Écoutez l'enregistrement "podcast" de cette chronique :
L'affaire de la Foire du Trône, qui a vu la mort d'un jeune policier de 31 ans, père d'une fillette de 3 ans, va sans doute défrayer la chronique un peu plus longtemps que prévu. La thèse "accidentelle" se voit démentie par deux témoins, et ceux-ci ne semblent pas décidés à revenir sur leurs déclarations.
Cet exemple confirme la difficulté dans laquelle se débattent les médiats pour parler d'un fait pourtant évident, celui de la délinquance. À en croire Le Monde (8-9 avril), à se fier à de nombreuses réactions de journalistes et de syndicalistes policiers une sorte de tabou empêche en effet d'évoquer les violences urbaines et le sentiment d'insécurité. Ce sujet même entraînerait les citoyens sur la pente fatale, nous assure-t-on, du vote protestataire réputé aujourd'hui d'extrême droite.
Ainsi en 2002, commente-t-on désormais, la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour auraient résulté de la place accordée à ce thème.
Oubliées, dans ce raisonnement, les causes, certainement futiles, circonstancielles ou accidentelles de l'effondrement du candidat Jospin. Premier ministre depuis 5 ans supportait à ce titre, et pour cette raison bien connue en un demi-siècle de Cinquième république, un handicap majeur pour les gouvernants sortants. On n'en tiendra pas compte. Les candidatures parasites de Chevènement (1 519 000 voix) et Taubira (660 000), – l'écart entre les scores respectifs de Le Pen et Jospin s'élevant à 187 000 voix – ne sauraient, non plus avoir, interféré arithmétiquement, ni les manœuvres élyséennes dénoncées par Le Pen lui-même tendant à lui faciliter la tâche in extremis. On vous le dit : les questions de sécurité ont été trop évoquées alors, et par de mauvais citoyens, saboteurs de notre étincelante république et comploteurs d'extrême droite.
Or Le Monde sur toute la page 3, et sous les signatures de MM. Luc Bronner et Piotr Smolar, mentionne plusieurs indices et institutions, mis en place manifestement par des scientifiques parfaitement étrangers eux-mêmes à toute conspiration (ultra) nationaliste, et qui témoignent, en dépit des fatwas politiquement correctes, de cette préoccupation sécuritaire, considérée comme immorale et condamnée par la charia de notre dhimmitude rampante...
Je cite ainsi, d'après le journal :
- l'Indicateur national des violences urbaines, ou "INVU";
- l'Observatoire national de la délinquance ;
- l'Institut national des hautes études de la sécurité, ou "INHES";
- l'étude réalisée par cet INHES, à la demande du préfet de Seine-Saint-Denis M. Jean-François Cordet, sur les rapports entre policiers et habitants, elle-même recensée dans Le Monde du 5 avril ;
- les travaux du sociologue Sébastien Roché, enseignant à l’Institut d’études politiques de Grenoble, soulignant la retenue des syndicats policiers à propos de la violence dès lors qu'ils font eux-mêmes figures de victimes .
Celui-ci considère en effet : "Nous sommes dans un domaine sous-développé, ce qui empêche de poser les bonnes questions. D'autant plus ajoute-t-il, que certaines études sont placées sous embargo."
- un chercheur appointé par le CNRS, M. Fabien Jobard, relève pour sa part : "La justice est très souvent saisie, notamment pour outrage et rébellion. Et elle condamne, affirme-t-il, beaucoup plus sévèrement qu'il y a 10 ans." Puis-je risquer moi-même le commentaire suivant : la justice condamne plus sévèrement parce que les infractions deviennent, de leur côté, elles aussi, infiniment plus graves.
Tous ces organismes précités, tous ces indices statistiques, tous ces chercheurs appartiennent-ils donc à la conjuration redoutable de l'extrême droite ? Nous tremblons !
Le Monde publie une grande photo en couleurs d'un meeting organisé le 3 avril par l'UNSA-Police, principal syndicat de la profession, classé – sans doute abusivement "à gauche" – et demandant "des effectifs, des moyens et la reconnaissance de la pénibilité et de la dangerosité du métier".
Pour se borner à la morne statistique, retenons ce que Le Monde veut bien nous concéder. Depuis 1996, donc en 10 ans, les violences envers les personnes "dépositaires de l'autorité", gendarmes comme pompiers, infirmiers comme professeurs, etc. ont plus que doublé, l'intensité même de ces atteintes contre ces personnes s'aggravant d'autre part, d'année en année.
Depuis 3 ans, la hausse numérique de l'INVU incluant de pareilles violences atteint régulièrement le rythme de 6 à 8 % par an : 24 851 recensées en 2006, en hausse de 6,3 % par rapport à 2005.
Dans les cités on tire à la carabine sur les policiers.
Où se situe dans de telles conditions, la conjuration d'extrême droite ?
Cela fait plus de vingt ans que l'on recense les fameuses zones de Non-Droit, qui se multiplient, soigneusement niées par la gauche minimisant avec un sentiment d'insécurité aussi irréelle qu'un fantasme.
Les témoignages de policiers et de commissaires sont nombreux, notamment dans le 9-3. N. Sarkozy avait d'ailleurs enfin reconnu l'échec du Modèle Républicain d'Intégration et fait le lien entre insécurité et immigration, une évidence majeure qui restait un tabou, pour ne pas faire le jeu de l'EXD, comme vous le soulignez.
- Lucienne BUI-TRONG. Violences urbaines, des vérités qui dérangent. Bayard (fut l'une des premières, à la tête des RG, à tirer la sonette d'alarme.)
Aux PUF/Que sais-je?:
- Alain BAUER et Christophe SOULLEZ. Violences et insécurité urbaine
- Jean LARGUIER. Le droit pénal
- André LAINGUI. Histoire du droit pénal
- Jean-François RENUCCI. Le droit pénal des mineurs
- Frédéric-Jérôme PANSIER. La peine et le droit
- Jean-Luc MATHIEU. L'insécurité
Chez Repères à La Découverte:
- Cécile BARBERGER. Droit pénal
- Jean-Paul JEAN. Le système pénal
- Philippe ROBERT. L'insécurité en France
- Philippe COMBESSIE. Sociologie de la prison
Rédigé par : i | samedi 17 jan 2015 à 21:11