de-caste" de cette chronique :
Interpellant le nouveau président, Mme Éva Joly déclare : "j'espère qu'il tiendra parole, et démantèlera par exemple les réseaux français en Afrique, ou ne permettra pas à des entreprises françaises d'avoir des comptes bancaires dans des paradis fiscaux".
Quant au deuxième point, on pourrait se demander à quelle pratique Mme Joly fait exactement allusion.
S'il s'agit de comptes apparemment sans autre objet que le reversement de commissions frauduleuses on comprend parfaitement sa préoccupation. En revanche le concept même de paradis fiscal revêt un caractère dérisoirement extensif s'agissant de pays européens, avec les ressortissants desquels les entreprises françaises entretiennent de très légitimes et nécessaires relations commerciales et industrielles, pays dont le seul crime est de pratiquer une fiscalité moins pénalisante que celle de l'Hexagone.
S'agissant du premier point, en revanche, on pourrait utilement requestionner le sujet sur la base d'une petite information relevée, naguère, auprès de la courageuse dirigeante d'Action contre la faim Mme Sylvie Brunel. Dans son livre Le Gaspillage de l'aide publique publié en 1993, on comprenait que la moitié des coupures en francs CFA représentatives de l'aide d'État au développement se trouvait rachetée, chaque année, par la banque de France auprès des banques centrales de ces fameux et compromettants paradis fiscaux. Il nous paraît donc intéressant de savoir comment cette réalité a évolué, la banque de France appartenant sans doute au nombre de ces entreprises françaises que vise la célèbre magistrate anti-corruption.
Un humoriste a pu définir ainsi l'aide au développement : comme une excellente manière de prendre l'argent aux pauvres des pays riches pour le donner aux riches des pays pauvres, qui en rétrocèdent une partie non négligeable aux riches des pays riches. Je ne crois pas, hélas, que nous demeurions, par une telle définition, dans le registre d'une quelconque galéjade. Elle me semble même décrire exactement le réel.
Ce qui mérite, en revanche, d'être souligné plus avant, c'est bien entendu l'absence de tout effet positif sur le développement des pays africains.
Les pays du Tiers-monde qui ont pris leur essor depuis les années 1950, ces pays qu'on appelle aujourd'hui émergents, l'ont fait pour la plupart sans recevoir vraiment de subsides au titre de l'aide d'État et, par ailleurs, sans disposer de vraies ressources minières en général, ni pétrolières en particulier.
Le plus souvent en effet les financements reçus au titre de l'aide, ou les revenus tirés des hydrocarbures, ont alimenté non seulement des régimes dictatoriaux et des partis uniques, mais de véritables castes barrant la route aux initiatives de petits entrepreneurs locaux.
En contrepartie on doit bien se représenter l'interaction des dirigeants corrupteurs et affameurs du Tiers-monde avec les cercles dirigeants qui, en Europe, à la fois programment, imposent et détournent les flux financiers de l'aide.
Quand Mme Joly parle de "démanteler les réseaux français en Afrique", une première et légitime réaction nous rappelle avec émotion le souvenir des médecins français, du corps de "Santé navale", des ingénieurs français, des missionnaires français et de quelques grands administrateurs qui, sauf erreur, ne se constituaient pas en "réseaux".
Sur un autre terrain, où la "diplomatie humanitaire" excelle, on ne peut pas non plus laisser accuser impunément les militaires français, ni les coopérants français de crimes dont ils ne portent aucune part de responsabilités. Qu'on mette en accusation, par exemple, les politiciens français dans les absurdes et hypocrites "accords de Marcoussis" imposés en janvier 2003 par l'inepte Villepin à la Côte-d’Ivoire, soit. Mais que l'on cesse d'accuser les soldats français qui ont cherché, tant bien que mal, à appliquer sur le terrain la ligne fluctuante de nos politiciens et de nos technocrates.
Une fois posée cette réserve, et nous y tenons, une véritable investigation mérite bien d'être lancée, non sur les hypothétiques "réseaux français" en Afrique, mais bel et bien sur une autre face de la même réalité, alimentée aux mêmes caisses, à savoir les groupes de pression du tiers-monde en Europe, agents de la tiers-mondisation rampante de notre pays.
Sur un tel terrain nous devons déplorer le peu d'espoir que peut susciter notre presse, en général si serve et si veule. Rien de plus légitime par conséquent que d'attendre qu'un minimum de clarté puisse par défaut, commencer à poindre du fait d'une procédure judiciaire, que, dans celle-ci, M. Chirac et sa clique demeurent ou non parmi ceux que Mme Joly aime à nommer "les Invulnérables".
JG Malliarakis
Notes :
- Dans son étonnant entretien publié par "20 Minutes" le 25 mai.
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